Le Tour de France 2010 prépare son dénouement dans les Pyrénées, le premier massif de haute montagne gravi par le peloton il y a cent ans et théâtre de nombreux épisodes légendaires de la Grande Boucle.

Pour ce centenaire, le peloton reprendra mardi, comme le 21 juillet 1910, l'enchaînement de quatre cols devenus mythiques: Peyresourde, Aspin, Tourmalet et Aubisque.

«Vous êtes des assassins !», avait lancé à l'un des organisateurs le Français Octave Lapize, le premier arrivé, boyau autour du torse, en haut du Tourmalet qu'il avait monté en alternant marche à pied et vélo. Son compatriote Gustave Garrigou, passé après lui, avait reçu cent francs de prime pour l'avoir monté sans poser pied à terre.

L'idée de gravir les Pyrénées avait germé dans la tête d'Alphonse Steinès, chargé par Henri Desgrange, fondateur du Tour, d'établir les itinéraires. En 1905, deux ans après la première édition de la Grande Boucle, les coureurs étaient déjà partis à l'assaut du Ballon d'Alsace.

Le premier contact avec les Pyrénées aurait pourtant dû être dissuasif. Steines, parti reconnaître l'inhospitalier «Cercle de la mort» bordé par les quatre cols, s'était retrouvé pris dans une tempête de neige et avait terminé sa reconnaissance à pied, transi de froid. Mais, de retour dans la vallée, il avait télégraphié à Desgrange que le col était franchissable.

Ce mensonge sera à l'origine de la légende du Tour. Les coureurs graviront désormais les plus hauts sommets --le premier col alpestre du Galibier sera ajouté au Tour l'année suivante-- où naîtra le mythe des «forçats de la route».

Drames

Un des premiers héros pyrénéens fut le Français Eugène Christophe qui, en 1913, casse sa fourche dans la descente du Tourmalet et gagne à pied Sainte-Marie-de-Campan pour réparer lui-même son engin dans la forge locale et repartir.

En 1934, le Français René Vietto, prostré au bord de la route, y vivra comme une injustice d'avoir dû s'arrêter pour donner son vélo à son équipier maillot jaune Antonin Magne. Le lendemain, il devra rebrousser chemin dans la descente du Portet-d'Aspet pour lui venir à nouveau en aide.

Aux cols historiques, le Tourmalet en tête franchi à 76 reprises, ont ensuite été rajoutés quelques «cols du XXIe siècle»: le port de Balès et le port de Pailhères, une des montées les plus dures du massif.

Les longues ascensions pyrénéennes, rendues souvent épiques par des conditions météo dantesques, ont été les pistes de chevauchées mémorables comme les 190 kilomètres en solitaire de Jean Robic jusqu'à Pau (1947) ou les 140 kilomètres d'Eddy Merckx pour rejoindre Mourenx (1969).

Les descentes ont été à maintes reprises le théâtre de drames. En 1971, l'Espagnol Luis Ocana, maillot jaune avec une solide avance sur Eddy Merckx, voit son rêve brisé, contraint d'abandonner après une chute sous l'orage du col de Mente. L'Italien Fabio Casartelli est décédé dans le Portet-d'Aspet une matinée ensoleillée de juillet 1995.

Les grands vainqueurs y ont brillé, à l'instar de Miguel Indurain qui enfilera le maillot jaune à Val Louron en 1991 avant de remporter le premier de ses cinq Tours de France et de Lance Armstrong dans les années 2000.

En 2010, Alberto Contador et Andy Schleck tenteront à leur tour d'y bâtir un morceau de leur gloire.