Avec Milos Raonic, Vasek Pospisil a été le chef de file du renouveau du tennis masculin au Canada. Tous deux ont été parmi les premiers à bénéficier de la création du Centre national d’entraînement, en 2007, et ont vite gravi les échelons du classement mondial. Six ans après avoir atteint les demi-finales à la Coupe Rogers, en 2013 contre Raonic justement, Pospisil espère profiter du soutien des amateurs du stade IGA pour relancer sa saison.

Quart-de-finaliste à Wimbledon en 2015, demi-finaliste à la Coupe Rogers en 2013, Vasek Pospisil a atteint le 25e rang mondial en 2014. Aussi brillant en double, avec notamment un titre à Wimbledon en 2014 (avec l’Américain Jack Sock), il a souvent été le héros de l’équipe canadienne en Coupe Davis, compétition qui met en évidence sa formidable combativité.

Ralenti par les blessures depuis quelques saisons, il est récemment revenu au jeu après une intervention chirurgicale au dos et une convalescence de quatre mois, une éternité pour un joueur qui a été habitué à souffrir sur le court.

« C’est vrai, j’ai été élevé de cette façon et j’ai toujours été habitué à repousser mes limites. Je déteste les excuses et ça m’est souvent arrivé de jouer malgré la douleur, les blessures. Mais en vieillissant, on réalise que ce n’est pas toujours une bonne chose d’avoir une telle mentalité. Il faut aussi être intelligent et savoir écouter son corps. »

C’est ce qu’il a fait au début de l’année en décidant de subir cette intervention chirurgicale pour régler une blessure chronique qui le gênait depuis longtemps. « En ce moment, je suis un peu gêné par une petite blessure à une main, mais le dos va très bien, et c’est ce qui compte vraiment. Cela a été difficile d’interrompre ainsi ma saison, mais je devais penser à la suite de ma carrière. C’était vraiment la bonne décision à prendre. »

Pospisil s’est entraîné hier, mais il n’a frappé à pleine puissance que des coups droits. « J’essaierai les revers demain et, avec les traitements, j’espère être en mesure de jouer normalement la semaine prochaine. »

La cause des joueurs

En raison de sa longue absence, le Canadien est sorti du top 100 (207e), mais il a encore le niveau pour reprendre sa place au sein de l’élite mondial.

À bientôt 30 ans, il a aussi d’autres objectifs.

Depuis 2018, il est membre du Conseil des joueurs de l’ATP, comité qui réunit une dizaine des joueurs, dont Novak Djokovic.

« Quand on arrive sur le circuit, on est seulement content d’être là ! En vieillissant, on prend toutefois davantage conscience des injustices. L’une des plus grandes est que nous n’avons aucune représentation légale pour défendre nos intérêts, au contraire des autres sports professionnels où les joueurs sont syndiqués. La conséquence, c’est qu’il n’y a aucune transparence et que nous n’avons aucune idée des revenus véritables des tournois.

Le tennis est un sport mondial, populaire sur tous les continents, et ce ne sont pourtant que les 100 meilleurs joueurs du monde qui font de l’argent.

Vasek Pospisil

« Je me suis impliqué en espérant que nous puissions obtenir cette représentation légale qui nous permettra de poser des questions aux organisateurs et d’avoir un pouvoir de négociation. »

Pospisil dénonce la faible part des revenus qui revient aux joueurs. « Les tournois du Grand Chelem n’attribuent que 14 % de leurs revenus aux bourses, 7 % aux femmes, 7 % aux hommes. C’est de loin la part la plus basse de tous les sports majeurs. Au golf, c’est environ 33 % ; dans la NFL, c’est 50 %, et 57 % dans la LNH. Nous voulons avoir la chance de nous asseoir avec les organisateurs et de savoir pourquoi cette part est si basse.

« N’est-ce pas incroyable de penser à quel point c’est exigeant de devenir le 100e au monde dans un sport aussi mondial et compétitif que le tennis et de n’obtenir qu’un revenu ridicule en échange ? Le 100e joueur de la LNH fait environ 6 millions ! »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Vasek Pospisil

Eugène Lapierre, directeur de la Coupe Rogers, explique souvent qu’une bonne partie des revenus de la Coupe Rogers est consacrée au développement du tennis au Canada. Pospisil répond que l’objectif des joueurs n’est pas nécessairement d’obtenir une part équivalente à celles des joueurs de la LNH ou de la NFL, et que la réalité du tennis est aussi plus complexe.

