Le tennis est officiellement entré dans une nouvelle ère. Depuis des lunes, la WTA cherche désespérément une nouvelle grande vedette, sa nouvelle coqueluche. Or, il y a matière à réjouissance, car il n’y en a pas qu’une. Place au nouveau Big Three.

Pendant près de deux décennies, Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic ont dominé outrageusement le tennis masculin. Le trio de joueurs a été prolifique et leur succès, comme leur rivalité, a été bénéfique pour le tennis à l’échelle mondiale.

D’un point de vue historique, rien ne s’approche ni ne s’approchera jamais de cette période faste pendant laquelle le tennis pouvait être défini par trois noms seulement. Cependant, le monopole de la Sainte Trinité a eu pour effet de jeter de l’ombre sur le circuit féminin.

Jamais, malgré les épopées de Maria Sharapova et de Serena Williams, la WTA n’a été en mesure de rivaliser avec l’ATP en matière d’intérêt, de calibre et d’engouement.

Aujourd’hui, deux des trois membres du Big Three ne sont plus compétitifs. Le tennis masculin est ainsi plus ouvert et varié. L’occasion est donc parfaite pour le tennis féminin de prendre la place qui lui revient.

Iga Świątek, Aryna Sabalenka et Elena Rybakina ont pris les choses en main depuis le début de la saison. Leur rendement est assez constant et leur domination dure depuis assez longtemps pour que l’on puisse affirmer la chose suivante : il y a un nouveau Big Three. Et c’est probablement la meilleure nouvelle possible pour le tennis, de manière générale.

Une domination

Malheureusement, l’amateur moyen porte moins d’intérêt au tennis féminin. Difficile de le blâmer, car le système en entier favorise le volet masculin. À commencer par les heures de diffusion et le fait qu’une finale féminine est éclipsée en moins de 24 heures par celle des hommes.

Toutefois, il faut s’attarder au brio des trois joueuses pour comprendre à quel point leur emprise sur leur sport est exceptionnelle.

D’abord, elles ont remporté les quatre derniers tournois majeurs. Ensuite, lors des cinq premiers tournois de calibre WTA 1000 de la saison, toutes les finales ont impliqué au moins l’une d’elles.

Puis, sans doute le constat le plus haletant, une véritable rivalité s’est imposée au sein de la triade.

En carrière, Świątek a gagné cinq de ses huit affrontements contre Sabalenka. Sabalenka a remporté quatre de ses cinq matchs face à Rybakina. Et Rybakina a triomphé trois fois en quatre duels contre Świątek.

Un cercle vertueux dont tous les amateurs de tennis devraient se régaler. Enfin, le tennis féminin a ses héroïnes, agissant comme des piliers à long terme. Heureusement, cette lutte à trois a le potentiel de durer encore longtemps. Świątek a 21 ans, Sabalenka vient de souffler ses 25 bougies et Rybakina célébrera son 24anniversaire dans moins d’un mois.

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Fin de journée au stade Roland-Garros, à Paris, l’an dernier

Une loterie

Maintenant, en marge du deuxième tournoi majeur de la saison, prédire l’éventuelle finale est d’une fabuleuse complexité.

En toute logique, Świątek devrait avoir la primauté. Elle est au sommet du classement mondial et logiquement la meilleure joueuse au monde sur terre battue. Elle a remporté les grands honneurs deux fois au cours des trois dernières saisons à la porte d’Auteuil et elle a gagné deux titres cette saison. Toutefois, une blessure à un genou subie à Rome pourrait contrecarrer ses plans.

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La championne en titre Iga Świątek, qui avait battu Coco Gauff en finale

Sabalenka, reconnue davantage pour ses qualités de joueuse sur dur, ne cesse d’étonner sur terre battue. Elle a disputé deux finales contre Świątek et a remporté l’une d’elles, à Madrid. Son élimination hâtive à Rome lui aura sans doute permis de se ressourcer après un début de saison électrique et passablement occupé. Elle a dorénavant les outils nécessaires pour aspirer aux grands honneurs à Roland-Garros et la qualité de ses déplacements ne fait qu’améliorer ses chances. Elle est la meilleure joueuse en 2023 avec trois titres.

