Serena Williams quittera sa carrière active de joueuse comme elle l’a vécue : comme personne d’autre.

L’une des plus grandes joueuses de l’histoire a annoncé sa retraite imminente en publiant sur Instagram la page couverture de la prochaine édition du magazine Vogue. On la voit vêtue d’une robe de soirée, sur la plage, à côté des mots « Les adieux de Serena » (Serena’s farewell).

« Il vient un moment dans la vie où on décide d’aller dans une nouvelle direction, écrit la gagnante de 23 titres en tournois du Grand Chelem. Ce moment est toujours difficile quand on aime à ce point quelque chose. Mon Dieu que j’ai aimé le tennis. Mais le compte à rebours est commencé. Je dois me concentrer sur mon rôle de mère], elle a donné naissance à sa fille Olympia en 2017], sur mes objectifs spirituels et sur la découverte d’une nouvelle, mais tout aussi intéressante, Serena. Je vais profiter des prochaines semaines. »

« Je n’aime pas le mot “retraite”, ajoute-t-elle dans les pages de Vogue. Le meilleur mot pour décrire où j’en suis rendue est “évolution”. Je suis ici pour vous dire que j’évolue en passant du tennis vers d’autres choses importantes à mes yeux. »

« C’est la chose la plus difficile que je puisse imaginer, poursuit-elle. Je ne veux pas que ça se termine, mais je suis prête pour la suite. »

Serena Williams souhaite maintenant tenter d’avoir un autre enfant et se concentrer sur d’autres occasions d’affaires. « J’aurai 41 ans [en septembre] et je dois accepter certaines choses. »

Un dernier record avant la suite ?

Williams a remporté 23 titres en tournois du Grand Chelem, un record de l’ère moderne du tennis (après 1968), devant Rafael Nadal (22), Novak Djokovic (21) et Roger Federer (20). Elle a remporté son dernier titre majeur aux Internationaux d’Australie en 2017. Margaret Court détient le record absolu, avec 24 titres du Grand Chelem, mais elle en a remporté certains durant l’ère amateur.

« Ce serait mentir, dire que je ne veux pas ce record. C’est clair que je le veux. Mais ce n’est pas quelque chose à quoi je pense tous les jours. Si je suis en finale d’un tournoi du Grand Chelem, bien sûr que je vais penser au record, a dit Williams. Peut-être que j’y pensais trop et que ça me n’a pas aidée. Comme je vois les choses, j’aurais dû gagner plus de 30 titres en tournois du Grand Chelem. »

Williams a toutefois admis qu’elle voyait maintenant la vie avec une perspective différente.

Ces jours-ci, si j’ai à choisir entre améliorer mon palmarès de tennis ou bâtir ma vie familiale, je choisis la deuxième option.

Serena Williams

Son conjoint, le cofondateur du site Reddit Alexis Ohanian, et elle ont une fille, Olympia, qui célébrera son cinquième anniversaire de naissance le 1er septembre.

« Croyez-moi, je n’ai jamais voulu avoir à choisir entre le tennis et ma famille. Je ne crois pas que ce soit juste, a dit Williams, qui était enceinte quand elle a gagné son dernier tournoi majeur en Australie en 2017. Si j’étais un homme, je n’aurais pas à écrire ces lignes parce que je pourrais jouer et gagner en laissant ma conjointe faire le travail physique pour agrandir notre famille. »

Williams a raté près d’un an d’action après s’être blessée au premier tour à Wimbledon en 2021. Elle a fait un retour à la compétition en simple à Wimbledon cette année, mais a perdu en première ronde. Après cette défaite, Williams s’est demandé si elle pourrait jouer à nouveau.

Pourtant, Serena Williams a remporté lundi sa première victoire de la saison à l’Omnium Banque Nationale de Toronto, contre Nuria Párrizas-Díaz. La légendaire joueuse de 40 ans s’était ensuite montrée plutôt mystérieuse dans ses commentaires d’après-match. On comprend mieux maintenant pourquoi.

« Ça montre la lumière au bout du tunnel. J’imagine que je m’approche de la lumière. J’ai hâte d’aller rejoindre cette lumière. »

Et qu’est-ce que cette lumière représente au juste ? lui a-t-on demandé.

« La liberté. J’aime jouer, c’est incroyable. Mais je sais que je ne pourrai pas le faire pour toujours. Donc parfois on veut seulement profiter du moment et faire de son mieux. »

Dans l’article du Vogue, Williams donne des indices donnant à penser que les Internationaux des États-Unis pourraient être son dernier tournoi, mais elle ne le dit pas explicitement.

