Sylvain Bruneau a su dès ses premiers moments à titre d’entraîneur à temps plein de Bianca Andreescu qu’il avait une joueuse extraordinaire entre les mains.

Bruneau et la championne des Internationaux des États-Unis ont commencé à travailler ensemble à la demande de Louis Borfiga, vice-président du développement de l’élite à Tennis Canada. C’était en février 2018. Bruneau était en Roumanie à titre de capitaine de la Coupe Fed.

« C’est vraiment sa vision à lui ce qui se passe présentement », a noté Bruneau en conférence de presse au stade IGA, mardi. Et cette association aurait pu ne jamais se produire.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

L'entraîneur de Bianca Andreescu, Sylvain Bruneau.

« Au départ, j’étais réticent, car j’ai une bonne relation avec toutes les filles de l’équipe (de la Coupe Fed). Je savais que si j’étais attitré à l’une d’elles en particulier, ça pouvait changer la dynamique avec les autres. J’avais des réserves, mais Louis a été convaincant. »

Les deux premiers tournois auxquels ils ont participé « ensemble », en mars 2018 au Japon, Andreescu a atteint la finale.

« Je trouvais que c’était une joueuse de talent. Je voyais des choses à travailler, à faire différemment. Lors de ces deux premiers tournois, nous retournions sur le terrain après tous les matchs, car nous étions seuls, il n’y avait pas de préparateur physique avec nous. Cette championne-là, je la sentais. J’avais observé ses réactions lors de quelques matchs en Coupe Fed où il y avait énormément de pression. La façon dont elle abordait les matchs, les points importants. Je me demandais même si elle était consciente de tout ça, de qui elle était. Je savais que j’avais un super projet entre les mains. »

Jamais il ne s’est douté qu’elle atteindrait les sommets du tennis féminin en seulement 18 mois.

« Je me pince un peu. C’est quand même énorme, quand on regarde son année. J’ai vu des signes l’an dernier que son année 2019 allait sûrement très bien se passer, mais ce qu’elle fait, c’est… » laisse-t-il en suspens.

Bruneau se retrouve désormais avec une joueuse du top 5 mondial et gagnante d’un Grand Chelem entre les mains. Et le tourbillon médiatique qui l’accompagne.

« Nous avons beaucoup de demandes, évidemment. Nous comprenons l’intérêt au pays, qui s’est rangé derrière elle. Il fallait aussi gérer avant la finale : le plus gros match restait encore à jouer. Juste le fait d’être en finale à New York, contre Serena, en Grand Chelem, c’est déjà beaucoup. De gagner le titre, c’est venu quintupler tout ça. Ça en fait pas mal. Mais c’est certain que c’est une bonne chose.

« Je n’ai jamais vécu quelque chose de tel, c’est clair. (C’est) peut-être un peu (plus gros que je l’imaginais). Mais c’est fantastique. Je suis ravi pour le tennis canadien, de l’engouement que ça a suscité d’un océan à l’autre. Il paraît que les cotes d’écoute ont été incroyables. Je suis content pour Bianca, pour l’équipe. C’est juste beau, mais c’est gros à gérer pendant quelques jours. Je sais que ça va retomber éventuellement. »

Cette pluie de demandes a forcé le clan Andreescu à revoir quelque peu son calendrier. Alors qu’elle devait participer à plusieurs tournois de la portion asiatique du calendrier, Andreescu ne participera qu’à l’Omnium de Chine, à Pékin, du 28 septembre au 6 octobre.

« On verra comment ça se passe. Le but est de participer aux Finales de la WTA, tournoi qui regroupe les huit premières au monde, a souligné Bruneau. Il va falloir être judicieux dans les choix au calendrier, de l’entraînement et des périodes de repos. Au printemps, elle a joué beaucoup de matchs puis a été blessée. Il y a eu beaucoup de positif à retenir de cette période, mais aussi du négatif. Nous n’avons pas hésité après Toronto à la retirer de Cincinnati. On se retrouve avec un scénario un peu similaire (pour l’Asie). »

Le plus beau dans tout ça ? Bruneau est convaincu qu’Andreescu peut encore améliorer tous les aspects de son jeu.

« Elle peut progresser dans tous les départements de son jeu. Elle a un jeu complet, un super jeu, et fait plein de bonnes choses sur le terrain, mais elle peut encore s’améliorer. Elle n’est pas spécialisée. Le tennis féminin est un peu stéréotypé, très en puissance. Les filles jouent des styles assez similaires. Elle a un éventail de coups qui lui permet d’apporter beaucoup de progrès dans son jeu, au service et en fond de terrain notamment. »

Intenses émotions

Les derniers jours à Flushing Meadows ont fait vivre toutes sortes d’émotions à Bruneau, qui devait préparer sa protégée pour le plus gros match de sa vie contre une légende de son sport.

« Bianca a été préparée pour affronter le meilleur de Serena. On sait qu’elle veut son 24e titre et qu’elle a échoué trois fois avec de mauvais matchs. On s’est dit que ça allait être différent. Le début de match était essentiel : en quarts et en demis, Bianca a connu quelques accrochages. Elle a dû jouer du tennis de rattrapage contre (Elise) Mertens. Elle s’en est très bien sortie contre (Belinda) Bencic, mais sur plusieurs jeux, elle tirait de l’arrière 15-40. Donc, il fallait un début de match beaucoup plus solide, pour envoyer un message dès le début de la rencontre.

« Une heure après, c’est 6-3, 5-1, balle de match. Honnêtement, ce n’est pas ce qu’on avait envisagé. C’est pratiquement trop beau pour être vrai : elle touche à la victoire. On sait ce qui se passe : Serena n’a plus rien à perdre, elle retrouve ses repères et joue du meilleur tennis. Bianca se crispe légèrement — c’est normal. Elle garde son calme, mais je le vois dans son jeu, sa première balle de service, ça devient plus compliqué. À 5-5 — faut comprendre que je suis un de ceux qui n’est jamais tranquille pendant un match de tennis, car j’ai trop vu de revirements, par mes joueuses ou contre elles — faut recommencer et il y a un peu d’inquiétude.

« J’ai trouvé incroyable la façon dont elle a géré les deux derniers jeux avec son peu d’expérience à ce niveau. Elle a joué de façon très offensive et elle ne pouvait plus espérer sur des erreurs de Serena, bien qu’elle en ait commis quelques-unes. […] Quand nous nous sommes serrés dans nos bras, c’était très fort, des deux côtés. On pensait à tout ce qui avait été surmonté. »