Le président de Tennis Canada, Michael Downey, n'en démord pas: malgré les souvenirs impérissables, dont cette victoire de Daniel Nestor aux dépens du numéro un mondial Stefan Edberg en 1992 à Vancouver, la Coupe Davis de tennis se dirigeait vers une lente agonie si des changements importants ne survenaient pas.

Michael Downey a d'ailleurs été un acteur de premier plan dans les changements adoptés il y a quatre jours en Floride par l'International Tennis Federation (ITF). Il siégeait au sein d'un comité de huit membres chargé, entre autres, de proposer des changements à la formule actuelle.

À compter de 2019, la Coupe Davis sera transformée en compétition mettant aux prises 18 pays dans un tournoi unique d'une semaine sur un terrain neutre. Madrid, en Espagne, et Lille, en France, se disputeront l'honneur d'accueillir l'événement au cours des prochaines années.

L'un des deux plus beaux espoirs du tennis canadien, Félix Auger-Aliassime, a réagi négativement aux changements ces derniers jours sur Twitter en déplorant que son rêve d'enfance de remporter la Coupe Davis devant les siens venait de s'évaporer.

«Je comprends la réaction de Félix, je l'ai d'ailleurs appelé pour lui expliquer notre position», a lancé le président de Tennis Canada en entrevue avec La Presse.

«Depuis cinq ans, la plupart des meilleurs joueurs au monde n'y prenaient plus part et les cotes d'écoute périclitaient, a-t-il poursuivi. D'ailleurs, chez nous, Milos Raonic n'y a pas participé depuis trois ans. Et je le comprends, puisque demander à un athlète de pointe de donner quatre semaines par année pour la Coupe Davis est très exigeant. Il faut gagner en février, en avril, en septembre et en novembre.»

«Un défi chaque fois»

Kosmos, l'entreprise appartenant à la vedette de soccer du FC Barcelone Gerard Pique, investira 3 milliards sur 25 ans dans cet événement.

«Tous les pays dont les matchs n'avaient pas lieu à domicile étaient déficitaires, rappelle Michael Downey. Organiser l'événement pour le pays hôte demeurait un défi chaque fois. Nous connaissions l'identité des finalistes huit semaines avant la finale. Imaginez deux mois de préparation alors que les organisateurs du Super Bowl bénéficient d'un an.

«Les finales étaient parfois présentées dans des petites villes. En 2015, alors que j'étais à la tête de la Fédération anglaise de tennis, l'Angleterre l'a emporté aux dépens de la Belgique à Gand, la troisième en importance au pays [population de 229 400 en 2016]. On parle pourtant d'un championnat mondial.»

Michael Downey a effectué un premier mandat avec Tennis Canada entre 2004 et 2013. Il a tranché avec le règne précédent en mettant l'accent sur le développement de l'élite. Sous son impulsion, le pays a connu sa plus grande période d'essor avec l'émergence des Milos Raonic, Aleksandra Wozniak, Eugenie Bouchard, Vasek Pospisil et maintenant Denis Shapovalov et Félix Auger-Aliassime.

Après trois années à la tête de la célèbre fédération britannique de tennis (Lawn Tennis Association) entre 2014 et 2017, il est revenu à son poste de président de Tennis Canada l'an dernier. Il connaît le tabac.

«Dénicher un amphithéâtre lors des rencontres locales de la Coupe Davis a toujours été un défi pour les pays nordiques, dit-il. Tentez de réserver le Centre Bell à Montréal ou le Centre Rogers à Vancouver pour 10 jours en pleine saison de hockey. Sans oublier les nombreux spectacles qui y sont présentés. Il faut quand même trouver des amphithéâtres qui répondent aux critères de l'ITF. J'ai fourni cet autre argument à Félix.»

Outre le Canada, les États-Unis, la Belgique, l'Italie, l'Argentine et la France, dont le président de la Fédération, Bernard Giudicelli, chapeaute le Comité de la Coupe Davis, ont été parmi les acteurs les plus influents dans ce dossier.

La décision finale, entérinée à 71% lors d'un vote tenu jeudi dernier en Floride au cours de la réunion annuelle de l'ITF, soulève la controverse depuis plusieurs jours.

Photo tirée du compte Twitter @TennisCanada

Michael Downey, président de Tennis Canada

On ne change pas un événement vieux de 118 ans sans soulever les passions. Surtout un événement à forte saveur patriotique comme la Coupe Davis, où l'appui de la foule locale compte pour beaucoup. D'anciens grands joueurs comme Boris Becker, Pat Cash, Lleyton Hewitt et Greg Rusedski ont décrié les changements. Hewitt, capitaine de l'équipe australienne, a même évoqué une «disgrâce» sur Twitter.

Frédéric Niemeyer et Martin Laurendeau, deux des plus importants entraîneurs au Canada, ont poliment décliné notre demande d'entrevue. Ils ont expliqué vouloir en apprendre davantage sur le sujet avec de commenter.

«Les réactions sont variées, indique Michael Downey. Mais les changements sont parfois difficiles à accepter. Aussi, la nouvelle formule fait en sorte que nous prolongeons la saison d'une semaine. Mais le temps nous permettra de convaincre les joueurs du bienfait de ces changements.»

Le président de Tennis Canada rappelle aussi qu'on n'assiste pas pour autant à la fin des matchs de la Coupe Davis à domicile. «Les matchs du tournoi de qualifications, en février, ont lieu dans l'un des deux pays des équipes aux prises, selon le tirage au sort. Seuls les quatre demi-finalistes du tournoi précédent n'ont pas à y prendre part. Félix aura sans doute l'occasion au fil des ans de disputer des matchs de la Coupe Davis au Canada.»