(Montréal) Autant les succès de Bianca Andreescu en 2019 ont suscité l’enthousiasme au Canada et ailleurs dans les cercles du tennis féminin, autant ses blessures et les absences qui en ont résulté ont semé de l’inquiétude. Cela n’a évidemment pas échappé à Sylvain Bruneau, qui doit trouver la juste mesure pour qu’elle demeure elle-même tout en passant plus de temps sur les courts qu’à l’infirmerie.

L’entraîneur québécois se garde bien de vouloir changer le style d’Andreescu, un style qui diffère de ce que l’on a l’habitude de voir sur le circuit féminin. Un style qui, selon Andy Roddick, l’ancienne étoile du tennis américain et un fan de la Canadienne, transforme ses matchs en bagarres de rue.

Bruneau reconnaît que ce style nécessite une forme physique exceptionnelle. Or, l’accumulation de matchs et l’intensité de bon nombre d’entre eux ont fait que le corps de sa jeune athlète n’a pas suivi, dit-il.

« C’est sûr qu’il y a des ajustements à faire. Est-ce que c’est de changer son style de jeu ? Non. Mais il y a des ajustements à faire pour qu’elle soit ultra préparée à prendre les charges », précise Bruneau, qui pense que Andreescu, avec le temps, deviendra de plus en plus affutée sur le plan physique.

Toujours aussi impressionné par la polyvalence de sa protégée, sa combativité, sa capacité à relever son niveau de jeu et à réagir de la bonne façon, psychologiquement, dans les moments cruciaux, Bruneau souhaite également permettre à Andreescu d’apporter des nouveautés sur le plan tactique.

« Avec le tennis qu’elle est capable de jouer, de créer, j’aimerais la voir monter davantage au filet, venir fermer les points au filet, intercepter les défensives. Donc, d’être plus présente à la volée. »

En attendant de renouer avec les courts et avec son entraîneur, Andreescu se concentre sur sa condition physique, avec les moyens qu’elle a à sa disposition chez elle dans son sous-sol.

« Nous avons ajusté le plan, parce que c’est du jamais vu pour tout le monde, de l’inconnu. On s’est entendu qu’elle allait maintenir la forme. Elle a fait venir un vélo, elle avait de l’équipement, quelqu’un en a amené, pas moi, évidemment. Elle a commencé à s’entraîner très bien, sous la supervision de Clément Golliet », confie Bruneau.

« Elle fait un peu de tout. C’est sûr qu’il y a des trucs impossibles à faire quand tu es dans un sous-sol, car tu n’as pas nécessairement toutes les charges. Mais ils ont réussi, semble-t-il, à lui bâtir un très bon programme où elle a le sentiment non seulement de maintenir, mais d’améliorer sa condition physique sur certains points. »

Comme un téléphoniste

Séparés physiquement par la COVID-19 depuis le 12 mars, Bruneau et Andreescu communiquent régulièrement par divers moyens technologiques. En fait, de son propre aveu, Bruneau tient plus souvent un téléphone entre ses mains, par les temps qui courent, qu’une raquette de tennis et des balles.

« Je me sens plus comme un téléphoniste, décrit-il en ricanant. Je passe des heures au téléphone avec Bianca, les autres membres de l’équipe, le médecin en Espagne [Angel Ruiz Cotorro], les préparateurs physiques, les physios.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

« Ce que je vis en ce moment, je n’ai jamais vécu ça de ma vie comme entraîneur. Je suis comme en repos forcé, moi aussi, depuis deux mois, loin des terrains. Je n’ai pas pris une raquette, je n’ai pas envoyé une balle. Depuis que j’ai 10 ans que ça ne m’est pas arrivé. »

Bruneau, qui s’est placé en quarantaine après son retour d’Indian Wells où il se trouvait à la mi-mars, admet que ces développements inattendus lui ont permis de passer beaucoup de temps auprès de trois autres personnes de la gent féminine qui occupent une grande place dans son cœur.

« J’ai fait beaucoup de voyages récemment et là, j’ai eu deux mois très proches de mes deux filles, de ma femme à la maison. Ç’a fait du bien. C’était agréable parce que depuis longtemps, je viens trois semaines, un mois, et je repars deux semaines. On est toujours dans ça. Pour moi, c’est le bon côté de cette situation sur le plan personnel. »