Il se dénigre constamment à haute voix en plein match. Il multiplie les frasques, les commentaires controversés. Et les défaites. Que se passe-t-il avec Benoit Paire ?

« Nul, nul, nul. Que des penalties depuis le début du match. Et j’arrive à les emplâtrer tellement je suis pas bien dans ma tête. »

Peu après cette diatribe envers lui-même, le Français a abandonné en plein milieu de la deuxième manche de son duel contre l’Espagnol Jaume Munar cette semaine, à Parme, alors qu’il était mené 5-7, 1-3. Sans problème physique apparent. Il a prétexté un mal de gorge.

Ce n’est que le plus récent d’une longue suite d’écarts de conduite dont nous ne dresserons pas une liste exhaustive ici. Paire a toujours été reconnu pour avoir le sang chaud. Mais cette année, il se surpasse.

Le joueur de 32 ans avait atteint le 18rang mondial il y a cinq ans et il compte trois titres en carrière, tous sur terre battue. Il s’est rendu en ronde des 16 à quatre reprises en Grand Chelem, dont à Roland-Garros, il y a deux ans. Il occupe actuellement le 40échelon. Son bilan victoires-défaites depuis le début de l’année : 2-14.

En entrevue il y a une dizaine de jours, nous avons demandé à Gilles Moretton, président de la Fédération française de tennis (FFT), s’il était inquiet pour le natif d’Avignon.

« Oui. D’abord, étant moi-même un ancien joueur professionnel, je suis inquiet pour tous les joueurs. On imagine que la vie de joueur de tennis est facile, mais ce ne l’est pas. C’est une vie de déplacements, d’hôtels, d’aéroports. Pour ceux qui jouent très bien, on gagne beaucoup d’argent, pour les autres, c’est plus compliqué. Et le contexte actuel est difficile, avec les quarantaines, les périodes qui ont été difficiles à jouer sans public, à se retrouver bloqué dans son hôtel. Alors, les joueurs ont réagi de façons différentes. »

En effet. Mais personne n’a réagi comme Benoit Paire.

Baume passager

Au début du mois, après une victoire à Madrid, le Français avait pourtant, momentanément, retrouvé le goût de jouer et la bonne humeur. La présence d’un public enthousiaste, bien que modeste, lui avait fait « chaud au cœur ».

« Se retrouver dans une ambiance de Coupe Davis, ça me fait du bien, ça me fait aimer de nouveau le tennis, c’est pour ça que je joue », avait-il dit.

Ce public et de récentes vacances aux Maldives, sans entraînement de quelque sorte que ce soit, semblaient avoir remis les choses en place.

C’est de me sentir bien dans ma tête qui me fait bien jouer au tennis, pas de m’entraîner comme un acharné pendant dix heures.

Benoit Paire

Le longiligne droitier avait été jusqu’à qualifier cette deuxième victoire de l’année de « renouveau ».

Trois défaites se sont ensuite enchaînées. Jusqu’à cette sortie de court inattendue à Parme. Force est de constater que les bienfaits de Madrid se sont déjà estompés.

Troublé par la pandémie et ses conséquences

Le début d’année a été ardu pour tous sur les circuits ATP et WTA avec les mesures draconiennes appliquées en Australie. À l’aube de l’ATP Cup, Benoit Paire ne s’en était pas caché. Il a d’ailleurs été parmi les plus touchés par les quarantaines depuis septembre dernier.

Puis, en mars, le Français s’est mis à enchaîner les écarts.

À Buenos Aires, il a craché sur le court, devant l’arbitre, pour protester contre une décision. Et ça ne s’est pas amélioré jusqu’à la conclusion du match.

Au terme de celui-ci, il a tweeté sa fiche à vie – négative – et ses bourses – plus de 8,5 millions de dollars – avec le message : « Finalement, ça vaut le coup d’être nul. » Et un doigt d’honneur.

VOYEZ ce tweet de Benoit Paire

La semaine suivante, à Santiago, au Chili, il a été éliminé d’entrée par un jeune Danois de 17 ans, 410mondial. Match au cours duquel il est apparu abattu.

Puis, il a réitéré son manque de motivation à se produire devant des gradins dégarnis, voire vides.

« Je sais, vous allez dire : “Tu te rends pas compte de la chance que tu as bla-bla-bla.” Mais jouer dans des stades à huis clos sans aucune ambiance, c’est pas pour ça que je joue au tennis. […] Pour moi, jouer au tennis est devenu un métier sans saveur. Alors oui, il me faut du temps pour m’adapter à ce pseudo-circuit ATP, mais je vais faire les efforts pour essayer de retrouver juste le plaisir de jouer au tennis », a-t-il lancé sur Instagram, évoquant un circuit « devenu triste, ennuyeux et ridicule ».

Le joueur s’est ensuite excusé pour son comportement dans une lettre à la FFT, qui a donc décidé de ne pas le sanctionner. Ce n’était que partie remise.

Privé de JO

Critiqué, notamment, par Toni Nadal et Marion Bartoli pour ses inconduites et ses propos, Benoit Paire ne se calmera pas pour autant.

Au Masters 1000 de Monte-Carlo, après une autre défaite à son premier match, il en remet une couche en conférence de presse.

« Franchement, j’en ai rien à branler de ce match. J’habite à deux heures de route. Je fais le double et je me casse. »

Et ce n’est pas tout.

Le circuit est pourri. Gagner ou perdre dans des conditions pareilles, je m’en fous. Je n’ai plus l’étincelle. Je perds, tant mieux, je rentre chez moi. J’ai pris 12 000 euros pour être à l’hôtel tranquille alors je suis venu, mais il y a zéro ambiance, il ne se passe rien. Vous allez me dire : “C’est comme la vie normale”, mais elle est à chier en ce moment.

Benoit Paire

Une dizaine de jours plus tard, il sera privé de Jeux olympiques par la FFT pour ses « comportements profondément déplacés ».

« La situation de Benoit, qui m’a amené à prendre, avec la Fédération française, une décision de non-sélection pour les Jeux olympiques, c’est parce que, au-delà de la difficulté qu’ils peuvent avoir – et que je comprends –, ces joueurs de tennis sont des ambassadeurs qui doivent véhiculer des valeurs, un comportement, une attitude auprès de la jeunesse, a justifié Gilles Moretton en entrevue avec La Presse. Et ils se doivent d’être exemplaires parce que les jeunes rêvent de ces gens-là et ils ne peuvent pas accepter d’entendre un certain nombre de choses. »

La réaction de Paire après cette exclusion des Jeux ? Une vidéo de lui aux Maldives, sur Twitter, bière à la main.

« Donc, inquiet, oui, parce qu’ils ont souffert et il a souffert, probablement, de la situation, poursuit le président de la FFT. Alors, il y a eu cette sanction, mais d’un autre côté, nous avons proposé à Benoit de l’aider et de l’accompagner, si on doit le faire, avec un psychologue pour essayer d’atténuer la difficulté qu’il peut avoir en ce moment.

« Donc, ce n’est pas simplement une volonté de punir, mais c’est comme un enfant qui fait une bêtise, un parent va faire quoi ? Il va le punir, mais il va essayer de l’accompagner. Ça peut être constructif et je pense que notre décision, en tout cas celle qu’on a voulue, nous, est une décision constructive pour l’aider à s’améliorer dans cette période-là. »

Cette entrevue avec Gilles Moretton a eu lieu avant la toute dernière incartade du joueur.

La suite, à Roland-Garros.

— Avec L’Équipe et l’Agence France-Presse