(Tokyo) Jusqu’ici inflexible quant à la tenue des Jeux olympiques de Tokyo cet été comme prévu, le premier ministre japonais Shinzo Abe a admis lundi qu’un report « pourrait devenir inévitable » face à la pandémie de coronavirus, à l’instar du CIO dimanche.

Le monde peut toujours compter sur le Japon pour accueillir les Jeux cet été, a déclaré M. Abe devant le Parlement nippon, mais « si cela devenait difficile, en tenant compte en priorité des athlètes », la décision d’un report « pourrait devenir inévitable ».

Les Jeux olympiques doivent normalement se tenir à Tokyo du 24 juillet au 9 août, et les Paralympiques du 25 août au 6 septembre.

La gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, s’est aussi rangée lundi derrière les propos de M. Abe et du CIO, acceptant qu’un report fasse partie des scénarios qui seront discutés durant les quatre prochaines semaines.

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La gouverneure de Tokyo Yuriko Koike aujourd’hui à une conférence sur la pandémie.

Il s’agit d’un tournant dans le discours officiel japonais, alors que les autorités locales poussaient jusqu’à présent pour organiser les Jeux aux dates initialement prévues.

La flamme olympique est arrivée au Japon vendredi, et des dizaines de milliers d’habitants se sont déjà pressés pour la voir depuis, malgré des festivités nettement limitées en raison du coronavirus. Son relais à travers tout le pays doit démarrer jeudi depuis la région de Fukushima (nord-est).

Dimanche, le Comité international olympique (CIO) avait annoncé l’ouverture de discussions « avec tous les partenaires pour dresser un état des lieux du développement rapide de la situation sanitaire et de son impact sur les Jeux olympiques ».

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Il reste 123 jours avant les JO de Tokyo, officiellement. En réalité, il ne reste plus grand monde à croire qu'ils auront lieu avant l’année prochaine.

Ces discussions comprendront le scénario d’un report, mais pas celui d’une annulation pure et simple de l’évènement, exclue aussi par M. Abe lundi.

« Ni faisable ni souhaitable »

« Mon interprétation de l’annonce du CIO est qu’ils ne veulent pas annuler les JO et qu’ils ne pensent pas pouvoir continuer de les maintenir à la date du 24 juillet », a expliqué à l’AFP le Canadien Dick Pound, membre historique du CIO.

L’hypothèse d’un report prend d’autant plus d’épaisseur que World Athletics, la très puissante fédération internationale d’athlétisme, sport numéro un aux JO, a pris clairement position, estimant qu’ouvrir les Jeux le 24 juillet n’était « ni faisable ni souhaitable », selon son président Sebastian Coe.

« Personne ne veut voir les Jeux olympiques reportés, mais comme je l’ai dit publiquement, nous ne pouvons pas maintenir cette manifestation coûte que coûte et certainement pas au détriment de la sécurité des athlètes », a écrit le Britannique dans un courrier adressé au CIO avant sa réunion de dimanche.

Cette prise de position tranchée intervient alors que la plupart des compétitions sportives sont à l’arrêt sur l’ensemble des continents, où plus d’un milliard de personnes doivent rester chez elles, avec des mesures de confinement souvent drastiques.

Plus de 361 510 cas d’infection ont été recensés dans 174 pays et territoires depuis le début de la crise sanitaire, qui a fait au moins 16 146 morts, selon le dernier bilan établi par l’AFP lundi à 15 h, heure du Québec.

L’annonce du Canada fait boule de neige

Un nombre grandissant de fédérations sportives nationales ont appelé ces derniers jours à un report de l’événement, emboîtant le pas à des critiques d’athlètes croissantes.

Les comités olympique et paralympique du Canada ont franchi un pas en annonçant dimanche qu’ils n’enverraient pas leurs athlètes si les JO étaient maintenus cet été. « La bonne décision à prendre », a jugé le premier ministre Justin Trudeau. Le pays plaide pour un report d’un an.

Le Comité national suisse a officiellement demandé lundi le report des JO. En France le ministre de la Santé, Olivier Véran, s’était aussi déclaré dimanche peu enclin à envoyer des sportifs au Japon dans quatre mois.

« Il est clair que les Jeux ne peuvent se tenir en juillet », a estimé lundi le vice-président du Comité olympique australien Ian Chesterman, invitant les athlètes du pays à se préparer pour l’été 2021.

Au-delà des questions évidentes de santé, la pandémie actuelle de coronavirus pose d’énormes difficultés pour les sportifs qui ne peuvent ni s’entraîner en vue des JO, ni même, dans un certain nombre de disciplines, tenter de se qualifier, faute de compétition.

L’ancien roi américain du sprint Carl Lewis a suggéré dimanche de reprogrammer les Jeux en 2022, une solution qu’il estime être « plus pratique » pour les athlètes qui auraient alors « le temps de se préparer ».

L’hypothèse d’un report semble largement partagée par les sportifs américains appelés à participer à la compétition, selon une consultation réalisée dimanche. La délégation américaine est traditionnellement la plus importante.

Un report d’un événement aussi gigantesque est toutefois une « opération très complexe », a prévenu samedi le président du CIO, Thomas Bach, dans un entretien avec le média régional allemand SWR. « Reporter les Jeux olympiques n’est pas comme décaler un match de football au samedi suivant ».