C’est une chose d’être à son plus bas. C’en est une autre de le reconnaître.

La différence entre Leylah Annie Fernandez et la joueuse qu’elle était lorsqu’elle a atteint la finale des Internationaux des États-Unis en 2021 est minime. Si l’expérience a un prix, elle est en train de le payer très cher.

Un total de 11 victoires en 19 matchs. Dans un sport autre que le tennis, cette fiche serait acceptable, voire suffisante. Cependant, dans une discipline individuelle où chaque défaite signifie de faire ses bagages, jouer trop près du référentiel ,500 est insuffisant.

Surtout pour une finaliste de tournoi du Grand Chelem. Surtout pour une joueuse capable d’être parmi les meilleures au monde.

Toutefois, son âge lui procure une sorte de coussin. Quitte à ne pas avoir une bonne saison, Fernandez a le temps. Le temps nécessaire pour mieux faire les choses.

Depuis son ascension à Flushing Meadows, c’est le calme plat pour la Québécoise de 20 ans. Elle a gagné un titre à Monterrey, certes, mais elle n’a jamais pu revivre l’ivresse de la victoire et goûter à nouveau à l’engouement suscité par une envolée victorieuse sur l’une des plus grandes scènes du monde.

« Les résultats ne sont pas là », a-t-elle confié à La Presse, dans un bureau du Pacific Coliseum de Vancouver, où elle se trouve en préparation de la phase de qualifications de la Coupe Billie Jean King.

Vêtue d’un survêtement Fila aux couleurs de l’équipe nationale, Fernandez a été très lucide au moment d’analyser ses derniers mois sur le circuit de la WTA. « C’est un peu compliqué. »

PHOTO DARRYL DYCK, LA PRESSE CANADIENNE

Leylah Annie Fernandez fera partie de l’équipe canadienne aux qualifications de la Coupe Billie Jean King ce week-end.

Treizième joueuse mondiale l’été dernier, la gauchère peine à aligner les victoires. Elle a été incapable de gagner plus de deux matchs de suite depuis le début de la saison. Son jeu n’a rien de catastrophique. Elle n’a pas perdu la touche nécessairement. Elle est seulement incapable d’être constante. Invariablement, elle s’échine face aux meilleures joueuses, sans pour autant s’assurer de remporter ces matchs cruciaux dans sa quête de revenir dans l’élite mondiale.

« Physiquement, je me sens bien, je suis en confiance, je me sens forte. Mon jeu va bien aussi, j’essaye de l’imposer aux joueuses contre qui je joue. J’ai juste besoin d’être patiente », raconte la 50e raquette mondiale.

C’est l’aspect de sa progression le plus difficile à accepter : « Même si je me sens bien, les résultats ne viennent pas. »

La pression du passé

Fernandez a célébré son 19e anniversaire à New York, il y a un an et demi, en plein cœur de l’une des semaines les plus enivrantes du sport canadien.

À ces Internationaux des États-Unis, elle avait vaincu coup sur coup Naomi Osaka, Angelique Kerber, Elina Svitolina et Aryna Sabalenka avant de s’incliner en finale contre la non moins surprenante Emma Raducanu.

Évidemment, au lendemain de ce magnifique parcours, Fernandez devait négocier avec quelque chose d’inconnu : des attentes. Celles des amateurs, de ses nouveaux commanditaires, des Canadiens et les siennes.

PHOTO ROBERT DEUTSCH, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Leylah Annie Fernandez a atteint la finale des Internationaux des États-Unis, à 19 ans, en 2021.

Il est donc pertinent de se demander si, malgré toute la gloire et les retombées engendrées par cette aventure new-yorkaise quelque peu précoce, tout ce battage, cette attention et cette pression auront eu des effets néfastes.

« Peut-être, rétorque-t-elle en prenant soin de bien réfléchir. Je ne sais pas. En ce moment, je ne sais vraiment pas. Avant même les Internationaux des États-Unis, mes attentes étaient très élevées. Présentement, c’est très normal pour moi d’avoir ces attentes-là. On va voir dans les prochaines années, tu pourras me reposer cette question dans quelques années, mais en ce moment, je suis en paix avec le chemin que j’ai pris. »

Pendant cette bulle américaine, la Québécoise était inébranlable. Il est encore trop tôt pour avancer si elle surjouait ou si elle sera capable de reproduire une telle qualité de jeu. Reste que depuis, elle a perdu ses six affrontements contre des joueuses du top 10.

« Oui, j’ai atteint la finale d’un tournoi du grand chelem et oui, en ce moment, c’est une période très difficile lorsque je joue contre des joueuses du top 10. Même les joueuses du top 20 et 30 ont un gros calibre, alors tous les matchs vont être difficiles. »

C’est normal que les gens aient des attentes, parce que j’ai les mêmes.

Leylah Annie Fernandez

Fernandez n’a pas joué de chance, cependant, dans les tirages depuis le début de la saison. Sa glissade au classement lui donnera, bien entendu, des adversaires plus redoutables de plus en plus tôt dans les tournois, mais le mauvais sort s’acharne sur la Québécoise.

Elle a affronté Caroline Garcia (4e mondiale) dès le deuxième tour en Australie, Iga Świątek (1re) au deuxième tour à Dubaï, Garcia (5e) à nouveau, mais au troisième tour, à Indian Wells, Belinda Bencic (9e) au deuxième tour à Miami et Paula Badosa (12e) la semaine dernière au deuxième tour du tournoi de Charleston.

Fernandez a ri lorsqu’on lui a fait la remarque, comme pour approuver qu’effectivement, elle n’a jamais eu de répit. « Je suis plus contente d’avoir pu jouer ces matchs-là, comme ça je peux voir où est mon jeu et je peux me comparer, voir les erreurs que je fais dans les moments clés. Maintenant, c’est juste de retourner au travail et d’attendre une autre opportunité de jouer contre elles. »

Au moins, Fernandez a pu se consoler un tantinet en vertu d’une présence en finale du double féminin au tournoi de Miami avec sa partenaire Taylor Townsend.

Aider le Canada

Son objectif à moyen terme est de retourner au sein du top 30 d’ici la fin de la saison.

En attendant, elle devra aider le Canada à se qualifier pour les finales de la Coupe Billie Jean King. Pour y parvenir, l’équipe canadienne devra se défaire de la Belgique au cours du week-end.

Fernandez avait l’air soulagée de renouer avec un environnement familier, à Vancouver, et de retrouver ses coéquipières.

« Ah ! a-t-elle poussé en soupirant et en baissant les épaules, je suis trop contente. »

Elle constate l’engouement de plus en plus important autour des compétitions par équipes. Pour les joueuses comme elle, pour qui c’est plus difficile, une compétition de ce genre peut être salvatrice. « C’est la seule semaine où on peut jouer un tournoi qui est plus grand que nous-même et où nos objectifs ne sont pas que personnels. »

Elle retrouvera d’ailleurs Rebecca Marino et Gabriela Dabrowski. Deux coéquipières occupant une place spéciale dans son cœur : « Elles m’ont ouvert leurs bras et elles m’ont enseigné ce que ça impliquait de jouer la Coupe BJK et représenter le Canada. Je suis toujours heureuse de retrouver Rebecca et Gaby, elles sont comme des grandes sœurs… Comme mes parents plutôt », a conclu la cadette de l’équipe avec un rire franc.