Les vidéos publiées sur Instagram sont franchement émouvantes. Attendri, Félix Auger-Aliassime danse et chante, entouré de dizaines d’enfants togolais dont la joie de vivre transperce l’écran.

« Ce sont des réalités qu’on connaît, mais je pense que ça nous frappe différemment de voir ça en personne. De voir que, malgré tout, ils ont le sourire. Tous les enfants que j’ai vus étaient heureux », laisse entendre le Québécois au bout du fil.

Au moment de son entretien avec La Presse, vendredi, l’athlète de 22 ans roule en voiture après une nouvelle journée haute en émotions dans la région de la Kara, l’une des plus défavorisées du Togo. Il s’y trouve depuis lundi, soit 24 heures après la victoire du Canada à la Coupe Davis.

Depuis six jours, donc, Auger-Aliassime visite différentes écoles primaires de la région afin de s’enquérir de la progression des initiatives rendues possibles dans le cadre du projet #FAAPointsForChange, mis sur pied en 2020 en partenariat avec BNP Paribas et l’association Care.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @WEARETENNIS

Félix Auger-Aliassime avec des enfants togolais

Pour chacun de ses points gagnés sur le circuit de l’ATP, Auger-Aliassime verse 5 $ au programme EduChange, qui favorise la scolarisation des enfants les plus vulnérables et vise à mettre un frein à la violence qu’ils subissent. La banque française BNP Paribas triple la mise, pour un total de 20 $. Depuis le 3 janvier 2020, il a remporté 16 486 points ; c’est donc plus de 325 000 $ qui ont été remis.

L’argent a notamment servi à rénover des infrastructures et à fournir du matériel scolaire et sportif aux écoles : cahiers, crayons, crampons, ballons…

« C’était bon de voir ça en personne — même si j’avais eu le compte rendu avant par écrit — et de voir de mes propres yeux l’impact que le projet a eu », fait remarquer Auger-Aliassime.

Pendant plus de deux minutes, le joueur de tennis canadien nous énumère tout ce qu’il a fait depuis lundi. Il raconte notamment être allé à la rencontre de jeunes adultes de 18 à 20 ans qui, grâce au programme, bénéficient de formations professionnelles. Ceux-ci se trouvaient auparavant en situation de décrochage scolaire par faute d’argent.

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Félix Auger-Aliassime a rencontré de jeunes adultes qui, grâce au programme, bénéficient de formations professionnelles.

« J’ai parlé à une jeune femme de 18 ans qui disait, dans sa langue maternelle, qu’elle apprenait à être couturière, mais que, sans le projet, elle serait probablement partie au Nigeria et que ç’aurait pu finir en mariage arrangé et forcé ou en traite de jeunes filles. Des choses vraiment terribles. »

C’est une réalité qu’ils vivent ici. Ils ont besoin de projets comme celui-là, ou d’autres, pour les aider à se sortir de situations difficiles comme ça. Ça m’a extrêmement touché.

Félix Auger-Aliassime

Sa visite au Togo, pays d’où est originaire son père, Sam, lui a aussi permis de constater ce qui pourrait encore être amélioré pour aider les gens. Le jeune homme pense notamment à ces enfants de 6, 7 et 8 ans qui doivent marcher jusqu’à trois heures par jour pour aller à l’école et en revenir. Il aimerait faire en sorte qu’ils « aient une école primaire et secondaire dans leur village, qu’ils n’aient pas besoin de quitter leur village pour continuer leur cursus scolaire ».

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Félix Auger-Aliassime se prépare à jouer au soccer avec des enfants togolais

La pression, un privilège

Félix Auger-Aliassime s’est établi comme un des meilleurs joueurs au monde, ces derniers mois. On se souvient de ses trois titres consécutifs d’octobre, avec à la clé une participation aux finales de l’ATP et le 6e rang mondial. Et de ses performances à la Coupe Davis, où le Canada a remporté le tournoi pour la première fois de son histoire.

Au Togo, « FAA » est accompagné de son père, de sa sœur et de sa conjointe. Même si les derniers jours ont été occupés, les exploits des récentes semaines ont fait partie des discussions.

« Se rappeler tous les moments qu’on a vécus cette année, dans les dernières années, même avec mon père depuis mon enfance, qui nous ont amenés où on en est aujourd’hui… C’est fou. »

J’ai pris le temps de me rappeler que rien n’était fait, rien n’était acquis et qu’il fallait travailler pour arriver où on en est aujourd’hui.

Félix Auger-Aliassime

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Félix Auger-Aliassime avec des enfants togolais

Le Québécois admet qu’il dort beaucoup dernièrement, toutes les fois qu’il en a l’occasion. « Ça doit vouloir dire que je suis fatigué ! », s’exclame-t-il. « Je pense qu’il y a aussi une décompression émotionnelle. Ça, c’est bien, c’est important quand ça vient. Mais en même temps, en termes d’énergie, je ne me sens pas fatigué. Je récupère bien chaque fois entre les tournois. Mon corps va bien. »

À son retour d’Afrique, Auger-Aliassime envisage de passer quelques jours bien mérités au calme, à la maison. Puis, il reprendra l’entraînement avant de participer à la première édition de la World Tennis League, un tournoi d’exhibition qui aura lieu à Dubaï, du 19 au 24 décembre. Ce sera l’occasion pour lui de s’entraîner dans des conditions de chaleur avant de prendre la direction de l’Australie pour le premier Grand Chelem de la saison.

La saison 2023 promet. Les amateurs de tennis auront de grandes attentes à son endroit. Saura-t-il y répondre ?

« J’aime bien la phrase de Billie Jean King, qui dit que la pression est un privilège, laisse-t-il tomber. […] Je préfère être dans la position où je suis en ce moment, où les gens s’attendent… Moi-même, en fait, je m’attends à faire de belles choses dès le prochain tournoi. »

Et puis, il aura toujours, au fond de lui, cette motivation supplémentaire de faire le plus de points possible. Pour les petits Togolais.

« Parfois, c’est difficile, je dois me pousser, mais il y a l’enfant qui doit marcher trois heures dans sa journée juste pour aller à l’école. Je me dis : allez, tu peux faire un effort et donner le meilleur de toi-même parce que ce que tu fais ici, ç’a un impact sur ces enfants-là. »