Eugenie Bouchard n'a pas fait une seule conférence de presse à Wimbledon sans devoir expliquer l'origine de son prénom. Sa mère - «peut-être secrètement une royaliste», a-t-elle avancé - a choisi des prénoms de familles royales, principalement la famille royale britannique, pour ses enfants. C'est ainsi qu'Eugenie et sa soeur jumelle Beatrice ont été nommées en l'honneur des princesses de York.

Qui dit prénom princier dit habitudes princières? «Vous pouvez demander à mon entraîneur, mes parents ou n'importe qui, je peux être une princesse, dit Eugenie Bouchard. Mes tendances princières ne sont pas terribles. Je peux être de mauvaise humeur le matin. Mon préparateur physique porte mon sac de tennis pour que je garde toute mon énergie pour le match. Je peux avoir quelques demandes de temps en temps, mais je les fais avec amour.»

Une fois sur le terrain par contre, Eugenie Bouchard est une élève studieuse et sérieuse. Son sérieux, c'est ce qui a le plus frappé le capitaine de l'équipe de la Coupe Fed, Sylvain Bruneau, quand il l'a rencontrée pour la première fois à l'âge de 10 ans dans les camps d'entraînement de Tennis Canada.

«Sa soif d'apprendre et de s'améliorer était unique, se rappelle Sylvain Bruneau. Quand tu entraînes des filles de 10 ans, tu dois sans cesse répéter pourquoi un exercice est important, car elles oublient. Et 98% du temps, ça ne marche pas tout de suite et elles préfèrent retourner à leurs habitudes qui leur permettent de gagner. Eugenie voulait gagner mais elle voulait avant tout apprendre et s'améliorer. Elle posait plein de questions. Je n'ai jamais revu ça à un tel degré chez une fille de 10 ans depuis.»

À 20 ans, elle n'a pas changé. Voilà pourquoi son entraîneur Nick Saviano était optimiste à l'approche de Wimbledon malgré sa défaite en tournoi préparatoire.

«Le gazon est une bonne surface pour elle, mais ce n'est pas pour ça, dit-il. C'est une meilleure joueuse sous tous les aspects depuis Roland-Garros. Elle veut toujours atteindre l'excellence, c'est une travaillante, elle est très professionnelle. Elle prend son développement très au sérieux.»

Anciennes et nouvelles amitiés

Eugenie Bouchard n'est pas la joueuse la plus populaire dans le vestiaire du circuit féminin. Et elle ne cherche pas à l'être. «Je n'ai pas d'amies sur le circuit, disait-elle à Roland-Garros. Tu dois te battre contre ces filles. J'ai mes amis et ma famille à la maison.»

N'empêche, l'une de ses anciennes amitiés a refait surface vers la fin de Wimbledon quand on lui a demandé en conférence de presse si elle était toujours amie avec la joueuse britannique Laura Robson. À l'adolescence et à leurs débuts chez les pros, les deux étaient inséparables. Leur version du clip Gangnam Style a été vue par plus de 600 000 internautes sur YouTube. «Non, je ne pense pas», a répondu Eugenie Bouchard. Pourquoi? «Je vais vous laisser trouver la réponse par vous-même.»

Certains quotidiens britanniques l'ont prise au mot. Et samedi matin, jour de sa finale, le Daily Mail et le Telegraph faisaient mention en une de la rivalité Robson-Bouchard.

Apparemment, les deux joueuses se seraient disputé les services de leur entraîneur de longue date Nick Saviano vers la fin de l'année dernière. Saviano est l'entraîneur de Bouchard depuis le début de l'année, tandis que Robson a disputé seulement deux matchs cette année en raison d'une blessure au poignet.

Contraste intéressant: son adversaire en finale de Wimbledon, Petra Kvitová, est l'une des joueuses les plus appréciées de ses consoeurs. Elle a justement défait son amie et compatriote Lucie Safárová en demi-finale. «Je pense que c'est possible de se faire des amies sur le circuit, dit-elle. Nous sommes collègues, nous pratiquons le même sport. Je suis contente d'avoir des amies sur le circuit.»

Si elle ne cherche pas de camarades dans le vestiaire, Eugenie Bouchard s'est fait un nouvel ami à Hollywood au cours des derniers mois: l'acteur Jim Parsons, qui interprète le Dr Sheldon Cooper dans la populaire série télé The Big Bang Theory (la série préférée d'Eugenie Bouchard). Mis en contact par leurs agents, ils échangent des courriels d'encouragement depuis un an. Il est venu la voir jouer en personne pour la première fois à Wimbledon. À chacun des matchs, il était dans la loge avec la famille Bouchard et passait une partie de la journée avec eux à l'All England Club. «Il est plus positif que tout le reste de mon équipe réuni», dit Eugenie Bouchard.

Jim Parsons n'était pas la seule vedette dans la loge du clan Bouchard durant la finale. Il y avait aussi Anna Wintour, la célèbre éditrice de Vogue et grande amatrice de tennis. Une bonne amie à avoir quand vous êtes pressentie comme la prochaine Maria Sharapova.

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Une finale sans appel

À la Coupe Rogers en 2012, on a demandé à la Française Marion Bartoli, qui venait de se faire corriger 6-1 et 6-1 par Petra Kvitová, de comparer le jeu de cette dernière à ceux de Serena Williams et de Maria Sharapova. Quand les trois jouent bien, la championne de Wimbledon en 2013 préfère encore affronter Williams ou Sharapova. «Petra prend totalement le contrôle du match. Je n'ai jamais ressenti ça contre Serena ou Sharapova», explique-t-elle.

Samedi matin en finale de Wimbledon, Petra Kvitová était justement dans une bonne journée. L'une des meilleures sinon la meilleure journée de sa carrière. Elle a ainsi donné une pénible leçon de tennis à Eugenie Bouchard. Victoire sans appel de 6-3 et 6-0 en 55 petites minutes, l'une des finales les plus courtes en Grand Chelem depuis 30 ans.

«Elle était en feu. Nous savons que quand elle est en feu, elle est très difficile à battre, surtout sur cette surface. Elle m'a enlevé toutes mes chances», a dit Eugenie Bouchard après le match.

Au fond, c'est peut-être le pire des scénarios pour Eugenie Bouchard. Si elle avait vraiment mal joué, elle pourrait s'en vouloir. Mais elle n'a jamais eu l'occasion de jouer. Durant le match, elle n'a commis que quatre fautes directes, contre huit coups gagnants.

«Eugenie ne s'est pas écrasée, c'est l'autre joueuse qui était en état de grâce, dit Sylvain Bruneau, capitaine de l'équipe canadienne de la Coupe Fed. Kvitová a disputé un match presque parfait. Je l'ai vue jouer de bons matchs, mais jamais comme celui-là. En voyant Kvitová jouer au début du tournoi, j'avais un feeling qu'elle ferait bien à Wimbledon...»

Après le match, le clan Bouchard ne s'est pas livré à un long bilan, qui viendra plus tard. C'était plutôt le moment des accolades. La principale intéressée a promis de regarder le film du match, mais seulement après sa semaine de vacances bien méritée à Montréal. «Je vais passer beaucoup de temps sur mon divan», a-t-elle dit.

Malgré cette défaite sans appel, le clan Bouchard reste résolument optimiste. Après deux carrés d'as et une finale de Grand Chelem depuis le début de l'année, qui ne le serait pas? «Elle aura d'autres chances (de gagner un Grand Chelem)», dit Sylvain Bruneau.