Au printemps, Maggie MacNeil a délogé la vice-championne olympique Penny Oleksiak de l’équipe canadienne au 100 m papillon. Quatre mois plus tard, l’Ontarienne de 19 ans a gagné l’or aux Championnats du monde. Portrait de la nouvelle vedette de la natation canadienne.

Dans le cadre d’un tournage préolympique de Radio-Canada, Maggie MacNeil rendait visite aux élèves de son ancienne école secondaire à London, jeudi.

« Ça faisait bizarre de parler aux enfants et de penser que je suis un modèle pour eux. Ç’a vraiment été une révélation pour moi. »

Les jeunes ont visionné la vidéo de sa finale du 100 m papillon aux Championnats du monde de Gwangju, en Corée du Sud, l’été dernier.

Cinquième au virage, MacNeil fait une remontée irrésistible sur sa voisine de couloir, la Suédoise Sarah Sjöström. La triple tenante du titre et médaillée d’or olympique ne la voit jamais venir. Parce que l’Ontarienne de 19 ans la rattrape sous l’eau, propulsée par une ondulation dévastatrice. Quand elle émerge, elle nage pratiquement à la hauteur de sa rivale, dont elle prendra la mesure dans les 15 derniers mètres.

MacNeil touche le mur la première. Quand elle voit le résultat sur le tableau, son état de surprise est encore plus grand que celui de Penny Oleksiak aux Jeux olympiques de Rio. Sjöström prend sa successeure dans ses bras. « Oh my God !, répète la Canadienne. Je t’admire tellement ! »

Jointe à London, MacNeil n’en revient toujours pas : « J’ai vu la vidéo quelques fois et même aujourd’hui, quand ils l’ont fait jouer pour ces enfants, c’est encore fou de penser que j’ai fait ça il y a quatre mois. »

Déjà auréolée de ses succès aux Jeux de 2016, la natation féminine canadienne tient donc une nouvelle pépite. À 1,67 m, elle ressemble plus à Katerine Savard qu’à des géantes comme Oleksiak, Taylor Ruck ou Sjöström. Les lunettes qu’elle porte sur le podium accentuent son air juvénile.

Progression

À première vue, MacNeil semble sortie de nulle part. À 15 ans, elle était pourtant aux Mondiaux juniors de Singapour avec Oleksiak, Ruck et la Québécoise Mary-Sophie Harvey. Elle s’était classée 20e au 100 m papillon.

Au printemps 2016, elle a participé à ses premières sélections olympiques. Elle a fini sixième de cette finale du 100 m papillon, où Oleksiak s’était révélée et où Savard (3e) avait raté sa qualification.

« Je savais que je ne ferais pas partie de l’équipe, mais je me voyais en finale, se souvient MacNeil. Ça m’a certainement donné une bonne dose de confiance. J’étais plutôt satisfaite. »

Un an plus tard, elle a grimpé d’un rang, ratant l’équipe pour les Mondiaux de Budapest. À l’été 2018, elle a gagné l’or aux Championnats panpacifiques juniors.

Sa progression graduelle a connu un pic majeur l’an dernier. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires, elle a quitté le London Aquatic Club, où elle avait commencé les compétitions à l’âge de 8 ans, pour accepter une bourse à l’Université du Michigan.

« Michigan n’était pas vraiment sur mon écran radar au début, mais je voulais être près de la maison pour pouvoir y retourner les fins de semaine. Ça s’est joué entre l’Université de Toronto, si je restais au Canada, et Michigan, si j’allais aux États-Unis. »

Les avantages qu’obtient un athlète dans le système américain sont incomparables.

Maggie MacNeil

Aux Championnats de la NCAA, en mars, l’étudiante en psychologie a gagné l’argent au 100 verges papillon. Deux semaines plus tard, aux Essais canadiens pour les Mondiaux, elle a surfé sur cette vague pour surprendre les favorites Rebecca Smith et Oleksiak. Troisième, la quadruple médaillée de Rio ne s’est donc pas qualifiée à son épreuve fétiche.

L’espace d’une finale, MacNeil a effacé près d’une seconde et demie à sa marque personnelle. Soudainement, elle avait le potentiel de rivaliser avec les meilleures de sa discipline.

