À peine deux semaines après les Internationaux des États-Unis, le tennis s’offre un autre tournoi du Grand Chelem, à Paris, dans le fameux stade Roland-Garros. Et comme à New York, les athlètes et les organisateurs devront évoluer dans un environnement sévèrement contrôlé.

Djokovic, Nadal… ou Thiem ?

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Novak Djokovic renvoie la balle à l’Argentin Diego Schwartzman, lors de la finale des Masters de Rome, le 21 septembre, tournoi que le Serbe a remporté pour la cinquième fois.

Traditionnellement disputés au mois de mai, les Internationaux de France ont été déplacés cette année au début de l’automne, pandémie oblige. Quatre mois plus tard, la situation reste toutefois très préoccupante en France, et c’est dans des conditions inhabituelles que les athlètes vont s’attaquer à ce qui est sans doute le plus éreintant des quatre tournois du Grand Chelem.

La terre battue rouge du stade Roland-Garros impose en effet un rythme très lent aux échanges, avec des déplacements incessants et de longues glissades qui taxent les athlètes et exigent une grande patience. La météo automnale, avec des pluies souvent plus abondantes, va encore ralentir les courts et les joueurs devront travailler plus fort pour l’emporter.

Pas étonnant que les favoris soient des « guerriers » réputés, à commencer par Rafael Nadal, déjà 12 fois champion du tournoi.

Le Serbe Novak Djokovic, actuel numéro un mondial, a d’ailleurs convenu lundi dernier en point de presse : « Même s’il a perdu ici [au tournoi de Rome], je continue de penser – et je crois que bien des gens seront d’accord – qu’il est le favori. »

La fiche incroyable qu’il [Rafael Nadal] a à Paris, l’histoire de ses performances [sur la terre battue] font en sorte qu’on ne peut placer personne devant lui.

Novak Djokovic

Forfait à New York en raison de la pandémie, Nadal a tout misé sur Roland-Garros dans l’espoir de rejoindre Roger Federer avec un 20e titre en Grand Chelem. Il n’a toutefois eu qu’un tournoi pour se préparer. Battu par l’Argentin Diego Schwartzman en quarts de finale des Internationaux d’Italie, samedi dernier, l’Espagnol n’était visiblement pas déçu outre mesure.

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Rafael Nadal, lors de son match de huitièmes de finale du tournoi de Rome, l’opposant au Serbe Dusan Lajovic, le 18 septembre

« J’ai fait quelques bonnes choses, d’autres plus mauvaises, c’est tout, a-t-il souligné après sa défaite à Rome. Au moins, j’ai joué trois matchs et je me suis battu jusqu’au bout. Je sais ce que je dois améliorer [avant Roland-Garros]. Je vais donc continuer de travailler, continuer de m’entraîner avec la bonne attitude et essayer d’être prêt. »

En carrière, Nadal présente une fiche extraordinaire de 93 victoires et seulement 2 défaites à Roland-Garros. Avec les années, il est passé maître dans l’art de « monter en régime » au fil des matchs des premiers tours et devient habituellement un ogre intraitable la deuxième semaine du tournoi.

Reste que plusieurs croient que son 13e titre à Paris pourrait être le plus difficile à conquérir, les conditions étant complètement différentes de celles auxquelles il est habitué. Vendredi, en point de presse, Nadal a d’ailleurs expliqué : « Il fait très froid, cela rend les choses difficiles pour tout le monde. Ce sont des conditions un peu extrêmes et ça va être dur de bien jouer ici. Personne n’aime jouer dans ces conditions, mais c’est une chose sur laquelle nous n’avons aucun contrôle.

« C’est un moment où l’on peut se serrer les coudes […] Tout le monde voudrait revenir à une situation normale, mais auparavant, il faut résoudre le problème essentiel qui est la santé mondiale. La seule chose que l’on puisse dire, c’est merci de nous laisser jouer au tennis. »

Djokovic : « Nadal peut être battu sur la terre »

Même s’il fait de son rival le favori du tournoi, Novak Djokovic n’entend pas s’avouer vaincu. « Diego [Schwartzman] a montré que Nadal peut être battu sur la terre », a-t-il d’ailleurs rappelé cette semaine.

Djokovic est l’un des deux seuls joueurs à avoir vaincu l’Espagnol à Roland-Garros, en 2015, en demi-finale. Il n’a subi aucune défaite sur les courts cette saison et vient de gagner son cinquième titre à Rome, une autre preuve que la terre battue ne l’effraie pas.

Et il a des choses à se faire pardonner après sa disqualification aux Internationaux des États-Unis, quand il avait atteint une juge de ligne avec une balle dans un geste de dépit.

« J’ai eu des hauts et des bas mentalement pendant plusieurs jours après cet incident, a-t-il reconnu. J’étais en état de choc, mais je m’en suis remis. Pouvoir disputer un tournoi tout de suite après New York m’a beaucoup aidé ; juste d’aller sur le court m’a permis de passer à autre chose.

