Il y a 20 ans, Michael Chang créait la surprise à Roland-Garros et mettait fin à une disette américaine de 34 ans Porte d'Auteuil dans le tournoi masculin.

Avant la victoire de Chang à Paris en 1989, aucun joueur américain depuis Tony Trabert en 1954 et 1955 n'avait plus gagné les Internationaux de France. Et à 17 ans et trois mois, Chang établissait aussi un record de précocité qui tient toujours pour un vainqueur en Grand Chelem.

«Je ne pense pas que quelqu'un ait pu un jour penser qu'un Américain soulèverait le trophée le dernier dimanche, s'est remémoré Chang au cours d'un entretien téléphonique. Et je suis l'un d'entre eux.»

La victoire de Chang a initié une série de finales disputées par des joueurs américains à Roland-Garros, débutant avec Jim Courier en 1991 et 1992 pour s'achever avec Andre Agassi en 1999.

Les Américains ont gagné quatre titres en 10 ans à Roland-Garros et ont obtenu quatre places de finaliste au cours de cette période.

Quand il y repense, Chang est encore surpris d'avoir même atteint les huitièmes de finale cette année-là. A ce stade du tournoi, il avait créé l'une des plus grosses surprises de l'histoire du tennis en battant le numéro un mondial de l'époque, Ivan Lendl, 4-6, 4-6, 6-3, 6-3, 6-3.

Chang avait envisagé d'abandonner à cause de crampes dans la jambe qui avaient commencé à le faire souffrir dans le quatrième set d'un match de quatre heures et demie.

«Je marchais vers l'arbitre de chaise en me disant «Hé, abandonne et fais toi encenser dans le vestiaire», a raconté Chang.

«J'aurais aimé», qu'il abandonne, a réagi Lendl, informé des commentaires de Chang.

«J'avais moi aussi des crampes dans ce match, a poursuivi Lendl la semaine dernière. J'avais essayé de le cacher.»

Epuisé mais soutenu par un public tout entier gagné à sa cause, Chang avait épaté Roland-Garros avec ses tactiques peu orthodoxes. A 4-3 dans le cinquième set, il avait ainsi servi à la cuillère avant de gagner le point en contraignant Lendl à commettre une erreur à la volée.

Chang explique qu'il avait servi de cette façon car ses jambes étaient si faibles qu'il ne pouvait pas servir à plus de 100 km/h. Et il s'était souvenu qu'Agassi l'avait agacé plusieurs années auparavant en servant à la cuillère alors qu'ils devaient avoir dans les 12 ans.

«Ivan était devenu un peu plus nerveux après ça, a poursuivi Chang. C'est la seule fois de ma vie où j'ai servi à la cuillère.»

Plus tard dans la partie, alors que Lendl servait sur balle de match, Chang s'était approché tout près de la ligne de service, une attitude rarement vue à ce niveau. Lendl, triple vainqueur à Roland-Garros, avait alors craqué et commis une double-faute.

«Les gens me demandent: «Tu ne trouves pas ça épouvantable qu'il ait servi à la cuillère?» ou alors «Il a fait ci, il a fait ça.» Hé, vous faites ce que vous avez à faire. Tant que vous gagnez de manière honnête et franche. Et c'est ce qu'il a fait, a souligné Lendl. Il n'y a pas d'amertume, il n'y en a jamais eu.»

Chang s'était encore rapproché de la ligne de service en quarts de finale contre Ronald Agenor, provoquant de nouveau une double-faute. Il avait ensuite battu Andreï Chesnokov en demi-finales et Stefan Edberg en finale.

«La pression était vraiment sur les autres, souligne Chang. Parce que personne ne voulait perdre face à un ado de 17 ans.»

Courier, qui fait partie de la même génération que Chang, Agassi et Pete Sampras, a déclaré que les exploits de Chang «avaient ouvert les yeux» du groupe. A eux quatre, ils ont remporté 27 tournois du Grand Chelem. Chang a montré la voie, mais il n'a plus jamais gagné de tournoi majeur par la suite.