Dans un contexte très particulier et face à un défi différent, jeudi soir, de ses deux sorties précédentes, Eugenie Bouchard a commencé à devenir plus tendue et à jouer du tennis crispé. Mais son élimination aux mains d'une joueuse classée 121e au monde n'enlève rien au fait que la Montréalaise peut retirer beaucoup de points positifs de ses prestations à la Coupe Rogers au cours de la dernière semaine.

C'est un peu le bilan qu'a tenu à présenter Sylvain Bruneau, responsable de l'élite féminine à Tennis Canada, lors d'une conférence de presse de près de 30 minutes vendredi après-midi.

Au lendemain de l'élimination de la Montréalaise, M. Bruneau a passé près de 30 minutes à répondre à un barrage de questions des journalistes vendredi après-midi, la plupart portant sur sa préparation mentale.

«Je pense que dans l'ensemble, c'est positif. Elle a eu une bataille très difficile au premier tour contre (Lucie) Safarova, un match gagné à l'arraché où elle a démontré beaucoup de courage, et un match extraordinaire contre (Dominika) Cibulkova où tout a fonctionné, a d'abord rappelé Bruneau.

«C'est sûr que tout le monde avait des attentes vis-à-vis hier (jeudi). Ça va de soi, contre une joueuse moins bien classée, moins expérimentée. Et on pouvait penser qu'Eugenie allait passer à travers ce match sans difficultés. En fait, c'était un match avec des pièges», a-t-il estimé.

Après ses spectaculaires triomphes contre Safarova, mardi, et Cibulkova, le lendemain, Bouchard a été incapable de protéger une avance d'une manche et d'un bris au deuxième set, et la Slovaque Kristina Kucova a quitté le court central du stade Uniprix avec une surprenante victoire de 3-6, 6-4, 6-3.

Manifestant des signes d'impatience et de colère au fur et à mesure que la rencontre avançait, Bouchard a même été pénalisée pour avoir fracassé sa raquette deux fois contre le sol lors de la manche décisive.

«Le défi était différent lors de ce match parce qu'Eugenie savait qu'elle était la joueuse qui pouvait gagner. Elle savait qu'elle pouvait atteindre les quarts de finale ici à Montréal, et on l'a senti lors de son match. Malgré le support de la foule, elle s'est crispée, et on l'a senti très tendue. Ça paraissait dans ses coups, mais aussi dans sa mobilité. Ses déplacements n'étaient pas les mêmes et ça l'a frustrée, car elle voulait tellement bien faire. Et là, c'est devenu beaucoup plus difficile.»

Le contexte différent auquel faisait référence Bruneau, ce sont ces gradins du court central qui se remplissent chaque fois que Bouchard s'y présente.

«Le soutien de la foule est un couteau à deux tranchants. Les spectateurs ont beaucoup aidé dans le match contre Safarova. Eugenie a senti l'énergie de la foule, ça lui a donné un second souffle, et contre Cibulkova aussi. Il y a un côté positif qui va l'aider, mais à un moment donné les attentes sont là. Il y a le central qui est plein, quelque chose qu'on voit rarement un mardi, un mercredi, un jeudi, à part lors des tournois du Grand Chelem. Les gens sont tous là parce qu'ils aiment le tennis. Mais ils adorent Eugenie, et ils sont là pour la supporter. Elle le sait, elle le sent mais c'est une forme de pression», croit Bruneau.

Après sa défaite, Bouchard avait déclaré avoir ressenti plus de pression, parce qu'elle voyait qu'elle avait une occasion d'atteindre les quarts de finale pour la première fois depuis l'Omnium de Malaisie, en février dernier.

Elle a aussi déclaré que le fait de jouer jour après jour avec toute l'attention qui lui a été portée pouvait ajouter de la pression, et qu'elle n'avait pas très bien géré cet aspect contre Kucova.

Au fil des deux dernières années, Bouchard a souvent livré des matchs de qualité contre des rivales de haut niveau avant de s'écraser contre des joueuses au classement nettement inférieur au sien. Ces performances en dents de scie ont amené bien des observateurs et des amateurs à se questionner sur sa préparation mentale.

«Ce n'est pas quelque chose qui est négligé. Je pense que tout est en place, mais il y a encore des progrès à faire, évidemment, reconnaît Bruneau.

«Au sommet, tu dois être capable de jouer 20 à 25 tournois par année et te donner sur chaque balle, sur chaque point, à chaque match peu importe le classement de ton adversaire, peu importent les conditions. On voit des joueurs capables de faire ça. Eugenie veut arriver à ça. Elle a seulement 22 ans, elle a des choses à apprendre et elle va continuer de progresser. Mais ce n'est pas un manque dans sa préparation, même si elle a eu une baisse à ce niveau-là jeudi soir. Il ne faut pas l'interpréter comme ça.»