Ce n’est pas encore terminé ! Leylah Fernandez a défait la numéro 2 mondiale Aryna Sabalenka 7-6, 4-6, 6-4 en demi-finale, à Flushing Meadows. Rendez-vous samedi pour le dernier chapitre.

Sur le court, après sa victoire, Fernandez rayonnait. Exultait, en fait.

Lorsque Pam Shriver lui a demandé comment elle a pu réussir à gagner ce match et atteindre la finale, elle a répondu avec la candeur dont elle fait preuve victoire après victoire depuis dix jours : « Je n’en ai aucune idée ! »

Puis, elle a remercié la foule new-yorkaise pour son soutien indéfectible, suscitant une réaction instantanée des gradins, dont l’ex-basketteur canadien Steve Nash, parmi ses invités.

En tout début de match, ça s’annonçait pourtant très mal pour elle. On savait que les balles traverseraient rapidement avec Sabalenka. Elle est puissante. Mais elle peut également être efficace, a vite découvert Fernandez.

La Biélorusse était première en retour depuis le début de la quinzaine avec 22 bris. Le 23e est venu dès la première occasion.

Et, au service, la joueuse de 23 ans a entamé le duel en réussissant ses neuf premières balles. Rien de moins. Une grosse commande, disions-nous avant le match.

En quelques minutes, c’était 3-0.

À compter du quatrième jeu, cependant, Fernandez a commencé à trouver ses marques et à s’ajuster, promenant davantage son opposante. Les trois parties suivantes sont allées à la serveuse. 4-2 Sabalenka.

Moment important à la septième partie alors que la Québécoise, de plus en confiante, a hérité de trois balles de bris. Après en avoir sauvé deux, Aryna Sabalenka a offert le jeu à son adversaire. Double faute. La Biélorusse les collectionne. Personne n’en a commis davantage qu’elle cette année sur le circuit.

La favorite n’avait été brisée que 2 fois à ses 43 derniers jeux au service… Ce serait extraordinaire au tennis masculin. Ce l’est plus encore chez les femmes, où les bris sont beaucoup plus nombreux.

Puis, à la 12e partie, la Canadienne a dû batailler pour forcer un bris d’égalité avant de voler la manche, 7-3 dans ce bris.

En se dirigeant vers son banc, elle a brandi le poing, comme elle en a pris l’habitude ces derniers jours.

Retour d’ascenseur

Mais il faut enlever deux manches pour remporter un match. Et dès le premier jeu du deuxième set, Sabalenka a brisé sa jeune adversaire, qui a célébré son 19e anniversaire lundi.

Dans cette partie, Fernandez a commis deux fautes directes alors qu’elle n’avait péché que six fois au cours de la longue première manche.

Mais de tout ce que la Canadienne a démontré depuis le début de ces Internationaux des États-Unis, sa capacité à se sortir d’impasse, à remonter la pente, vient peut-être en tête de liste. Au quatrième jeu, elle brise pour recoller à 2-2.

Au terme du match, Pam Shriver, soulignant sa ténacité, a demandé à Leylah Fernandez d’en dire davantage sur sa force mentale.

« Plusieurs années de travail acharné, de larmes, de sang, sur le court, hors du court, des sacrifices, a-t-elle énuméré, provoquant une clameur en crescendo en provenance de l’assistance. Je voulais seulement être de la finale, donc je me suis battue pour chaque point. »

Après avoir enregistré le premier point du sixième jeu, Aryna Sabalenka a commencé à lever les bras, demandant à la foule de l’encourager. Un peu irritée par l’appui dont jouissait Leylah Fernandez ?

« Je m’attendais à ce qu’ils la soutiennent plus que moi. Mais c’était très bruyant. À quelques reprises, j’ai essayé d’obtenir leur soutien », a glissé en souriant Sabalenka, qui a donné le mérite à Fernandez pour sa victoire.

Les quatre jeux suivants ont été arrachés par la joueuse au service et on était à 4-4.

