(Paris) Bien qu’il soit gêné par une blessure, Félix Auger-Aliassime est très attendu à Paris, où débute aujourd’hui le tournoi de Roland-Garros.

La précocité, le charisme et les nombreux exploits du Canadien de 18 ans suscitent un vif intérêt des amateurs, mais aussi des représentants des médias et de l’ensemble du milieu du tennis.

Les succès d’Auger-Aliassime, avec ceux de Bianca Andreescu et de Denis Shapovalov, ont valu au tennis canadien les plus grands éloges. Tous les médias spécialisés cherchent à percer les secrets du modèle mis en place par Louis Borfiga et Tennis Canada. Et si Andreescu et Shapovalov sont eux aussi bien en évidence, c’est Félix qui s’impose comme LA future grande star du sport international.

Hier soir, dans les kiosques de la gare de Lyon, son nom se retrouvait à la une de nombreuses publications. Impossible de compter tous les articles qui ont été publiés à son sujet dans les médias français au cours des dernières semaines. L’un des plus importants, le quotidien sportif L’Équipe, n’a pas hésité à le surnommer « le Mbappé des courts ».

Partout, ce sont les plus hauts sommets qui lui sont promis.

Guillaume Marx, l’entraîneur d’Auger-Aliassime, est français et connaît bien l’engouement que suscite Roland-Garros : « C’est très, très gros ici, l’équivalent du Tour de France, et tout le monde suit ça. Roland-Garros, c’est quand même un tournoi de Grand Chelem, et les médias accordent une importance bien plus grande au tennis que celle qu’il a au Canada. »

« Félix a fait la une de magazines très populaires, tout le monde va vouloir lui parler, et ce n’est pas une mauvaise chose qu’il n’arrive à Paris qu’à la dernière minute. » — Guillaume Marx, entraîneur

Un beau problème

Bernard Duchesneau, l’agent d’Auger-Aliassime, l’a rejoint il y a quelques jours en Europe. C’est lui qui doit gérer l’agenda du joueur à Paris, tâche rendue encore plus difficile par la blessure qu’il a subie à Lyon.

« Nous avons été très sollicités, c’est vrai, et ce sera impossible de répondre à tout le monde. Mais c’est un beau problème. Il vient de connaître un autre très beau tournoi et, malgré la blessure, la suite s’annonce très prometteuse. »

La popularité du Canadien a déjà permis à son agent de négocier des ententes de commandite lucratives. Nul doute qu’il recevra de nouvelles propositions au cours des prochains jours.

En ce sens, qu’il soit en mesure de défendre ses chances sur les courts ou pas, Auger-Aliassime sera un peu en représentation à Paris. Et il est aussi doué dans ce domaine qu’au tennis.

Cette semaine, à Roland-Garros, même Roger Federer n’a pas manqué de souligner les progrès d’Auger-Aliassime, dans tous les secteurs. « Nous nous étions entraînés ensemble il y a deux ans à Dubaï et j’avais été impressionné par sa maturité, par son éthique de travail aussi », a-t-il rappelé, vendredi, en point de presse.

« Il est doué, très intelligent et veut toujours s’améliorer. C’est quand même incroyable de le voir grandir si vite, alors qu’il est encore si jeune. » — Roger Federer, à propos de Félix Auger-Aliassime

Hier, à Lyon, son adversaire Benoît Paire a ajouté : « C’est dommage qu’il ait été blessé, car c’est déjà un très grand joueur et je suis convaincu qu’il va connaître une carrière exceptionnelle. Et en plus, c’est vraiment une bonne personne, que tout le monde apprécie. J’espère qu’il se rétablira rapidement, le tennis a besoin de joueurs comme lui. »

Pas avant mardi

Arrivés à Paris hier soir, Auger-Aliassime et son équipe vont d’abord se concentrer sur sa blessure au muscle adducteur de la jambe droite (voir onglet suivant). Le joueur va subir des examens pour évaluer la gravité de la blessure et des traitements pour tenter d’améliorer la situation.

En principe, il ne jouera que mardi et peut attendre la dernière minute pour prendre une décision sur sa participation. Éliminé en qualifications la saison dernière, Auger-Aliassime est parmi les têtes de série cette année (25e) et il affrontera au premier tour l’Australien Jordan Thompson (69e), s’il décide de tenter sa chance.

Lyon: une défaite dans la douleur

Ce n’est pas encore cette fois que Félix Auger-Aliassime remportera son premier titre sur le circuit de l’ATP. Battu en finale de l’Open Parc de Lyon par le Français Benoît Paire, 6-4, 6-3, le Canadien de 18 ans a fini par payer le prix de tous les efforts fournis au cours d’une semaine de matchs très disputés.

Blessé au muscle adducteur de la jambe droite, vendredi, pendant le match de demi-finale qu’il a remporté contre le favori Nikoloz Basilashvili, Auger-Aliassime n’avait pas le même mordant en finale, ses déplacements étaient plus laborieux et il n’a pas trouvé les solutions pour contrer le jeu de son adversaire.