« Je connais des joueurs européens sur le circuit qui n’ont jamais obtenu le moindre soutien de leur fédération. Doivent-ils renoncer à leur juste part des revenus pour appuyer le développement des jeunes joueurs d’un autre pays ? »

Des arguments sans fondement

Après un an au Conseil des joueurs, Pospisil reconnaît que les choses tardent à changer.

« En apparence, le tennis est une “démocratie”, mais ce n’est qu’une illusion. En réalité, nous n’avons aucun mot à dire. Les changements dans l’histoire du tennis ne sont survenus que lorsque les joueurs étaient vraiment en colère. Comme en 2012, quand tous les joueurs ont menacé de boycotter les Internationaux d’Australie et que les organisateurs, effrayés, ont fait de petites concessions qui ont calmé tout le monde. »

Depuis, rien n’a vraiment changé.

Ce sont des gens très intelligents qui dirigent les grands tournois et ils n’ont aucun intérêt à voir les joueurs acquérir du pouvoir.

Vasek Pospisil

« [Les organisateurs] n’hésitent pas à créer un sentiment de peur chez les joueurs, prétendant par exemple qu’ils pourraient faire l’objet de poursuite judiciaire s’ils tentaient de se réunir en syndicat.

« Ils prétendent que nous sommes des travailleurs autonomes, alors qu’en fait, nous sommes entièrement dépendants du circuit ATP pour gagner notre vie. Où pourrions-nous aller jouer ? Nous devons d’ailleurs signer un engagement, au début de la saison, qui précise les règles et les obligations auxquelles nous sommes soumis. »

Un soutien plus actif des meilleurs joueurs contribuerait certes à faire avancer la cause collective, mais comme l’explique Pospisil : « La structure de répartition des bourses favorise les meilleurs. En Grand Chelem, ça double à chaque tour, et le champion touche 3 millions !

« Les joueurs au sommet de la pyramide ont des relations parmi les organisateurs et ils reçoivent des traitements de faveur partout où ils vont de façon à ce qu’ils ne puissent vraiment rien dire de négatif par la suite. »

Une passion exigeante

Avec des gains de plus de 5 millions en carrière, Pospisil insiste pour préciser qu’il se considère personnellement dans une situation privilégiée. « J’ai une belle carrière, j’ai été soutenu financièrement par Tennis Canada et je vis très bien. »

Je ne mène pas ce combat pour moi-même, mais pour ceux qui travaillent si fort dans l’espoir d’arriver un jour à bien gagner leur vie en jouant au tennis.

Vasek Pospisil

À Wimbledon, où il est revenu au jeu le mois dernier, Pospisil a touché plus de 50 000 $ après une défaite au premier tour. Une belle somme, il en convient, mais il aime aussi rappeler une chose : « Pour beaucoup de joueurs, cette somme représente la paie de toute une saison d’efforts, à jouer dans de petits tournois partout dans le monde afin d’accumuler assez de points pour accéder aux qualifications, puis au premier tour en Grand Chelem. »

« Les gens ne réalisent pas à quel point c’est incroyablement difficile de faire carrière au tennis, insiste Pospisil. J’ai connu plusieurs joueurs qui étaient vraiment incroyables chez les juniors, mais qui ont fini par renoncer, encore jeunes, à bout de forces et de ressources.

« N’est-ce pas un peu triste de penser qu’un joueur comme moi, qui ai reçu tellement de ce sport qui m’a donné une vie pour laquelle je suis tellement reconnaissant, que ce joueur, donc, hésiterait à encourager ses enfants – si j’en ai un jour – à jouer au tennis ? »

En double avec Félix

PHOTO GEOFF BURKE, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

Félix Auger-Aliassime

Excellent joueur de double, Vasek Pospisil va découvrir un nouveau partenaire à la Coupe Rogers : Félix Auger-Aliassime. Les deux joueurs ne sont pas de la même génération, mais ils se sont côtoyés en Coupe Davis et se connaissent bien. Du spectacle en perspective. Par ailleurs, Pospisil travaille cette semaine avec Frank Dancevic, capitaine de l’équipe canadienne de Coupe Davis, qui fait lentement la transition de joueur à entraîneur. « Nous collaborons depuis quelques semaines et nous venons de décider de terminer la saison ensemble », a expliqué Pospisil.