Aux Mondiaux de Gwangju, elle a atteint une autre dimension. Malgré sa nervosité extrême, elle a pris la mesure de Sjöström, détentrice du record mondial, invaincue sur la distance depuis six ans et probablement la meilleure sprinteuse de sa génération. La Suédoise a d’ailleurs été choisie nageuse de la compétition en vertu de ses cinq médailles individuelles.

PHOTO KIM HONG-JI, ARCHIVE SREUTERS

Emma McKeon, Maggie MacNeil et Sarah Sjöström sur le podium des Championnats du monde

Nouveau record des Amériques, le chrono de 55,83 s de MacNeil lui permet d’occuper la deuxième place du palmarès des meilleures de tous les temps.

Meilleures nageuses de l’histoire au 100 m papillon 
1. Sarah Sjöström (SUÈ) 55,48 s – Jeux de Rio 2016
2. Maggie MacNeil (CAN) 55,83 s – Mondiaux de Gwangju 2019
3. Dana Vollmer (É.-U.) 55,98 s – Jeux de Londres 2012
4. Liu Zige (CHN) 56,07 s – Jeux nationaux chinois 2009
5. Rikako Ikee (JAP) 56,08 s – Championnats panpacifiques 2018
9. Penny Oleksiak (CAN) 56,46 s – Jeux de Rio 2016

En un an, MacNeil a retranché plus de deux secondes et demie à son meilleur temps. « Du jamais vu », avait affirmé l’analyste de CBC Byron MacDonald, l’entraîneur de Kylie Masse, championne mondiale du 100 m dos, à l’Université de Toronto.

Comment s’explique-t-elle ce bond de géante ? « Je ne sais pas vraiment à quoi l’attribuer, a répondu celle qui a également remporté le bronze à deux relais. Juste de changer d’environnement d’entraînement, d’avoir de nouveaux coachs, des séries différentes et plus de musculation, ça m’a aidée à baisser ce temps. »

Après avoir commencé à lever des poids à 14 ans, elle a arrêté pendant deux ans, suivant une nouvelle pratique au London Aquatic Club. Elle s’y est remise au Michigan.

Le kick papillon sous l’eau a également joué un rôle crucial. « C’est pour ça que je suis une papillonneuse ; j’aime ce mouvement. Ça me vient naturellement, mais j’ai toujours aimé le travailler, en faisant des séries rapides. Ça a aidé aussi. »

PHOTO FRANÇOIS-XAVIER MARIT, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Maggie Macneil en action

Au repos pour un mois après les Mondiaux — une première pour elle —, MacNeil a repris l’entraînement et la compétition avec les Wolverines. L’éloignement lui a permis de se soustraire à la pression sous-jacente d’une année olympique, évalue-t-elle.

« Ça aide que je sois aux États-Unis en ce moment. Je ne sens pas autant la pression du Canada, des médias, que si je vivais toujours ici. Mais je m’en fais plus avec la pression que je m’impose qu’avec celle des autres. J’ai tellement de grandes attentes. Je suis contente que ce soit arrivé cette année. Je peux donc apprendre à gérer ça en vue de l’an prochain. »

« Ça arrive plus vite que je pensais »

Dans la piscine, MacNeil a remporté le 100 m papillon de la rencontre du circuit Pro Swim à Greensboro (Caroline du Nord), il y a trois semaines. Son chrono de 57,64 s est son septième à vie.

« Considérant que nous sommes en novembre, c’est pas mal bon. C’est sous le standard FINA A, ce qui me donne de la confiance à l’approche des Essais [olympiques], où je devrai au moins faire ce temps. »

Ces sélections pour Tokyo 2020 auront lieu à la fin de mars à Toronto. MacNeil, qui rêvait d’abord de 2024, fera figure de favorite, même si Oleksiak et Smith s’annoncent comme des rivales de très haut calibre.

« Ça arrive plus vite que je pensais, très bientôt. Je vais juste essayer de me concentrer, ne pas m’en faire et simplement avoir du plaisir. Arrivera ce qui arrivera. »

D’ici là, Maggie MacNeil a déjà une belle grosse médaille d’or à montrer aux enfants de son ancienne école.