Rybakina, pour sa part, défriche son propre chemin sans faire de bruit. Elle vient de remporter les grands honneurs à Rome – trois de ses adversaires ont dû abandonner en plein match, mais cette trajectoire exceptionnelle n’enlève aucune valeur à son titre. Ses résultats des derniers mois sont suffisants pour qu’on la craigne. Même si elle n’est pas reconnue pour son jeu sur le sable rouge, son athlétisme compensera son jeu de nature plus explosive, souvent désavantagé sur cette surface.

Roland-Garros réserve souvent des surprises. Quoi qu’il en soit, les probabilités sont plutôt en faveur de la présence d’au moins l’une des trois assaillantes en finale. L’issue du match sera presque marginale, car avec ce nouveau trio de tête, le tennis a déjà gagné.

Cinq joueuses qui pourraient surprendre

Même si la lutte entre Iga Świątek, Aryna Sabalenka et Elena Rybakina semble concrète, aucun tournoi majeur n’est à l’abri de surprises. Voici cinq joueuses inattendues ayant le potentiel de faire trembler les colonnes du temple.

Bianca Andreescu

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Bianca Andreescu

Non, ça ne va pas sur terre battue cette saison. Deux matchs, deux défaites. Andreescu se remet toutefois d’une blessure à la cheville, et les dernières semaines à l’entraînement, paraît-il, ont été bénéfiques. L’année dernière, elle avait surpris tout le monde à son retour au jeu sur terre battue. En mars, elle a connu une sublime séquence à Miami. L’histoire nous aura appris à ne jamais sous-estimer les champions en tournoi du Grand Chelem.

Beatriz Haddad Maia

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Beatriz Haddad Maia

La Brésilienne étonne depuis un an. La gauchère a un style de jeu parfait pour la terre battue. La 14joueuse mondiale a connu de bons moments à Stuttgart et à Rome, mais c’est davantage son pedigree qui impressionne. Cette saison, elle aura fait la vie dure à Rybakina, Paula Badosa et Daria Kasatkina, notamment. Elle n’a pas l’expérience de ses rivales du top 10, mais une percée en tournoi majeur est envisageable. C’est sur terre battue qu’elle a le plus de chances d’y parvenir.

Veronika Kudermetova

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Veronika Kudermetova

Deux demi-finales à ses deux derniers tournois. Kudermotova est une autre spécialiste de la terre battue. Son jeu est rarement propre, mais souvent efficace. Ça fait plus de deux ans qu’elle n’a pas savouré un titre et elle a tendance à s’éteindre contre des joueuses mieux classées. Elle a repris du tonus à Madrid, mais son jeu comporte encore quelques défauts rendant impossible l’entrée dans le top 10. Elle aurait sans doute besoin d’une bonne séquence en tournoi majeur pour ouvrir les valves.

Jeļena Ostapenko

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Jeļena Ostapenko

On l’avait oubliée, mais Ostapenko nous oblige à la considérer à nouveau. Lorsqu’elle a gagné à Roland-Garros en 2017, elle était vue comme l’un des plus beaux projets du tennis féminin. Toutefois, des blessures, un manque de constance et des tracas à l’extérieur du terrain ont freiné son élan. De l’eau a coulé sous les ponts et la joueuse de 25 ans est de retour dans le top 10. Elle a baissé pavillon devant Rybakina à Rome en demi-finale, mais auparavant, elle s’était débarrassée de Paula Badosa, Daria Kasatkina et Barbora Krejčíková.

Belinda Bencic

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Belinda Bencic

Personne ne tomberait des nues si Belinda Bencic devait terminer le tournoi avec le trophée au bout des bras. Après tout, la joueuse de 26 ans est au 12rang mondial. Toutefois, elle passe sous le radar depuis deux saisons. Et pourtant, même si la constance lui a fait défaut avant la présente campagne, elle semble reprendre du poil de la bête. La Suissesse a joué seulement un tournoi sur terre battue, à Charleston, et elle a atteint la finale. Présentement, elle est au cinquième parmi les joueuses ayant accumulé le plus de points en 2023. Bencic est bagarreuse et futée, donc si une occasion se présente, elle pourrait la saisir.