Solidement campé à la tête du classement, le Britannique Bradley Wiggins se place en position de défense dans le Tour de France qui entame sa partie montagneuse à partir de mercredi.

Dix jours de course conformes aux prévisions, assortis de leur lot de chutes (T. Martin, Gesink, F. Schleck, Rolland) et de révélation (Pinot), ont validé la supériorité de l'équipe Sky, mise en évidence lors du dernier Dauphiné. À ceci près que le deuxième homme de la formation britannique, l'Anglais Chris Froome, a fait mieux que la plupart de leurs adversaires annoncés.

Froome, troisième du classement à seulement 14 secondes de l'Australien Cadel Evans, pointe devant l'Italien Vincenzo Nibali - le trouble-fête tant espéré à cause de son tempérament offensif - et le Russe Denis Menchov. Les autres candidats au podium sont distancés, quasiment mis hors jeu (sauf exploit retentissant) avant que soit escaladé le premier col hors catégorie du Tour.

À la veille du Grand Colombier, ce col qui se prête sur ses deux versants (montée et descente) aux offensives, Wiggins possède près de deux minutes d'avance sur Evans, le vainqueur sortant, 1:53 exactement puisque le directeur sportif de l'Australien a insisté pour rappeler la différence exacte puisque le Tour s'est parfois joué à une poignée de secondes (8 en 1989 entre LeMond et Fignon).

«Il va se mettre à ses watts»

En sera-t-il de même cette fois le 22 juillet? L'écart s'arrondit sensiblement si le second contre-la-montre, à la veille de l'arrivée à Paris, est pris en compte. Le parcours de 53,5 kilomètres à travers la plaine de la Beauce ajoute un bonus virtuel de l'ordre d'une minute et demie à deux minutes au profit de Wiggins. Autant dire que s'il veut gagner une deuxième fois le Tour, Evans doit miser sur un K.-O.. C'est à dire un jour-sans du Londonien.

«C'est la seule chose qui pourrait faire perdre les Sky», appuie Charly Mottet, l'ex-numéro un mondial qui fut l'un des coureurs les plus lucides de sa génération. «Un bis repetita de la Vuelta quand Froome avait roulé pour Wiggins. Puis Wiggins avait sauté et Froome avait terminé deuxième derrière Cobo. Dans ce Tour, celui qui pourrait jouer le rôle de Cobo, c'est Evans».

Ce scénario catastrophe pour Sky relève de l'hypothèse, estime l'ancien champion: «l'équipe l'a déjà vécu une fois et Wiggins semble beaucoup plus fort qu'à la Vuelta. Ils se sont peut-être, ou sans doute, mis à l'abri de cette situation».

Pour la formation du Royaume-Uni, le Tour de France se présente désormais au mieux. À sa troisième participation, puisqu'elle n'a été créée qu'en 2010 avec l'objectif de porter à court terme un Britannique sur la plus haute marche du podium (une première en près de cent ans d'histoire!), les voyants sont au vert.

Wiggins, concentré sur son effort, est attentif à ne pas dépasser le seuil limite d'effort (calculé en watts) sous peine d'enregistrer une défaillance cinglante. «Il est dans une logique de défenseur», souligne Mottet. «Son souci, c'est de ne pas se faire sauter la caisse, même s'il y a des attaques pour tenter de le mettre en difficulté. Il va se mettre à ses watts, comme il dit, il va se mettre à son maximum».

«Beaucoup d'ouvertures»

Le porteur du maillot jaune l'affirme, il ne s'occupe pas vraiment des autres dans les situations chaudes de la course. «Ce qu'il veut, c'est gérer son potentiel au maximum», explique Mottet. «Il arrivera ce qui arrivera. Soit il perdra du temps soit il en gagnera sur les autres».

Est-ce un autre cyclisme? «La différence, c'est qu'on peut aujourd'hui le mesurer», explique l'ancien numéro un mondial. «Mais, dans les années 1980, c'était déjà la même chose. Hinault, face aux purs grimpeurs, se mettait naturellement à son maximum. Il ne cherchait pas forcément à les suivre. Mais, ce qu'il faisait, c'était à partir de ses sensations. Il n'aurait pas accepté les watts parce que l'on n'était pas formé à ça».

Au moins la supériorité de l'équipe laisse-t-elle augurer d'une ouverture dans les prochaines étapes pour les coureurs qui sont à un échelon un peu plus éloigné au classement.

«Il y aura beaucoup d'ouvertures», prévoit Thibaut Pinot, le plus jeune coureur du Tour (22 ans) qui s'est révélé dimanche dans l'étape suisse de Porrentruy. «Les Sky vont rester autour de Wiggins et de Froome, ils ne vont pas aller chercher tout le monde». Sous peine de prendre des risques supplémentaires en dépensant trop d'énergie.