(Paris) Une nouvelle sortie du cadre et une nouvelle polémique : la phrase de Novak Djokovic après son match à Roland-Garros lundi à propos du Kosovo, « le cœur de la Serbie », alimente une nouvelle fois l’image de ce joueur hors norme, maître dans l’art de la controverse.

La quête de son 23e Grand Chelem sur l’ocre parisienne, un titre qui représenterait l’un des plus grands exploits dans l’histoire du sport, n’a pas éteint ce feu provocateur qui caractérise le Serbe, à la carrière émaillée de polémiques, de malentendus, de faux pas et d’incompréhensions.

Après son match remporté lundi face à l’Américain Aleksandar Kovacevic 6-3, 6-2, 7-6 (7/1), le Serbe, armé de son marqueur, a inscrit quelques mots en cyrillique sur la caméra du court Philippe-Chatrier.  

Des mots en guise de message politique : « Le Kosovo c’est le cœur de la Serbie ! Stop à la violence. » Cette sortie du N.3 mondial intervient alors que le nord du Kosovo est le théâtre depuis plusieurs jours d’affrontements entre des membres de la force internationale emmenée par l’OTAN (KFOR) et des manifestants serbes qui réclament le départ de maires albanais de la localité.

« Pas un politicien »

Le joueur s’est justifié ensuite en conférence de presse devant les journalistes serbes. « C’est un sujet sensible. Je ressens une responsabilité supplémentaire en tant que personnalité publique et en tant que fils d’un homme né au Kosovo d’apporter mon soutien à tout le peuple serbe. C’est le moins que je puisse faire. Je ne suis pas un politicien et je n’ai pas l’intention d’engager un débat », a-t-il dit.

Ce n’est pourtant pas la première fois que le joueur parle du Kosovo : en janvier 2008, après sa première victoire en Grand Chelem aux Internationaux d’Australie, il avait déclaré : « Le Kosovo est la Serbie. » La Serbie, soutenue par ses alliés russe et chinois, n’a jamais reconnu l’indépendance proclamée en 2008 par son ancienne province et des tensions éclatent régulièrement entre Belgrade et Pristina.

La charte d’éthique de Roland-Garros proscrit les prises de position politique ou religieuse. Mais la FFT a publié un communiqué assez sibyllin, sans aborder la question d’une éventuelle sanction : « Les débats qui traversent l’actualité internationale s’invitent parfois en marge du tournoi, c’est compréhensible », a simplement déclaré la fédération.

« La phrase de Djokovic, ce n’est pas une surprise, décrypte pour l’AFP Lukas Macek, chercheur à l’Institut Jacques Delors basé à Paris. Novak est quelqu’un qui a des liens par rapport à certains milieux nationalistes serbes, et ses positions vont souvent dans le sens des nationalistes. Mais sur la question du Kosovo, même pour des Serbes très modérés, on sent que ça reste une blessure, un sujet délicat et douloureux. »

Une question aussi sensible pour les Kosovars : une peinture murale à l’effigie de Djokovic a été vandalisée dans la nuit de lundi à mardi sur un immeuble à Orahovac, petite ville dans le sud-ouest du Kosovo où plusieurs centaines de Serbes vivent aux côtés des Albanais, majoritaires, selon la télévision nationale serbe.

« Côté provocateur »

Sa position contre le vaccin anti-COVID-19 lui a pourtant coûté cher, avec plusieurs jours de rétention et son expulsion hyper médiatisée d’Australie en janvier 2022. Une séquence rocambolesque fondatrice d’une stature complotiste pour certains.

« Il a surtout des prises de position qui ne sont pas dans le “mainstream occidental”. Il y a un côté provocateur chez lui, indéniablement, analyse Lukas Macek. Son “COVID-19-Tour” organisé en ex-Yougoslavie en pleine pandémie, qui a viré au cluster, illustre parfaitement ces aspérités. »

Dans les coulisses, ses tentatives pour réorganiser le circuit n’ont pas eu l’écho recherché non plus. Sa personnalité, probablement une énigme pour beaucoup, « semble lui couper les ponts d’une popularité à la hauteur de son talent », avait estimé il y a quelques années un directeur de tournoi. Ce jugement pourrait peut-être changer en cas de victoire Porte d’Auteuil.