« Et je crois que j’ai eu un excellent tournoi, même si je ne pense pas avoir joué mon meilleur tennis. Je ne veux pas paraître arrogant, mais je sais qu’il me reste des choses à améliorer pour Roland-Garros, et ce sera nécessaire de le faire si je veux aller loin dans le tournoi. »

En l’absence de Federer, Nadal et Djokovic ne sont pas les seuls prétendants au titre, bien au contraire. Certains considèrent même que le vrai favori est Dominic Thiem, qui est devenu à New York le premier nouveau champion en Grand Chelem depuis 2015.

Porte-étendard de la nouvelle génération, l’Autrichien est déjà double finaliste à Roland-Garros. L’année dernière, après avoir sorti Djokovic en demi-finale, il a pris une manche à Nadal en finale.

Pas sûr qu’il se sera remis de ses émotions américaines, d’autant plus qu’il passera directement du ciment à la terre battue, mais Thiem pourra profiter des premiers tours pour retrouver ses repères et miser ensuite sur sa nouvelle confiance pour défier ses aînés.

Et qui sait si un autre jeune ne profitera pas des conditions particulières de ce tournoi pour s’affirmer à son tour ? Ce ne serait pas la première surprise de cette année 2020.

Halep, favorite d’un tournoi indécis

Disputé en l’absence de deux des trois premières joueuses mondiales – l’Australienne Ashleigh Barty et la Japonaise Naomi Osaka –, le tournoi féminin de Roland-Garros semble encore plus ouvert que les Internationaux des États-Unis.

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Simona Halep fait figure de favorite à Roland-Garros cette année. La Roumaine a déjà remporté le tournoi en 2018.

La Roumaine Simona Halep, qui n’était pas à New York, a la faveur des pronostics en raison d’une série active de 14 victoires et de 2 titres consécutifs sur la terre battue (Prague, Rome) depuis la reprise du jeu. Championne à Roland-Garros en 2018, la joueuse de 28 ans préfère ne pas se mettre trop de pression sur les épaules.

« Ce n’est qu’un autre tournoi, a-t-elle rappelé en début de semaine. Je joue très bien depuis le début de l’année, avec déjà trois titres, et je suis très confiante sur la terre battue. »

C’est une chance que nous avons de pouvoir disputer un tournoi du Grand Chelem en cette année difficile ; je ne veux me concentrer que sur les aspects positifs et garder le sourire quoi qu’il arrive.

Simona Halep

Plusieurs autres joueuses ont de belles cartes à jouer à Paris – l’Espagnole Garbiñe Muguruza, la Belge Elise Mertens et la Britannique Johanna Konta, entre autres –, mais les yeux seront encore tournés vers l’Américaine Serena Williams.

Toujours à la recherche d’un 23e titre en Grand Chelem qui lui permettrait de rejoindre l’Australienne Margaret Court, Williams a gagné trois fois à Roland-Garros, mais elle n’a pas franchi le quatrième tour depuis 2016.

Les atouts des favoris

Femmes

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Simona Halep

Simona Halep, roumaine, 28 ans, deuxième mondiale
Championne à Paris en 2018
Absente des Internationaux des États-Unis, Halep s’est concentrée sur la terre battue et elle a déjà remporté deux titres depuis la reprise du jeu. En l’absence d’Ashleigh Barty et de Naomi Osaka, elle est la favorite logique.

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Serena Williams

Serena Williams, américaine, 38 ans, neuvième mondiale
Championne à Paris en 2002, 2013 et 2015
Sa quête du record de 23 titres en Grand Chelem commence visiblement à lui peser, mais Serena réussit encore à 38 ans à bousculer ses jeunes rivales grâce à la puissance de ses coups. Et elle est plus agile que certains le croient.

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Garbiñe Muguruza

Garbiñe Muguruza, espagnole, 26 ans, 17e mondiale
Championne à Paris en 2016
Souvent brillante, Muguruza n’est guère constante. Décevante à New York, elle vient d’aller en demi-finale à Rome, où elle a chauffé la future championne Simona Halep. Elles pourraient bien se retrouver dans deux semaines.

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Rafael Nadal

Rafael Nadal, espagnol, 34 ans, deuxième mondial
12 titres à Paris (2005-2008, 2010-2014, 2017-2019)

Fort de 12 titres à Roland-Garros, Nadal est encore le favori des parieurs, même s’il a été battu en demi-finale à Rome. Comme l’explique Fred Fontang, l’entraîneur de Félix Auger-Aliassime : « En cinq manches, il est toujours dangereux, surtout s’il arrive à enchaîner les matchs. Nadal, quand il est lancé, c’est vraiment compliqué de le battre à Roland-Garros. »

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Novak Djokovic

Novak Djokovic, serbe, 33 ans, premier mondial
Champion à Paris en 2016
Encore invaincu cette saison sur les courts (31 victoires et 5 titres), Djokovic a été éliminé des Internationaux des États-Unis sur disqualification, une grosse « tache » au dossier d’un champion qui peine à faire l’unanimité. Remis en confiance avec sa victoire au Tournoi de Rome, il entend bien barrer la route de Nadal et s’approcher de l’Espagnol et de Roger Federer au classement des titres en Grand Chelem.

