Ce n’est peut-être pas de cette façon qu’elle aurait voulu y arriver, mais Bianca Andreescu a profité hier du forfait de Serena Williams à Toronto pour gagner la Coupe Rogers. Et elle a continué à gagner bien des cœurs, y compris celui de son adversaire. À Montréal, Rafael Nadal n’a pas fait durer le suspense bien longtemps en remportant une cinquième Coupe Rogers en deux petites manches. 

« Je ne réalise pas encore très bien ce qui se passe »

La « finale de rêve » de la Coupe Rogers a pris une tournure inattendue hier, à Toronto, quand l’Américaine Serena Williams a déclaré forfait alors qu’elle était menée 1-3 en première manche. C’est donc la jeune Bianca Andreescu qui a hérité d’un titre historique, devenant la première Canadienne en 50 ans à remporter le tournoi.

« Je ne réalise pas encore très bien ce qui se passe, a avoué la joueuse de 19 ans en point de presse. Tout est allé très vite depuis la fin du match, j’ai parlé à plein de gens, accordé beaucoup d’entrevues et vu que mon téléphone était plein de messages ! Je pense que je vais prendre une pause de tout ça ce soir, apprécier ce moment avec mon équipe et mes proches. Mais je répondrai à tout le monde, promis ! »

Après une série de cinq matchs éprouvants depuis mardi pour atteindre la finale, Andreescu n’a pas eu à se dépenser hier. « J’étais très nerveuse au début du match, mais ça s’est replacé après les premiers échanges. Puis j’ai vu qu’elle restait sur sa chaise, et l’arbitre m’a avisée que c’était terminé. »

Ce n’est certainement pas de cette façon que j’aurais voulu gagner, et je sais que cela est très décevant pour Serena, qui est une grande championne et qui veut toujours se battre pour la victoire. Quand je l’ai rejointe, elle était en larmes.

Bianca Andreescu

« Nous avons parlé un peu et je lui ai dit : “Allez, tu es une sacrée bête [fucking beast] et tu as toujours rebondi après des blessures. Ce n’est qu’un petit recul, tu reviendras bientôt aussi forte que par le passé.” Elle a été vraiment gentille et m’a dit des choses très touchantes, à ce moment-là et aussi plus tard, au micro, devant la foule. »

Andreescu a aussi reçu les félicitations de Faye Urban, la dernière Canadienne à avoir remporté le tournoi en 1969. « On m’a dit qu’elle n’était pas assez bien [à 73 ans] pour assister au match, mais qu’elle était très heureuse de mes succès et qu’elle trouvait que j’étais une belle représentante pour le tennis canadien. C’est très inspirant pour moi, et j’espère pouvoir la rencontrer bientôt. »

Les éloges de Serena

Très déçue de la tournure des évènements, Serena Williams a expliqué qu’elle avait été victime de malaises au dos. « Cela a commencé pendant mon match de demi-finale et cela n’a fait qu’empirer. J’ai senti un spasme dans tout mon dos, au point où je ne pouvais vraiment bouger, ni même dormir.

« Je me demandais comment je pourrais réussir à jouer aujourd’hui alors que je ne pouvais effectuer aucune rotation [du torse]. Mais j’adore jouer ici, j’adore la foule et je ne voulais pas m’être rendue si loin sans au moins essayer de jouer. Je l’aurais regretté. Le plus frustrant, c’est que ce foutu spasme sera peut-être disparu dans 24 ou 36 heures. Ça m’est déjà arrivé, et je sais que je peux habituellement recommencer à jouer. Je ne pouvais juste pas jouer aujourd’hui. »

Et cette incapacité l’a laissée en larmes. Heureusement, Andreescu a su la consoler.

Cela a été mon meilleur moment de ma journée. Je suis officiellement l’une de ses admiratrices. Je l’étais déjà, mais elle a réussi à me faire sentir beaucoup mieux, alors que j’étais très triste. C’était vraiment gentil de sa part.

Serena Williams

« Je pense que Bianca est une fille fantastique, qu’elle l’a toujours été. C’est pourquoi j’avais si hâte de l’affronter. Elle a une personnalité fabuleuse et en plus elle est juste, comment on dit, une “vieille âme”. Elle est beaucoup plus mature que son âge. Elle n’a vraiment pas l’air d’une fille de 19 ans quand elle parle, sur un court quand elle joue, dans son attitude, son action. »

Seulement un début ?

Il s’agit d’un deuxième titre significatif pour Andreescu cette saison et qui sait combien d’autres elle aurait pu gagner si une blessure à une épaule ne l’avait pas tenue à l’écart du jeu pendant plusieurs semaines.

Championne à Indian Wells à la mi-mars, elle a souligné : « Là-bas, j’avais eu à me battre jusqu’au bout, et le titre avait peut-être une saveur particulière. Mais gagner chez moi, au Canada, est vraiment spécial. J’ai travaillé tellement fort, j’ai mis tellement d’énergie pour m’y préparer. »

Après le match, la championne a salué sa famille et son équipe, l’entraîneur Sylvain Bruneau en particulier. « C’est très spécial, a avoué ce dernier en entrevue. Ça fait des années que nous travaillons, au Centre national d’entraînement et avec tous nos entraîneurs, au développement des joueurs au Canada avec l’espoir qu’un jour, l’un d’eux puisse remporter ce tournoi. C’est arrivé et c’est une satisfaction incroyable. »

Bruneau sait depuis longtemps qu’Andreescu a des dons exceptionnels. « C’est une fille rigolote qui peut être drôle et trouve le temps de s’amuser, mais elle est aussi très sérieuse, très rigoureuse dans sa préparation. Sa force mentale est incroyable. Elle a une rare capacité de se projeter dans des rêves positifs… et de les réaliser ! »

Aujourd’hui, j’étais un peu déçu que ça se termine comme ça. J’aurais aimé les voir se battre et je suis convaincu que Bianca l’aurait emporté !

Sylvain Bruneau

Andreescu va passer du 27e au 14e rang mondial aujourd’hui. Louis Borfiga, directeur du CNE, estime qu’elle a le jeu pour être du top 5 avant longtemps.

« Mes performances cette semaine, avec toute la pression et les matchs difficiles que j’ai eu à disputer, ont augmenté ma confiance à un niveau très élevé, a reconnu la Canadienne. J’espère pouvoir garder cet élan jusqu’aux Internationaux des États-Unis. »

Et la suite s’annonce prometteuse.

« Ce sont des années incroyables qui s’annoncent pour les amateurs de tennis canadiens, a insisté Sylvain Bruneau. Quand on pense que Bianca et Félix [Auger-Aliassime] n’ont encore que 19 ans, on peut rêver ! »