Jessica Pegula est la fille d’un multimilliardaire. Elle a quand même gravi chacun des échelons comme si sa vie en dépendait.

Il faut avoir beaucoup de cran pour défaire la meilleure joueuse au monde. C’est pourtant ce qu’a fait Pegula contre la Polonaise Iga Świątek pour donner le ton à sa saison, à la United Cup, en début de calendrier. Quelques jours plus tard, elle a atteint les quarts de finale des Internationaux d’Australie. Elle s’est rendue à cette étape du tableau cinq fois lors des six derniers tournois majeurs.

De l’audace, du front et de la constance, surtout, auront été les éléments clés dans la ruée vers le sommet de Pegula. Elle n’est pas la plus puissante, la plus excentrique ou la plus dominante des joueuses, mais elle n’a pas grimpé jusqu’au troisième rang mondial par hasard.

Le parcours de l’Américaine a de quoi impressionner, parce qu’elle l’a dessiné à sa manière.

Fortunée, mais dévouée

Native de Buffalo, Jessica est l’une des cinq enfants de Terry Pegula. Cet ingénieur pétrolier a fait fortune dans le domaine du gaz naturel et de l’immobilier pendant près de 30 ans. Il est cependant plus connu pour avoir acheté les Sabres de Buffalo, dans la LNH, et les Bills de Buffalo, dans la NFL, avec son groupe Pegula Sports and Entertainment.

La fortune de M. Pegula est évaluée à près de 7 milliards de dollars américains.

C’est pourquoi l’histoire de sa fille est aussi fascinante.

Jessica Pegula est pratiquement assurée d’hériter d’un joli pactole un jour ou l’autre. Elle pourrait assurer son avenir en occupant un poste de choix dans l’une des entreprises de son père. Or, elle a quand même préféré faire cavalier seul en tentant sa chance au tennis.

Pour y parvenir, l’athlète de 28 ans a choisi le même chemin que la plupart de ses rivales. Un parcours où la fortune familiale importe peu.

Jessica Pegula a tourné le dos aux universités américaines et à leurs bourses. Elle voulait devenir professionnelle par elle-même.

Pegula a évolué sur le circuit de la Fédération internationale de tennis (ITF) de 2009 à 2020, puisqu’elle était incapable de jouer avec régularité dans la WTA. Pendant près de 11 ans, elle s’est contentée de tournois à 50 000 $, en récoltant seulement quelques centaines, en traînant son baluchon au Saguenay, à Granby, au Kentucky et en Virginie, entre autres, dans l’espoir de réaliser son rêve. Même si une place de choix lui était réservée dans les bureaux vitrés du Highmark Stadium.

Sur ses quelque 400 matchs disputés en carrière, 227 ont été joués sur le circuit ITF.

Même si elle a tracé son propre chemin, Pegula n’a pas renié sa famille pour autant. Au contraire. Elle est passionnée par son héritage familial. Lorsqu’elle était de passage à Québec, elle assistait régulièrement aux matchs des Remparts. Sur les réseaux sociaux, elle encourage ses Bills. Après son match de premier tour en Australie, elle a écrit « Go Bills #3 » accompagné d’un cœur, en hommage à Damar Hamlin, joueur des Bills, quelques jours après son tragique accident.

Lentement, mais sûrement

Pegula vit actuellement les meilleurs moments de sa carrière. Elle est au deuxième rang des joueuses les plus vieilles du top 10, derrière la Française Caroline Garcia, mais elle ne cesse de s’améliorer. Elle vit sa carrière comme une skieuse de fond ; plus elle prend de l’âge, meilleure elle est.

L’Américaine a beau être l’héritière d’une famille qui ne se soucie pas des aubaines de la semaine à l’épicerie, l’argent n’achète pas le talent. Il peut aider à gravir les échelons, très certainement. Il peut être utile pour engager les meilleurs entraîneurs ou payer des voyages à l’étranger, mais la fortune n’achètera jamais un revers le long de la ligne ou un passing en situation de balle de bris.

Pegula n’est pas une grande technicienne. Son jeu n’est pas toujours propre. Elle n’est pas non plus un prodige. Sa plus grande force réside dans le fait de toujours trouver un moyen, aussi peu orthodoxe soit-il, de terminer le point en serrant le poing.

Sa stabilité sur le terrain et sa manière de prendre la balle n’importe où dans le rebond, de s’y adapter et de frapper les lignes demeurent ses plus grandes forces.

La droitière mange tellement de son sport qu’elle joue aussi en double. À vrai dire, elle excelle aussi en double. Comme en simple, elle est positionnée au quatrième rang du classement mondial en double féminin. Elle évolue aux côtés de la jeune sensation américaine Coco Gauff. Elles épatent depuis le début de leur union.

Ensemble, elles ont gagné trois titres en 2022, à Doha, Toronto et San Diego. Pegula en a gagné deux autres avec d’autres partenaires.

En simple, elle compte seulement deux triomphes, le plus récent à Guadalajara à la fin de la dernière saison.

Elle devra en accumuler d’autres si elle souhaite être reconnue à sa juste valeur.