Morphologiquement, on ne dirait pas, mais Andy Schleck et Alberto Contador étaient comme deux boxeurs poids lourds, hier, sur les dernières rampes du Tourmalet. Deux boxeurs poids lourds dans la dernière minute du 12e round d'un combat de championnat. Après 3200 kilomètres à s'échanger les coups, dont un juste en bas de la ceinture, il ne leur restait que 10 kilomètres pour tout régler.

Se sachant en déficit sur la carte de pointage des juges, Schleck devait mettre Contador K.-O. pour espérer l'emporter. Bien lancé par ses coéquipiers de Saxo Bank, auteurs d'un ultime sursaut d'honneur en haute montagne, le Luxembourgeois a serré les dents et lancé un dernier grand crochet à 10 km du sommet. L'Espagnol n'a pas bronché.

À un peu moins de quatre kilomètres, Contador a répliqué, davantage pour dire «regarde, je suis encore là» que pour réellement toucher. Schleck s'est reporté à sa hauteur et l'a regardé. Le combat était fini. Un fan écervelé est tout ce qui aurait pu encore les faire tomber.

Dans le brouillard, Contador et Schleck ont franchi les trois derniers kilomètres presque épaule contre épaule, comme Anquetil et Poulidor en 1964, mais sans vraiment se battre. Deux boxeurs, les bras lourds, retenant les gants de l'autre.

Sans surprise, Contador n'a pas sprinté, laissant le luxe à Schleck de lever le bras droit en franchissant la ligne d'arrivée. Son maillot jaune sécurisé et après l'incident de la chaîne, Contador n'allait quand même pas disputer la victoire à Schleck, qui avait fait toute l'ascension devant.

La ceinture la plus importante, Contador pourra la lever une troisième fois dimanche sur les Champs-Élysées. Ces huit secondes représentent un coussin plus que suffisant, surtout que le double vainqueur du Tour aura l'avantage, à titre de dernier partant du contre-la-montre de demain, de pouvoir moduler son effort sur celui de Schleck, qui le précédera sur la route.

Alors, un pétard mouillé, cette ascension finale du Tourmalet, point d'orgue du 100e anniversaire du premier passage du Tour dans les Pyrénées? Non... à moins d'être un fan fini de Schleck et/ou de détester Contador. Les deux grands champions n'ont pu faire de maître et ce n'est pas plus mal que ça. On a aussi eu la confirmation que même sans saut de chaîne, Schleck n'aura pas lâché Contador dans le Port de Balès.

Après l'acrimonie de lundi, les deux hommes ont fini ça dans une belle harmonie. Sincèrement heureux de sa victoire, Schleck a fait l'accolade à son rival après avoir traversé la ligne. Descendu de son vélo, Contador lui a tapoté la joue avant de lui lancer un immense clin d'oeil. Et ce n'était pas du pipeau. Comme deux grands boxeurs s'enlaçant après le son du dernier gong.

Ryder Hesjedal, lui, en avait encore dans le caisson. Pendant que Vinokourov et Leipheimer peinaient, ce diable de Canadien grimpait dans le premier groupe, le faisant même éclater avec deux démarrages dans les deux derniers kilomètres.

Pendant un moment, on a cru l'avoir perdu dans le brouillard. Et puis hop! voilà que surgit le grand efflanqué tout recourbé sur sa monture, comme l'antihéros des Triplettes de Belleville. «Ma meilleure journée sur le vélo», a dit Hesjedal aux reporters sur place. Quatrième au sommet du Tourmalet, même Steve Bauer n'a pas fait ça.

AUJOURD'HUI: 18e étape, Salies-de-Béarn-Bordeaux, 198 km: Les sprinteurs s'arrachent depuis des jours dans les Pyrénées. Ils ne laisseront pas filer cette dernière occasion avant Paris. Bordeaux est un grand classique pour sprinters, avec cette longue ligne droite d'un kilomètre avant l'arrivée. Petacchi voudra reprendre le maillot vert, mais Cavendish s'imposera, même sans Renshaw.

LE TWEET DU JOUR: David Zabriskie: «J'ai demandé à Ryder Hesjedal comment il se sentait avant le Tourmalet... La réponse fut: «Les jambes sont en parfaite condition.»»