(Paris) La Bahreïnie Salwa Eïd Naser, championne du monde du 400 m en titre, a échappé de justesse à une sanction pour manquements à ses obligations de localisation antidopage grâce à un contrôle manqué finalement annulé, au déroulement rocambolesque.

Suspendue provisoirement depuis juin pour quatre manquements à ses obligations de localisation antidopage, l’athlète de 22 ans a été blanchie le 14 octobre par le tribunal disciplinaire de la Fédération internationale d’athlétisme, comme l’a révélé mardi l’Unité d’intégrité de l’athlétisme.

La championne du monde en titre se voit ouvrir les portes des Jeux de Tokyo, repoussés à 2021 en raison de la crise sanitaire.

Les annonces de suspension pour défauts de localisation se multiplient depuis un an en athlétisme, avec en plus de la Bahreïnie les Kényans Wilson Kipsang (ex-recordman du monde du marathon) et Elijah Manangoi (champion du monde 2017 du 1500 m), la sprinteuse américaine Deajah Stevens et surtout le champion du monde du 100 m américain Christian Coleman.

Les athlètes sont soumis à de scrupuleuses obligations de localisation et doivent donner l’adresse de leur domicile, le lieu et la date des stages, les entraînements, les compétitions, en plus d’offrir chaque jour une fenêtre d’une heure à un lieu déterminé afin de pouvoir être testé de façon inopinée. Une violation signifie qu’un athlète a donné des informations erronées ou n’était pas là où il avait dit qu’il serait lorsque les contrôleurs sont arrivés.

Trois manquements à ces obligations (un contrôle manqué, l’absence, ou des renseignements imprécis) en moins d’un an sont passibles de deux ans de suspension.

Après Coleman, Naser

Mais l’affaire Naser est surtout un nouveau camouflet pour la lutte antidopage, qui avait déjà inculpé Coleman à tort dans un premier temps avant les Mondiaux en 2019, avant que celui-ci ne soit suspendu provisoirement pour d’autres manquements en juin dernier.

La Bahreïnie à la progression fulgurante (près d’une seconde par saison gagnée entre 2016 et 2019), qui était rentrée dans l’histoire à Doha en octobre 2019 en réalisant le 3e meilleur chrono de tous les temps sur le tour de piste (48 sec 14), se voyait reprocher quatre manquements : une erreur de renseignement (datée du 1er janvier 2019) et trois contrôles manqués les 12 mars 2019, 12 avril 2019 et 24 janvier 2020.

Mais suite à une grossière erreur du contrôleur, pas aidé par les informations floues données par l’athlète, le tribunal a décidé de rejeter le contrôle manqué d’avril 2019. Les trois manquements restants s’étalent ainsi sur plus d’un an, rendant une sanction impossible.

Dans leur décision publique, les juges racontent un rocambolesque contrôle manqué, « qui serait comique si les circonstances n’étaient pas si sérieuses ».

Une gaffe du contrôleur

Le contrôleur, « expérimenté », se présente à Riffa (centre du Bahreïn) à 6 h du matin (le début du créneau obligatoire d’une heure de l’athlète) à l’adresse indiquée dans le logiciel dédié ADAMS (Anti-Doping Administration & Management System), à la recherche de l’immeuble à l’adresse civique 964. Déjà, celui-ci n’existe pas, mais le contrôleur possède suffisamment d’informations pour comprendre que le bon immeuble est le 954.

À la recherche de l’appartement numéro 11, il trouve deux portes devant l’immeuble. A gauche, l’une en bois avec le numéro 11, à droite, une autre vitrée avec le numéro 12 et des interphones.

Le contrôleur toque pendant une heure à la porte numéro 11 qui est en fait… un local technique ! Face à l’absence de réponse, il pense appeler l’athlète, mais cette dernière n’a pas inscrit de numéro de téléphone (fortement recommandé, mais pas obligatoire). Elle expliquera plus tard qu’elle avait confié cette tâche à son agent.

Les juges notent que le contrôle manqué ne peut ainsi pas être reproché à la championne, qui indique avoir bien été dans son appartement ce jour-là. Le contrôleur aurait dû entrer par la porte 12 qui n’était pas verrouillée, car les interphones de l’immeuble ne fonctionnent pas, et aurait pu ainsi trouver le bon appartement…

« Ce cas était à l’extrême limite, nous espérons que l’athlète tirera conséquence de cette histoire », écrivent les juges.

L’AIU indique avoir 30 jours pour faire éventuellement appel de la décision devant le Tribunal arbitral du sport.