En fin de match, la douleur était évidente et il n’a pu que s’avouer vaincu. « C’était la finale, je sais ce que ça représente de gagner un titre et je ne voulais pas que ça se termine comme ça pour Benoît, sur un abandon, a insisté le Canadien en point de presse. Je me suis donc battu jusqu’au bout, mais je suis vraiment très déçu en ce moment. »

« À deux jours de Roland-Garros, ce n’est pas l’idéal. J’ai à peine pu terminer le match [hier] et c’est une situation un peu compliquée présentement. C’est arrivé un peu subitement, on ne s’y attendait pas. Je vais passer des tests et on va voir avec mon équipe ce qu’on va faire. Il nous reste deux jours avant mon premier match [mardi] et je prendrai une décision à ce moment-là. »

Auger-Aliassime n’a toutefois pas voulu diminuer les mérites du vainqueur. « [Paire] a fait un très bon match. En première manche et même au début de la deuxième, je n’étais pas diminué, mais il m’a surpris d’entrée et a toujours bien joué, particulièrement à la volée. »

« Un tel match me montre ce que je dois encore améliorer. » — Félix Auger-Aliassime

Paire, un vétéran de 30 ans qui a remporté le troisième titre de sa carrière, a joué un match pratiquement sans faute. Le Français n’a jamais laissé Auger-Aliassime trouver son rythme, alternant bien les coups en puissance et les amortis. Il a aussi excellé au service et n’a cédé qu’un bris, sur la seule balle de bris qu’il a accordée.

Accueil chaleureux

Il s’agissait d’une première défaite à Lyon pour Auger-Aliassime, qui y avait remporté les deux dernières présentations d’un important tournoi Challenger, en 2017 et 2018. Adopté par le public, qui le soutenait autant que son rival français hier en finale, le Canadien n’a pas manqué de remercier la foule pour l’accueil chaleureux qu’il a reçu depuis sa première visite dans la ville.

« Il fallait bien que ça arrive, même si j’aurais pu encore gagner, a-t-il convenu, philosophe, devant les journalistes. J’ai quand même vécu de très beaux moments ici et j’ai eu beaucoup de plaisir. C’est un peu décevant, mais ça ne va pas effacer les très bons souvenirs de mes passages à Lyon. Et j’aurai encore d’autres occasions de revenir ! »

Sa présence en finale, sa deuxième de la saison, permet à Auger-Aliassime d’accéder au 22e rang du classement mondial et constitue une autre confirmation des extraordinaires progrès accomplis par le Canadien depuis le début de la saison. Encore seulement 108e au classement au début de l’année, Auger-Aliassime a littéralement « décollé » après avoir remporté le match décisif de la rencontre de Coupe Davis entre le Canada et la Slovaquie, au début du mois de février. Il a enchaîné avec une première finale en tournoi Masters 500 à Rio, de bonnes performances à São Paulo et à Indian Wells, puis une première demi-finale en tournoi Masters 1000, à Miami.

En chemin, il s’est offert une première victoire contre un joueur du top 10, Stefanos Tsitsipas, une première victoire contre son « pote » Denis Shapovalov, et une série de bonnes leçons contre des joueurs tels Rafael Nadal, Alexander Zverev ou Kei Nishikori.

Désormais deuxième joueur canadien derrière Milos Raonic (17e), Auger-Aliassime a profité de sa performance à Lyon pour doubler Shapovalov, et on n’a pas fini d’entendre parler d’eux !

« Un bilan positif, malgré tout »

Guillaume Marx, l’entraîneur de Félix Auger-Aliassime, est satisfait de la confiance acquise par son jeune protégé à Lyon

« On ne peut que faire un bilan positif, malgré tout », a estimé Guillaume Marx, l’entraîneur de Félix Auger-Aliassime, après sa défaite en finale de l’Open Parc, hier à Lyon.

« Il a encore fait une finale, il a battu de très bons joueurs. Il était diminué sur la finale, alors qu’on doit être au top quand on affronte un joueur comme Benoît Paire chez lui sur la terre battue. »

« Cela dit, Félix a encore progressé cette semaine et il a offert un niveau de jeu remarquable. Il a réussi à être plus serein dans ses matchs, même quand ça ne va pas dans son sens. Il a acquis plus de confiance en sa capacité de renverser la situation et ça lui permet de mieux gérer les mauvais passages. »

La blessure à la cuisse droite survient à un mauvais moment, juste avant Roland-Garros, mais Marx a rappelé que son joueur n’en était encore qu’au début de sa carrière. « C’est facile de revenir en arrière quand on sait ce qui s’est produit », a-t-il souligné.

« Tout n’est pas perdu, on a encore deux jours et on va voir comment sa blessure va évoluer. On ne sait jamais. » — Guillaume Marx, entraîneur

« Et après, si ça ne va pas, il aura quand même fait une super saison sur la terre battue. Et je me souviens que Nadal avait raté les deux premiers Roland-Garros qu’il devait jouer. »

« Avec le temps, c’est probable qu’il jouera de moins en moins les semaines qui précèdent les tournois du Grand Chelem, on en a déjà parlé ; mais là, ça semblait une bonne semaine pour venir ici et ç’a été le cas. »

En plus de Marx, Auger-Aliassime était accompagné à Lyon par un physiothérapeute et par le préparateur physique Nicolas Perrotte. Lui aussi voulait rester positif, même si la blessure l’inquiétait visiblement. « Ça allait bien ce matin et on espérait qu’il pourrait aller au bout sans problème, mais ce n’est pas ce qui s’est produit, a-t-il rappelé. Ça reste quand même une bonne semaine et on espère qu’il pourra se rétablir suffisamment pour tenir sa place à Roland-Garros.