Les spectateurs sont entassés par centaines à côté du terrain, mais je doute que ce soit pour moi.

Sur le terrain adjacent, Roger Federer frappe quelques balles en se faisant chanter «joyeux anniversaire» par la foule surexcitée. Mais en ce moment, l'anniversaire du numéro un mondial est loin dans ma liste de priorités. C'est plutôt son compatriote et copain Stanislas Wawrinka qui me préoccupe. La 22e raquette mondiale a gentiment accepté de prolonger son entraînement d'une trentaine de minutes avec le représentant de La Presse. Passer comme partenaire d'entraînement d'Andy Murray, un des favoris pour gagner la Coupe Rogers, à Vincent Brousseau-Pouliot, qui n'a rien gagné en 10 ans sauf une quinzaine de livres, la chute est brutale. J'espère qu'il ne s'ennuiera pas trop. Et que ce ne sera pas ma fête.

Le réchauffement n'est pas trop pénible. Objectif numéro un: ne pas faire trop d'erreurs. Ça ne sert à rien de vouloir avoir l'air de Roger Federer. De toute façon, la version originale s'exerce quelques mètres plus loin.

Après quelques services, on décide de faire un match de quatre jeux (on n'a pas réglé la question du bris d'égalité à 2-2, mais elle m'apparaît très théorique de toute façon). Ma première victoire: le tirage au sort. Je choisis de servir, au risque de provoquer un festival de doubles fautes.

Mon service tient le coup, même si le carré de service semble curieusement plus petit qu'à l'habitude. Encore mieux, les échanges sont partagés. Beau joueur, Wawrinka ne met pas toute la gomme. Il se transforme plutôt en mur, remettant la balle en jeu avec la régularité d'un métronome. À ma grande surprise, je prends l'avance 1-0 grâce à la générosité de mon adversaire. Quelques murmures émanent des estrades. Un spectateur me confond avec Andy Murray. Qui a dit que le public montréalais connaissait son tennis...

Pendant le changement de côté, Wawrinka, un joueur qui a la réputation d'être affable et terre-à-terre, me fait la conversation. Il s'informe de mon assiduité sur les courts. «En tout cas, tu joues bien et tu as l'air d'aimer le tennis», dit-il.

Diplomate, Wawrinka range son premier service. Heureusement, car mes réflexes ne tiendraient pas le coup face aux bombes de 210km/h qu'il enverra aujourd'hui à son adversaire de première ronde, Nicolas Kiefer.

Sur mon service, le numéro deux suisse crée l'égalité - une égalité bien théorique. En pratique, mon rythme cardiaque est sur le point d'exploser et mes jambes n'arrivent plus à suivre. Pourtant, le match n'est commencé que depuis 10 minutes.

De retour au service, surprise: me voilà à nouveau en difficulté. Mais à 30-40, mon service tombe directement sur la ligne du centre. Wawrinka s'étire sans parvenir à rejoindre la balle. C'est un as - probablement le plus lent de l'histoire de l'ATP, mais c'est un as quand même. Mon adversaire rit de bon coeur. Il gagnera néanmoins le point suivant pour prendre l'avance 2-1.

Dernière partie sur le service de mon adversaire. Tout à coup, la possibilité d'un match nul - un concept qui n'existe pas vraiment au tennis, mais passons - m'apparaît comme un titre du Grand Chelem. Peine perdue, Wawrinka garde son service. J'aurai tout de même réussi un bel amorti dans cette dernière partie. En me retournant après ce coup, je vois Federer assis sur sa chaise qui regarde vers notre court. Deux possibilités: ou bien le numéro un mondial rêvasse pendant ses quelques secondes de répit, ou bien il se demande ce qui se passe avec son compatriote, qui l'a pourtant battu à leur dernier affrontement sur le circuit...

Après le match, la poignée de main est sincère. Wawrinka repart ensuite vers le vestiaire en voiturette. La prochaine fois qu'il reviendra sur le court, ce sera sans doute plus sérieux.

Quelle leçon je retiens de mon bref passage chez les pros? La même que j'ai apprise à 10 ans quand je jouais seul sur le côté de la maison - c'est très difficile de battre un mur. Encore plus s'il est classé 22e meilleur mur au monde.