Il y a exactement un an, Bianca Andreescu remportait la Coupe Rogers au terme d’une semaine riche en émotions au centre Aviva de Toronto. Ce titre, le premier en 50 ans pour un athlète canadien dans notre omnium national, est venu couronner le formidable développement du tennis au Canada. Aussi gagnante des Internationaux des États-Unis, le premier titre canadien en simple en Grand Chelem, la Torontoise a raflé tous les honneurs en fin d’année quand est venu le temps d’honorer les personnalités sportives de 2019.

Andreescu aurait dû défendre son titre cette semaine au Stade IGA. L’annulation de la Coupe Rogers a rendu la chose impossible, mais elle aurait sans doute dû déclarer forfait de toute façon en raison d’une blessure qui l’empêchera aussi d’aller à New York dans quelques jours.

« C’est difficile de ne pas pouvoir jouer au Canada cette année, a-t-elle reconnu il y a quelques jours en entrevue exclusive. J’ai tellement de beaux souvenirs de la Coupe Rogers, et j’anticipais avec beaucoup d’impatience de pouvoir vivre de nouveaux moments magiques à Montréal.

C’est donc un peu décevant, mais l’année que nous vivons montre bien qu’il y a des choses sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle. On ne peut rien y faire, sinon faire preuve de patience.

Bianca Andreescu

Douze mois plus tard, l’athlète de 20 ans réalise-t-elle bien l’ampleur de ce qu’elle a accompli en 2019 ?

« Ce n’est que cette année que j’ai commencé à croire que c’était bien vrai ! En 2019, j’ai longtemps cru que ce n’était qu’un rêve. Et ça s’est poursuivi après ma victoire à New York en tournoi de Grand Chelem. Encore au début de 2020, je pensais aux 12 derniers mois et je me disais que cela était un peu irréel. »

PHOTO CHARLES KRUPA, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Bianca Andreescu est devenue la première Canadienne à remporter un titre en simple en Grand Chelem avec sa victoire l’an dernier aux Internationaux des États-Unis.

« Aujourd’hui, tout cela est bien ancré dans ma mémoire et je peux revenir sur cette semaine incroyable à Toronto. Je savais que ce serait une semaine un peu folle et ç’a commencé dès la première ronde. Je revenais au jeu après une blessure qui m’avait empêchée d’aller à Wimbledon et, même si j’avais gagné à Indian Wells, je n’avais pas vraiment d’attentes. J’espérais pouvoir jouer quelques matchs… et j’ai dû affronter Genie [Eugenie Bouchard] dès le premier tour !

« C’était tellement une façon inattendue d’amorcer la compétition et cela a sans doute été mon match le plus fou de tout le tournoi. J’avais déjà affronté Genie auparavant, mais la situation était complètement différente, avec la pression de jouer chez moi, devant mes partisans. Je voulais vraiment bien faire, et même si je n’étais pas à 100 % de mes moyens physiques, je me suis nourrie de l’énergie de la foule, j’ai remporté ce premier match, puis un autre, et j’ai fini par remporter le tournoi ! »

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Serena Williams et Bianca Andreescu après la finale de la Coupe Rogers, l’an dernier, à Toronto

Couronnée en finale après le retrait sur blessure de Serena Williams, Andreescu avait conquis l’Américaine et le public en montrant beaucoup de compassion pour réconforter sa rivale et en faire l’une de ses admiratrices.

Devenir un modèle

Bianca Andreescu a vécu pratiquement toute sa vie à Toronto, et la Coupe Rogers a toujours été un objectif pour elle. « Je suis venue voir le tournoi quand j’étais jeune avec mes parents et, déjà, j’étudiais le jeu des meilleures pour tenter de les imiter », explique-t-elle.

« Plus tard, à 14-15 ans, j’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner avec des joueuses pendant la semaine du tournoi et cela m’a donné confiance en mes moyens. Cela m’a aussi permis d’être à l’aise sur les courts du stade à Toronto, et cela m’a bien servie l’année dernière. »

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Bianca Andreescu, à la Coupe Rogers à Montréal, en 2016

Curieusement, Andreescu avait dû rater la Coupe Rogers en 2017 et en 2018 en raison de blessures. Et on a vu qu’elle avait encore bien failli rater le rendez-vous l’année dernière. Avant son titre, elle n’avait pris part au tournoi qu’une seule fois : en 2016 à Montréal. C’est à cette occasion qu’elle avait pu côtoyer l’un de ses modèles, la Roumaine Simona Halep, lors d’une activité promotionnelle au Stade olympique.

Plus jeune, en grandissant, je me suis inspirée de plusieurs championnes qui m’ont aidée à définir mes rêves et m’ont montré la voie à suivre pour les réaliser. J’essaie à mon tour d’inspirer les jeunes, d’être le meilleur modèle possible, même si ce n’est que pour des petits détails, en leur montrant qu’on peut réussir en y mettant les efforts et avec une bonne attitude.

Bianca Andreescu

Andreescu, Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov se sont imposés depuis un an ou deux comme les nouvelles têtes d’affiche du tennis canadien, et la Torontoise croit qu’ils sont prêts à l’assumer.