Puis, la Biélorusse a brisé la Québécoise. Au service pour la manche, elle n’a pas lésiné.

Dans cette deuxième manche, Fernandez a signé cinq coups gagnants contre deux fois plus d’erreurs non provoquées.

L’effet de la fatigue ? Avant le match, la favorite avait passé trois heures de moins sur le terrain que la négligée (7 h 29 contre 10 h 24).

PHOTO TIMOTHY A. CLARY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Aryna Sabalenka

Quoi qu’il en soit, il y aurait une manche ultime.

Sabalenka coule

En début de troisième set, Leylah Fernandez a un peu repris l’ascendant, tandis que le ratio coups gagnants-fautes directes d’Aryna Sabalenka poursuivait sa mauvaise tangente : deux contre huit après cinq jeux.

Cela dit, aucune balle de bris depuis le coup d’envoi de cette manche. Et on était à 3-2 Fernandez.

Cette première occasion de briser, elle est survenue au jeu suivant, la Canadienne se l’offrant après deux belles parades qui ont poussé la Biélorusse à la faute. Et quelques instants plus tard, Leylah Fernandez menait 4-2.

Mais ce n’est jamais fini tant que ce n’est pas fini, a déjà dit un sage baseballeur.

Et, rapidement, Fernandez faisait face à un 0-40. Après avoir nivelé le compte, 40-40, elle a finalement été brisée à son tour. Case départ.

Puis, on s’est retrouvé à 5-4, Sabalenka au service. La Québécoise à un bris de la finale d’un tournoi majeur.

Premier point : faute directe de Sabalenka.

Deuxième et troisième points : doubles fautes.

Quatrième point : autre faute de Sabalenka.

Comme dans Le Titanic, l’un de ses films favoris, le bateau de la no 2 mondiale a coulé en fin de match.

Au bout du compte, elle aura réussi 45 coups gagnants… mais commis 52 fautes directes. Fernandez, 26 et 23.

Leylah Fernandez sera donc de la finale des Internationaux des États-Unis. Et dire qu’elle n’avait pas collé deux victoires dans un tableau principal depuis son titre à Monterrey, en mars…

Dilemme en vue pour la foule

En conférence de presse, Leylah Fernandez était redevenue très posée, calme. Comme si l’exubérance d’après-match laissait déjà place à la préparation pour le jour J.

Quoi qu’il advienne en finale, ces Internationaux des États-Unis lui auront permis de réaliser l’étendue de ses possibilités, elle qui vient d’épingler une troisième top 5 à son tableau dans le tournoi.

« Comme mon père me dit toujours, il n’y a pas de limites à mon potentiel, à ce que je peux faire », a-t-elle affirmé sans fanfaronner.

Le mot qui lui vient en tête pour décrire sa quinzaine ? « Magique ».

« Pas seulement en raison de mon parcours, mais aussi de la façon dont je joue en ce moment. J’ai simplement du plaisir, j’essaie de créer quelque chose que la foule pourra apprécier. »

Justement, elle risque d’être bien embêtée, cette foule, samedi.

En finale, la Canadienne affrontera l’autre jeune chouchou de l’édition 2021 : Emma Raducanu. La Britannique de 18 ans, née à Toronto, s’est facilement débarrassée de l’excellente Maria Sakkari en deux manches de 6-1 et 6-4 après la victoire de Leylah Fernandez.

Au 73e rang mondial avant ce dernier tournoi du grand chelem de la saison, Fernandez percera assurément le top 30 lundi. Même en perdant, elle se retrouverait 28e.

Quant à Raducanu, 150e avant le tournoi, elle est assurée de monter jusqu’au 32e échelon.

Des 127 autres joueuses sur la ligne de départ, seule Emma Raducanu peut encore empêcher Leylah Fernandez de rapatrier au Canada le titre féminin des Internationaux des États-Unis, deux ans après Bianca Andreescu.