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Dominic Thiem

Dominic Thiem, autrichien, 27 ans, troisième mondial
Finaliste à Paris en 2018 et en 2019
Thiem n’a plus joué depuis son titre aux Internationaux des États-Unis, mais la terre battue lui est familière et il n’aura pas à affronter de joueurs bien classés avant d’avoir joué quelques matchs. Très endurant – il l’a prouvé à New York –, l’Autrichien sera favorisé par les conditions de jeu plus lentes, et sa fraîcheur va devenir un atout s’il affronte l’un ou l’autre des deux autres favoris le dernier week-end.

Roland-Garros en cinq dates

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Le stade Roland-Garros, vu des airs, en juillet 2016

Cette année, en plus des circonstances exceptionnelles de la pandémie qui ont reporté le déroulement des Internationaux de France à l’automne, Roland-Garros célèbre un évènement spécial : l’inauguration d’un toit rétractable sur le court Philippe-Chatrier. Une touche de modernité pour un tournoi dont l’histoire remonte au XIXsiècle.

1891 : création des championnats

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Un joueur de tennis aux environs de 1900

L’histoire du tournoi de Roland-Garros débute en 1891 avec le « Championnat de France de tennis », disputé sur des courts de… gazon ! La fameuse terre battue rouge n’apparaîtra que l’année suivante, pour se démarquer de Wimbledon, et elle deviendra rapidement l’un des traits distinctifs du tournoi.

1928 : le stade Roland-Garros

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Le tournoi dans les années 30

Dans les années 20, avec l’arrivée de vedettes étrangères, le tournoi devient les « Internationaux de France » et la Fédération française aménage un nouveau site à la porte d’Auteuil, baptisé en 1928 : stade Roland-Garros. C’est dans cette nouvelle atmosphère que Suzanne Lenglen et les fameux « mousquetaires » – Jean Borotra, Jacques Brugnon, Henri Cochet et René Lacoste – accumulent les titres et deviennent d’immenses vedettes chez eux en France.

1979 : première extension

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Le Suédois Bjorn Borg jubile alors qu’il remporte pour la sixième fois le tournoi, en juin 1981.

La popularité grandissante du tennis force les organisateurs du tournoi à doubler le nombre de terrains. On passe en 1979 de 5 terrains à 10, le début d’une série de trois expansions qui ont mené aux 20 terrains qui composent le site que nous connaissons aujourd’hui. La dernière phase des travaux doit être achevée l’année prochaine.

2005 : le début de l’ère Nadal

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L’Espagnol Rafael Nadal a remporté le premier de ses 12 titres à Roland-Garros en 2005, alors qu’il n’avait que 19 ans.

Roland-Garros a toujours fait la part belle aux spécialistes de la terre battue et aucun n’a autant marqué l’histoire du tournoi que Rafael Nadal. Vainqueur pour la première fois en 2005, à tout juste 19 ans, l’Espagnol va récolter pas moins de 12 sacres à Paris, un record absolu en Grand Chelem. Avec une fiche de 93 victoires et 2 défaites, une série active de 23 victoires, Nadal est sans conteste le roi de Roland-Garros.

2020 : un toit rétractable

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Équipé de 11 ailes déplaçables grâce à de petits rails, le toit se déploie en 15 minutes.

Désormais, tout comme les Internationaux d’Australie, d’Angleterre et des États-Unis, Roland-Garros dispose d’un toit rétractable sur le court Philippe-Chatrier. Équipé de 11 ailes déplaçables grâce à de petits rails, le toit se déploie en 15 minutes et permettra aux joueurs de disputer leurs rencontres malgré les intempéries, un atout important en début d’automne. Pour la même raison, une douzaine de courts sont maintenant éclairés.

Qui était Roland Garros ?

PHOTO TIRÉE DE WIKIPÉDIA

Roland Garros devant un avion Demoiselle, en 1910

Bien que le site de tennis des Internationaux de France porte son nom, ce n’est pas au tennis, sport auquel il était presque étranger, que Roland Garros a excellé. Premier aviateur à réussir une traversée de la Méditerranée en 1913, il est ensuite devenu un héros de la Première Guerre mondiale, où il est mort un mois avant la fin du conflit. En 1927, quand le Stade français (un club sportif) a cédé un terrain pour la construction du site qui devait accueillir les Internationaux de France, il n’a mis qu’une condition : le stade devrait porter le nom d’un de ses anciens membres et c’est celui de Roland Garros qui fut choisi.