« Je pense que c’est important pour les jeunes Canadiens de voir de jeunes visages auxquels ils peuvent s’identifier. Au Canada, nous n’avons pas autant de joueurs de tennis que de joueurs de hockey, par exemple. C’est bien de leur montrer qu’on peut briller dans différents sports et que leurs rêves sont à leur portée. »

Une année éprouvante

Souvent contrariée par les blessures, la carrière d’Andreescu a encore été perturbée à la fin de 2019. Elle n’a disputé que deux tournois après sa victoire à New York – à Pékin, puis à Shenzhen, en Chine, à la fin d’octobre, où elle s’est retirée du Championnat de la WTA en raison d’une blessure à un genou.

Andreescu n’a pas pris part aux Internationaux d’Australie, en janvier, et n’était toujours pas revenue au jeu, à la mi-mars, quand la pandémie a entraîné l’annulation de toutes les compétitions.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Bianca Andreescu à l’entraînement en septembre dernier

« La situation est très triste, au pays et partout dans le monde, rappelle-t-elle. Comme je l’ai dit, nous n’avons malheureusement aucun contrôle là-dessus comme individus. Je pense que nos gouvernements ont fait un bon travail pour limiter la propagation du virus, certainement mieux que dans d’autres pays. Je m’estime donc chanceuse d’être restée à Toronto pendant toute cette période et je suis soulagée de voir que toute ma famille et mes proches sont en sécurité. »

Pas question, néanmoins, de cesser le boulot. « Pendant le confinement, j’ai d’abord pu continuer mon entraînement à la maison, où nous avons aménagé un petit gymnase avec du matériel d’entraînement. Par la suite, j’ai pu retrouver mon équipe et j’ai donc pu travailler ma forme physique. Les derniers mois n’ont pas été faciles [en raison de sa blessure], mais je vais beaucoup mieux. »

Andreescu est réputée pour la qualité de sa préparation mentale. L’année dernière, elle a souvent réussi à se transcender alors qu’elle semblait au bord de la défaite. Adepte de la méditation et de la visualisation, elle n’a pas cessé de travailler sur elle-même pendant la pandémie.

L’aspect mental est tellement important, particulièrement dans une période difficile comme celle que nous vivons présentement. Même si nous ne pouvions reprendre la compétition, j’ai joué des matchs dans ma tête, je me suis imaginée sur un court. J’ai aussi beaucoup étudié le jeu de mes adversaires afin d’être prête quand je les affronterai de nouveau.

Bianca Andreescu

« J’ai donc poursuivi ma préparation mentale, et pas seulement par rapport aux matchs. J’ai pris le temps d’écrire mes objectifs, de réfléchir à l’image que je voulais projeter, à ce que j’aimerais que les gens disent de moi quand j’aurai pris ma retraite.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Bianca Andreescu à l’entraînement en septembre dernier

« Par ailleurs, c’est difficile d’être isolée à la maison, étendue sur un sofa à se demander ce qu’on peut bien faire. On ne peut voir nos amies, nos relations sociales en souffrent beaucoup. Heureusement, la technologie nous aide beaucoup. Si cette crise était survenue il y a 20 ou 30 ans, je ne sais pas comment les gens s’en seraient sortis. Aujourd’hui, des outils comme Facetime nous aident à garder notre santé mentale !

« Et je pense aussi que cette situation, malgré l’isolement et la distance, nous a rappelé à quel point nous étions tous liés, à quel point nous ne devions rien tenir pour acquis et apprécier tout ce que nous avons, tous les êtres qui nous entourent et qui nous sont chers. »

Un retour prochain ?

Bianca Andreescu ne sera donc pas à New York, où seront disputés successivement l’Omnium Western and Southern (22 au 28 août), puis les Internationaux des États-Unis (à compter du 31 août).

Au-delà de sa forme physique, c’est le manque de compétition qui a motivé la décision qu’elle a prise avec son équipe. Comme l’a rappelé son entraîneur, Sylvain Bruneau, Andreescu n’a pas joué un match en 2020 et elle ne peut se permettre, à son niveau, d’effectuer un retour trop hâtif sur le circuit.

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Bianca Andreescu est présentée au public lors d’un match des Raptors, en octobre dernier.

Très déçue, on l’a dit, la jeune femme de 20 ans avoue avoir hâte de reprendre sa vie d’athlète professionnelle, de recommencer à voyager, de pouvoir aller au restaurant avec des amis.  Nous n’avons aucune idée de ce qui va se produire au cours des prochains mois », rappelle-t-elle toutefois, très lucide.

« Les activités sportives reprennent graduellement et cela se passe relativement bien. Quand je regarde ce qui se passe dans la NBA, par exemple [elle est une grande partisane des Raptors de Toronto], je trouve que les athlètes sont bien protégés. Il n’y a d’ailleurs pas eu de cas jusqu’ici.

« Au tennis, je pense que les premiers tournois qui ont été disputés ont montré qu’il était possible d’exercer un certain contrôle sur les règles de sécurité. On nous a dit qu’il y aurait des tests, que des contrôles sévères seraient exercés sur l’accès au site et je pense que ce sera correct de reprendre le jeu.

« Je ne suis donc pas inquiète à l’idée de reprendre la compétition éventuellement dans de telles conditions. »

Bianca Andreescu a réalisé beaucoup de ses rêves d’athlète en 2019, mais elle assure en avoir d’autres, plus gros encore. Et si la pandémie l’a obligée à prendre une pause dans sa quête de la gloire, elle lui a aussi offert un répit pour guérir ses blessures et revenir encore plus forte.