(Genève) La Chine, qui organisera les Jeux olympiques d’hiver en 2022 à Pékin, s’est retrouvée attaquée mercredi par des centaines d’ONG qui accusent le pays de multiples violations des droits humains et pressent l’ONU et le CIO d’agir.

Dans une première lettre, une coalition de 165 groupes de défense des droits humains a demandé au Comité international olympique (CIO) de priver Pékin des JO d’hiver de 2022, tandis que, dans un autre courrier, plus de 300 ONG ont exhorté l’ONU à enquêter sur les violations des droits humains en Chine.

Dans la lettre, la coalition demande au CIO d’annuler « sa décision malheureuse d’octroyer les Jeux olympiques d’hiver de 2022 à Pékin ».

Elle ajoute que les Jeux olympiques de 2008 n’ont pas amélioré la situation des droits humains en Chine, et rappelé que depuis ce temps, le géant chinois a développé « un système de surveillance Orweillien » au Tibet et emprisonné plus d’un million d’Ouïghours, un groupe ethnique essentiellement musulman. On énumère également une série d’autres abus allégués à Hong Kong et en Mongolie, en plus de gestes d’intimidation à Taïwan.

Ces appels interviennent alors que les critiques à l’égard de la Chine se sont multipliées, notamment sur la situation à Hong Kong et la question des Ouïghours de la région du Xinjiang (ouest).  

Les États-Unis ont ainsi récemment pris des sanctions contre plusieurs dirigeants chinois, accusés de réprimer la minorité musulmane ouïghoure, alors que la Grande-Bretagne et la France ont dénoncé des pratiques que la Chine récuse.

« Génocide » perpétré par la Chine, disent des Ouïghours

Fin juillet, un groupe de défense de la minorité ouïghoure, basé à Munich, avait déjà exhorté le CIO à reconsidérer la tenue des JO d’hiver de 2022 à Pékin en raison de ce qu’il qualifie de « génocide » contre cette minorité.

Les signataires de la lettre envoyée à Thomas Bach, le président du CIO, avertissent que ces Jeux pourraient entraîner « davantage de répression » en Chine, faisant référence à une augmentation des attaques « contre les communautés vivant sous son régime » après les Jeux olympiques d’été de 2008.

Interrogé par l’AFP, le CIO a souligné sa neutralité sur les questions politiques internationales et relevé que l’attribution des Jeux olympiques à un Comité national ne signifie pas que « le CIO est d’accord avec la structure politique de son pays ni avec les conditions sociales ou les critères en matière de droits de l’homme qui y prévalent ».

L’organisation basée à Lausanne a également indiqué avoir « abordé » la question des droits de l’homme avec le gouvernement chinois et les autorités locales, et avoir « reçu des garanties selon lesquelles les principes de la Charte olympique seraient respectés dans le contexte des Jeux olympiques ».

« Règles du jeu »

Plusieurs organisations de défense des droits humains ont accusé la Chine d’avoir interné au Xinjiang au moins un million de musulmans dans des « camps de rééducation ».

La Chine a toujours nié ces accusations, reprochant aux autres pays de vouloir interférer dans ses affaires intérieures. Elle a d’abord nié l’existence de camps pour les Ouïghours, avant d’avancer qu’il s’agissait de camps de travail et de formation professionnelle pour combattre le terrorisme.

Le CIO, dont les bureaux sont situés en Suisse, traverse une période de turbulence. Ses finances — et celles de 200 comités olympiques nationaux et d’une dizaine d’autres fédérations sportives internationales — ont été ébranlées par le report des JO de Tokyo à 2021 en raison de la pandémie de coronavirus.

Bach a averti il y a deux mois de ne pas procéder à des boycottages, mais précisé qu’il ne parlait pas de Pékin. Le CIO génère 73 % de ses revenus par la vente de droits de télédiffusion, et 18 % par la vente de commandites, mais ses revenus ont chuté à cause du report des JO de Tokyo.

Après que les villes européennes d’Oslo et Stockholm se soient retirées de la course à l’obtention des JO de 2022, le CIO a dû choisir entre deux candidates : Pékin et Almaty, au Kazakhstan. Pékin a triomphé par quatre voix, permettant à la Chine, un immense marché très lucratif, de présenter des JO d’hiver — même si elle ne dispose d’aucune véritable tradition hivernale.

L’ONU et les droits humains

À Genève, la Haute-Commissaire de l’ONU aux droits humains, Michelle Bachelet, a réclamé plusieurs fois à Pékin un « accès total » au Xinjiang, et demandé aux autorités hongkongaises une « enquête impartiale » sur le comportement des forces de l’ordre.

Mais les défenseurs des droits humains demandent à l’ONU de durcir le ton.

Dans une lettre ouverte au Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à Mme Bachelet, ainsi qu’aux États membres, plus de 300 ONG, dont Amnistie et Human Rights Watch, s’appuient sur une initiative de 50 experts des Nations unies qui avaient réclamé fin juin des « mesures décisives pour protéger les libertés fondamentales en Chine » et dénonçaient notamment « des violations massives des droits humains que commet la Chine à Hong Kong, au Tibet et au Xinjiang.

Ces ONG accusent aussi la Chine, qui dispose d’un des cinq sièges permanents au Conseil de sécurité, de cibler les défenseurs des droits humains à l’étranger, de réprimer la liberté intellectuelle hors de Chine et de censurer internet.

À Pékin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Zhao Lijian, a simplement déclaré mercredi que » les accusations portées par ces organisations sont sans fondement « .

Mais les ONG réclament toute une série de mesures concrètes aux instances de l’ONU-session spéciale du Conseil des droits de l’homme, nomination d’un envoyé spécial-et demandent aussi à Mme Bachelet d’exécuter son mandat en surveillant les » violations des droits humains généralisées commises « par la Chine et en publiant des rapports à ce sujet.

À cinq jours de la prochaine réunion du Conseil des droits de l’Homme, la présidente du Conseil des droits de l’Homme, Élisabeth Tichy-Fisslberger, a indiqué mercredi aux journalistes à Genève que la situation en Chine avait déjà été abordée lors de précédentes réunions, et rappelé qu’il incombe aux États membres de cette instance, et non aux ONG, de demander une session spéciale.

 » Ce sont les règles du jeu «, a-t-elle dit.