La décision de Naomi Osaka de ne pas prendre part aux conférences de presse à Roland-Garros, puis de se retirer du tournoi, a fait jaser d’un bout à l’autre de la planète au cours de la dernière semaine. Le vice-président de Tennis Canada, Eugène Lapierre, espère que « quelque chose de bien » ressortira de cette situation.

Le 26 mai, la deuxième raquette mondiale Naomi Osaka a annoncé sur ses réseaux sociaux qu’elle ne répondrait pas aux questions des médias pendant les Internationaux de France, évoquant des raisons de santé mentale. Cette décision, qui allait à l’encontre des règles du tournoi, lui a valu une amende de 15 000 $ US après sa victoire au premier tour. La Japonaise s’est ensuite retirée de l’évènement, révélant avoir souffert de « longues périodes de dépression » depuis 2018.

Joint par La Presse, le président de l’Omnium Banque Nationale – anciennement la Coupe Rogers –, Eugène Lapierre, qualifie de « regrettable » le dénouement de cette saga.

« Je trouvais que c’était une décision courageuse de sa part, mais je m’attendais aussi à ce que ça fasse un tollé, admet-il d’entrée de jeu. Je n’ai pas l’impression qu’elle voyait toutes les implications de sa décision. Ça partait d’un bon sentiment, pour se protéger, essayer de revenir et viser la meilleure performance possible, ainsi de suite. Mais je pense que ce qu’elle a perdu de vue, c’est l’importance de la communication comme telle aux amateurs. »

Une communication qui est nécessaire, alors que ces derniers aiment être tenus au courant de ce qui se passe avec leurs athlètes préférés, dit-il.

« Est-ce qu’on peut mieux le faire ? Je voyais qu’il y avait peut-être cette question qui émanait de la façon dont Naomi a apporté la chose, que des fois, c’est plus difficile pour les athlètes, c’est humiliant, ils se font brasser. On peut le voir, oui. Est-ce qu’il y a des façons d’améliorer le processus pour s’assurer que ça se fasse de façon plus respectueuse, humaine ? En général, c’est comme ça. Elle le dit elle-même : la plupart des médias sont très gentils. »

On va espérer que quelque chose de bien ressorte de cette histoire, qu’il y ait un dialogue qui se fasse avec elle et peut-être d’autres. Je ne sais pas si d’autres athlètes ressentent la même chose. Je n’ai pas eu l’impression qu’il y a eu un gros mouvement en ce sens. Je me serais attendu à ce que d’autres athlètes disent qu’ils étaient d’accord avec elle.

Eugène Lapierre, vice-président de Tennis Canada

Ouvrir le dialogue

De mémoire, Eugène Lapierre ne se souvient pas qu’une telle situation soit survenue à l’Omnium Banque Nationale. Qu’un joueur ne souhaite pas aller à ses entrevues d’après-match, peut-être que oui, mais sans plus. Et dans de telles situations, ledit joueur est sanctionné, comme le veut le règlement.

« C’est comme ça, dit-il. Les joueurs le tiennent pour acquis. Ce n’est pas pire que d’avoir une pénalité pour d’autres règlements sur le terrain, comme avoir brisé sa raquette ou quoi que ce soit. Les joueurs sont tenus à certaines règles, et elle [Naomi Osaka] le savait très bien. Elle disait souhaiter que ses amendes soient mises à profit pour des causes particulières. »

Dans son message expliquant son retrait de Roland-Garros, Naomi Osaka s’est décrite comme une introvertie et a révélé que de parler publiquement provoquait chez elle des « vagues d’anxiété ».

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Eugène Lapierre

« Mon impression, c’est que ce n’est pas la chose qu’ils [les athlètes] préfèrent, de rencontrer les médias, explique M. Lapierre. C’est une corvée. Ce n’est pas tout le monde qui peut le faire facilement. Il y en a qui s’amusent et d’autres qui trouvent que c’est plus compliqué. »

« En principe, ce sont les médias qui demandent de parler à tel ou tel athlète, explique-t-il. Ce n’est qu’une fraction des athlètes qui vont être demandés en entrevue après leur match, mais ce sont toujours ceux qui sont les plus en vue. Ça arrive que ce ne soit pas la première chose qu’ils veuillent faire après leur match. On pourrait peut-être améliorer tout le système. »

Il souligne d’ailleurs l’énorme pression que provoquent les conférences de presse chez certains athlètes, comme Osaka. Mais cette pression vient avec le métier, rappelle-t-il.

« Si monsieur Tout-le-Monde se faisait poser la question, à la fin de sa journée de travail : comment ça se fait que ça n’a pas bien été pour vous aujourd’hui ? On ne vit pas ça tous les jours, mais les athlètes professionnels, oui. Je comprends qu’il y ait la pression de défendre leurs résultats, mais ça fait partie du travail et c’est ce que le monde veut savoir. »

« Ce sont les à-côtés que les gens veulent connaître parce que ça donne de la personnalité aux joueurs, quand on comprend de quelle façon ils se comportent, ce qu’ils disent… C’est ce qui stimule l’intérêt des amateurs encore plus. »

Maintenant, y a-t-il moyen de faire les choses autrement ? Si un joueur évoque des enjeux de santé mentale, par exemple ?

« C’est embêtant, c’est pour ça qu’il faut en discuter et voir quels sont les points qui peuvent créer des problèmes », soutient-il.

Dans un communiqué publié mardi, les quatre tournois du Grand Chelem ont affirmé que « le bien-être des joueurs a toujours été une priorité » et que leur intention était de mettre la santé mentale à l’avant-plan dans leurs actions futures.

« Essayons de faire en sorte que les choses s’améliorent. Entamons le dialogue entre les circuits, les médias et les athlètes, pour dire : y a-t-il une façon d’encadrer ça un peu mieux ? », a conclu Eugène Lapierre.