Elle n’est pas la plus connue. Ni la plus populaire. Encore moins la plus extravagante. Mais Elena Rybakina gagne.

Elle l’a fait une fois de plus dimanche après-midi, en finale du tournoi d’Indian Wells, en ayant le dessus sur Aryna Sabalenka en deux manches de 7-6 (11) et 6-4.

Son nom est étranger pour la majeure partie de la population. Même pour les connaisseurs, l’épeler peut représenter un défi nécessitant un détour sur un quelconque moteur de recherche.

Or, Rybakina n’est pas étrangère aux finales des tableaux importants. L’été dernier, elle a remporté le tournoi de Wimbledon. En janvier, elle a été finaliste aux Internationaux d’Australie, contre Sabalenka. Les deux se retrouvaient en finale du Masters 1000 le plus prestigieux. Pour y accéder, Rybakina a vaincu la numéro un mondiale, Iga Świątek, en deux manches délicates de 6-2 en demi-finale.

Si la reconnaissance de la Kazakhe était à la hauteur de la qualité de son jeu, elle serait une mégavedette. Pourtant, elle fait les choses à sa manière, dans une discrétion relative. Si elle avait eu droit aux points liés à sa victoire sur le gazon londonien, elle ferait partie du top 3. Lorsque Sabalenka a envoyé le dernier retour de service du match dans le filet, Rybakina a à peine levé les bras. En attente de son énorme trophée de cristal, elle souriait à peine. Par gêne ou par stupéfaction.

Si la dixième raquette mondiale a remporté ce match, ce n’est pas uniquement à cause des 10 doubles fautes à la première manche, des 26 fautes directes ou de l’impatience palpable d’Aryna Sabalenka. C’est surtout grâce à son immense talent.

Trois éléments ont joué en faveur de la future championne : son rendement en retour de service, sa précision au service et sa constance.

Ce match mettait aux prises deux as aux services. L’une, Sabalenka, représentant la force pure. L’autre, Rybakina, étant d’une précision robotique. Deux styles, deux approches, mais deux références dans cette facette du jeu. Dimanche, la précision l’a emporté. Avec ses sept as, seulement deux doubles fautes et surtout 59 % de points gagnés sur deuxième balle, la dixième raquette mondiale a été supérieure et plus efficace que sa rivale.

Rybakina a été constante du début à la fin. Comme le tennis est un jeu d’erreurs, elle a laissé Sabalenka accuser les contrecoups de son jeu irrégulier. En retour de service, la Kazakhe a complètement déstabilisé la Biélorusse de 24 ans. Dès les premiers jeux du match, les deux pieds bien plantés, Rybakina retournait tout. Un croisé court en revers. Un coup droit long de ligne. Un revers en parallèle sur la ligne du fond. Ses enchaînements en retour ont fait douter la grande et puissante Sabalenka qui, dès le quatrième jeu du match, a commencé à perdre patience.

Rybakina est en train de se faire un nom dans le monde du tennis. Même si certains ont encore du mal à l’épeler.

Sabalenka l’échappe

Sur papier, Sabalenka arrivait au paradis du tennis avec une longueur d’avance. Elle avait battu son opposante en Australie, elle était mieux classée, elle avait gagné les quatre premiers affrontements entre les deux et elle était sur une lancée drôlement intéressante dans le désert californien avec des victoires contre María Sákkari (7), Cori Gauff (6) et Barbora Krejčíková (16).

Elle s’est bien battue, mais sans son arme de prédilection, les choses se sont compliquées. Ses statistiques au service sont loin d’être catastrophiques. Cependant, sa défaite a grandement à voir avec son rendement déficient en deuxième balle ; 10 doubles fautes en première manche, dont trois au bris d’égalité, et seulement 44 % de points gagnés lorsque la balle traversait le filet.

Sur un court, Sabalenka est intimidante. Elle rugit, car comme le tatouage sur son avant-bras, elle est une lionne. Elle est vorace, affamée et sans pitié. Dès le début du match, elle attaquait les lignes. Elle menait les échanges. Elle forçait son adversaire à survivre au lieu d’exister.

Avec ce genre de tactique, habituellement, Sabalenka s’en sort. Son coup droit en parallèle à 4-4 pour avoir l’avantage était à couper le souffle. Son immense revers gagnant en retour dans le bris d’égalité était brillant.

Sauf que contre une joueuse du calibre de Rybakina, à vouloir jouer avec le feu, on finit par se brûler.

PHOTO FREDERIC J. BROWN, AGENCE FRANCE-PRESSE

Aryna Sabalenka

Leur finale disputée en Australie est devenue un classique instantané. Assurément l’une des meilleures finales de Grand Chelem des dernières années. Encore dimanche, les deux assaillantes ont offert un spectacle grandiose.

Le premier jeu a duré sept minutes. Les quatre premiers jeux du match ont nécessité un bris d’égalité. Le bris d’égalité pour la manche s’est rendu à 13 points.

Il y a eu de tout dans cette rencontre. D’immenses coups gagnants, des erreurs, des lancers de raquettes, des rires, des hurlements, de longs échanges, des as. Bref, une finale à la hauteur d’un Masters 1000.

Les deux joueuses ont fait la preuve que le tennis féminin est en excellente santé. Elles ont aussi prouvé que malgré le début d’une rivalité, elles ont beaucoup d’estime l’une pour l’autre.

Lorsque Rybakina était au micro pour s’adresser à la foule, Sabalenka lui a tiré la langue lorsqu’elle a dit : « J’aimerais féliciter Aryna pour son match et ses super résultats depuis le début de la saison. » La foule a éclaté de rire.

Elle a poursuivi en disant : « C’est la première fois que je la bats, donc j’espère que ça arrivera encore dans l’avenir ». Sabalenka s’est alors avancée vers le micro pour ajouter, à la blague : « Je vais m’assurer que ce soit la dernière fois ! »

« Non, non, non », a rétorqué la gagnante sous les rires de la foule.

Les deux nouveaux visages du tennis féminin se recroiseront. Elles ont prouvé que les femmes peuvent offrir un spectacle extraordinaire. « J’espère que nous disputerons plein d’autres finales l’une contre l’autre ! En espérant que la prochaine soit à mon avantage », a lancé la Biélorusse.

Elles ont prouvé que les femmes aussi méritent de jouer le dimanche. Et pourquoi pas, dans un avenir rapproché, à heure de grande écoute, dans le programme de soirée ?