« Je ne veux pas de grandes cérémonies lors de mes derniers moments sur le terrain. Je ne suis pas bonne au moment de dire adieu. Je suis la pire au monde. »

La folie à Toronto

L’annonce a déjà entraîné des plans pour célébrer Williams, et les ventes de billets sont montées en flèche à Toronto selon le directeur du tournoi de l’Omnium Banque Nationale, Karl Hale. Williams jouera son match de deuxième tour mercredi.

« Les ventes de billets ont atteint des sommets, nous serons complets à 18 h [le 10 août], ce qui n’arrive pas habituellement un mercredi, a-t-il déclaré. Les demandes des médias ont été pour le moins importantes, tout le monde veut voir Serena et lui parler. Même les joueurs dans le salon des joueurs, tout le monde parle de Serena.

[Mercredi] soir, nous allons la célébrer, c’est certain.

Karl hale, directeur du tournoi de l'Omnium Banque Nationale

Bien que l’annonce de Williams ne soit pas non plus une surprise totale, pour les jeunes joueuses comme l’Américaine Coco Gauff, la nouvelle est toujours aussi triste. « J’espère que mon tirage au sort à Cincinnati ou à l’US Open, ou même ici, pourra s’arranger pour que nous puissions jouer l’une contre l’autre, car c’est l’un de mes objectifs », a déclaré la jeune fille de 18 ans.

L’héritage qu’elle laisse est remarquable, et Gauff pense qu’il ne sera peut-être jamais égalé.

« Je ne pense pas qu’il y ait quelqu’un qui puisse faire ce qu’elle a fait [sur le terrain et hors du terrain] avec toute l’adversité à laquelle elle a dû faire face. Elle est incontestablement la meilleure joueuse au monde, à mon avis. Enfin, je ne pense pas vraiment que ce soit une opinion, je pense que c’est un fait. »

Aux yeux de la Canadienne Rebecca Marino, l’influence de Williams est généralisée et difficile à égaler pour les joueuses actuelles et futures. « Serena a influencé tous les joueurs du circuit. Elle a également fait connaître le tennis à un public mondial. Tout le monde l’appelle la GOAT (greatest of all time), n’est-ce pas ? Je pense qu’elle va garder cet héritage pendant très, très longtemps et inspirer beaucoup de gens à essayer de faire la même chose dans le futur. »

Serena Williams, dans ses mots

« Ce printemps, j’avais envie de retourner sur le court pour la première fois depuis sept mois. Je parlais à Tiger Woods, qui est un ami, et je lui ai dit que j’avais besoin de ses conseils pour ma carrière de tennis. J’ai dit : “Je ne sais pas quoi faire : Je pense que j’en ai fini, mais peut-être que je n’en ai pas fini.” C’est Tiger, et il était catégorique sur le fait que j’étais une bête comme lui ! Il a dit : “Serena, si tu te donnais deux semaines ? Tu n’as pas besoin de t’engager à quoi que ce soit. Tu vas sur le terrain tous les jours pendant deux semaines, tu te donnes à fond et tu vois ce qui se passe.” J’ai dit : “Très bien, je pense que je peux le faire.” Et je ne l’ai pas fait. Mais un mois plus tard, j’ai essayé. Et c’était magique de reprendre une raquette. Et j’étais bonne. J’étais vraiment bonne. J’ai fait des allers-retours pour savoir si je devais jouer à Wimbledon, et au US Open après ça. Comme je l’ai dit, toute cette histoire d’évolution n’a pas été facile pour moi.

« Je n’aime pas particulièrement penser à mon héritage. On me pose souvent la question, et je ne sais jamais exactement quoi dire. Mais j’aime à penser que, grâce aux opportunités qui m’ont été offertes, les femmes athlètes sentent qu’elles peuvent être elles-mêmes sur le terrain. Elles peuvent jouer avec agressivité et lever le poing. Elles peuvent être fortes, mais belles. Elles peuvent porter ce qu’elles veulent, dire ce qu’elles veulent, botter des fesses et être fières de tout cela. J’ai fait beaucoup d’erreurs dans ma carrière. Les erreurs sont des expériences d’apprentissage, et je profite de ces moments. Je suis loin d’être parfaite, mais j’ai également essuyé de nombreuses critiques, et j’aime à penser que j’ai traversé des moments difficiles en tant que joueuse de tennis professionnelle afin que la prochaine génération puisse avoir la vie plus facile. Au fil des ans, j’espère que les gens en viendront à penser que je symbolise quelque chose de plus grand que le tennis. J’admire Billie Jean King parce qu’elle a transcendé son sport. J’aimerais que ce soit le cas : Serena est ceci, elle est cela, elle était une grande joueuse de tennis et elle a gagné ces tournois.

« Malheureusement, je n’étais pas prête à gagner Wimbledon cette année. Et je ne sais pas si je serai prête à gagner New York [au US Open]. Mais je vais essayer. Et les tournois préparatoires seront amusants. »