La scène eût été inimaginable il y a dix ans à peine: les hauts dirigeants de Tennis Canada en conférence de presse, en présence entre autres d'un représentant du quotidien USA Today, pour expliquer les succès du Canada sur la scène internationale...

Eugenie Bouchard constituait cette semaine la tête d'affiche de la Coupe Rogers à Montréal, après avoir atteint la finale de Wimbledon et percé le top 10 mondial. Milos Raonic, sixième au monde, et Vasek Pospisil, 27e, viennent de s'affronter en finale du tournoi de Washington.

Les Américains, eux, comptent un seul joueur parmi les 49 meilleurs au monde, John Isner, 14e, tandis que la Suède, longtemps dominante, n'a pas de joueur parmi les 250 premiers.

Pendant des décennies, les joueurs québécois, et canadiens, faisaient de la figuration à la Coupe Rogers. Ils perdaient généralement de façon sèche en première ronde, hormis quelques surprises de taille: Simon Larose contre Gustavo Kuerten, Sébastien LeBlanc aux dépens de Tim Henman ou encore Marie-Ève Pelletier devant Li Na.

L'an dernier, à Montréal, Raonic et Pospisil se sont affrontés en demi-finale.

«Mais nous n'avons pas l'intention de nous asseoir sur nos lauriers, mentionnait hier le président du conseil d'administration de Tennis Canada, John Leboutillier. Ça peut changer vite. Regardez ce qui se passe avec la Suède.»

Le Canada est devenu une puissance mondiale du tennis grâce à la volonté des nouveaux dirigeants de Tennis Canada lors de leur entrée en poste, il y a huit ans.

«Nous investissions trois millions par année dans le développement de l'élite. Nous trouvions que c'était trop peu, de dire le président du conseil. On voyait des jeunes juniors canadiens remplis de talent, mais ils ne perçaient pas, faute d'encadrement.»

Michael Downey est devenu président de Tennis Canada et sous son impulsion, on a injecté des millions supplémentaires dans les programmes de développement. Un centre national a été créé, le grand entraîneur français Louis Borfiga a été embauché, tout a fait boule de neige.

Avec l'élite mondiale



Une somme de 12 millions est désormais accordée au développement de l'élite. «Quand Milos Raonic a atteint les sommets qu'il pouvait atteindre ici, nous l'avons envoyé en Espagne s'entraîner avec les Rafael Nadal et compagnie», ajoute John Leboutillier.

Désormais, les meilleurs espoirs canadiens ne voyagent plus seuls. Simon Larose, entraîneur à temps plein de Françoise Abanda, a vécu «l'autre époque, il y a une quinzaine d'années».

«J'aurais eu une carrière complètement différente si j'avais connu ça. Un joueur comme Sébastien LeBlanc aussi. La transition des rangs juniors à professionnels était difficile. On voyageait seuls, avec notre sac à dos et notre sac de tennis, et on restait deux mois en Europe pour économiser les frais. On frappait des balles usées. Si on perdait trop tôt, on pouvait passer deux jours sans partenaire d'entraînement. Nous étions des vagabonds. C'était vraiment n'importe quoi!»

Larose se rappelle une tournée en Inde où il a vécu ce que Milos Raonic ou Eugenie Bouchard n'auraient jamais vécu.

«C'était en 1998 ou 1999, je n'avais pas assez d'argent pour prendre l'avion, j'avais fait un voyage de dix heures en taxi en pleine nuit pour me rendre d'un tournoi à l'autre. Il y avait des barrages réguliers où le chauffeur me disait que je devais remettre 100$ de taxes. J'avais la lumière de ma lampe de poche dans le visage, mon petit canif suisse pour me défendre au cas où, avec mon gros sac de tennis à côté. Je ne savais pas si j'allais m'en tirer vivant...»