Pendant une manche et demie, il a donné l'impression d'être humain. Après tout, il arrivait cette année à Roland-Garros après sa pire saison de terre battue. Il avait en finale un adversaire dont le jeu est conçu sur mesure pour le battre. Et qui l'avait justement vaincu à leurs quatre derniers duels.

Mais s'il y avait encore un doute, Rafael Nadal l'a dissipé dimanche: à Roland-Garros, il n'est pas humain. Il est invincible.

L'Espagnol de 28 ans a remporté dimanche son neuvième titre en 10 ans à Paris, défaisant en finale le Serbe Novak Djokovic en quatre manches de 3-6, 7-5, 6-2 et 6-4. «C'est une victoire émotive après ce qui est arrivé aux Internationaux d'Australie (il a perdu en finale contre Stanislas Wawrinka). Je ne me suis pas battu dans ce match, et ç'a été difficile à accepter pour moi», dit Rafael Nadal, qui rejoint Pete Sampras au deuxième rang de l'ère moderne avec 14 titres du Grand Chelem, derrière Roger Federer et ses 17 titres.

Avec cette victoire, Rafael Nadal conserve son titre de numéro un mondial et améliore sa fiche à 23 victoires contre 19 défaites contre Djokovic, qui l'avait battu à leurs quatre derniers matchs - dont sur terre battue en finale du Masters de Rome. Mais Rome n'est pas Roland-Garros. «On se sent différent sur le terrain (quand on joue à Roland-Garros), dit Djokovic. Il a seulement perdu une fois ici, ce ne sont assurément pas les meilleures conditions pour jouer contre lui.» La seule défaite de Nadal à la Porte d'Auteuil: au quatrième tour en 2009 contre Robin Söderling, alors qu'il était diminué physiquement - il ratera ensuite Wimbledon - et affecté par la séparation de ses parents.

Déclic offensif à la deuxième manche

Pendant une manche et demie, le champion en titre a paru vulnérable contre Djokovic. Tirant de l'arrière 3-4 à la manche initiale, Nadal a raté trois coups droits d'attaque, ce qui a donné le premier bris de service du match à Djokovic, qui a gagné la manche un jeu plus tard.

Pour Nadal, le déclic s'est produit à la deuxième manche, à 5-5, quand il y est allé de quelques coups droits gagnants pour conserver son service. Il a ensuite enchaîné deux coups droits gagnants à 15-30 pour briser Djokovic et remporter la deuxième manche. Il ne regardera plus jamais en arrière. «Au début, je sentais que le match était davantage entre ses mains, dit Nadal. Je gagnais plus de points sur ses erreurs que sur mes coups gagnants, et je devais changer ça. J'ai été capable d'être plus agressif durant la deuxième manche. Sans cette manche, je n'aurais pas le trophée ici avec moi...»

Au cours des deux dernières manches, les spectateurs de Roland-Garros ont revu le Nadal qu'ils aiment tant depuis 10 ans: celui qui ouvre le court avec son coup droit, qui épuise l'adversaire avec de longs échanges, qui l'étouffe avec sa cadence, mais qui limite ses fautes directes (il n'en fera que 5 à la troisième manche, contre 14 pour Djokovic). Devant un tel mur, Djokovic a forcément joué les points importants de façon plus tendue, d'autant plus que le soleil plombant de 31°C semblait l'affecter.

Acculé au pied du mur, Djokovic devait conserver son service à 4-5 à la quatrième manche. Sur une balle de match à 30-40, il a dû interrompre la motion de sa deuxième balle de service à deux reprises en raison du cri d'un spectateur. Il a finalement fait une double faute, serré la main de Nadal et est allé s'asseoir en fulminant (avec raison). «Je suis désolé pour lui, c'était un peu injuste, ça peut parfois arriver avec une grande foule», dit Nadal.

La quête de Djokovic

Pendant la présentation des trophées, la foule parisienne a réservé à Djokovic une longue ovation, aussi sentie que celle du champion. Si bien que le Serbe de 27 ans n'a pu s'empêcher de verser quelques larmes, lui qui a gagné tous les tournois du Grand Chelem sauf Roland-Garros.

«Ce n'est pas impossible, mais c'est très très difficile de rester à un haut niveau avec Rafa pendant tout un match, dit Novak Djokovic. J'ai eu un excellent début de match, mais j'ai perdu mon service à 5-6 au deuxième set et il a hérité du momentum. J'ai commencé à mal jouer, je ne bougeais plus aussi bien, il couvrait bien ses angles au coup droit, mon revers croisé n'était pas aussi efficace qu'à nos derniers matchs.»

On ne devrait pas s'étonner de voir le champion des quatre dernières années répéter son exploit une fois de plus, mais les maisons de paris et bien des experts donnaient Djokovic favori avant le début du tournoi. Une autre tête de série ne prenait toutefois pas ce pronostic au sérieux. «C'est clair: Rafa est le favori, puis Novak, puis le reste (des joueurs)», disait-il.

Roger Federer avait l'avantage de savoir mieux que quiconque à quel point Rafael Nadal peut être invincible à Roland-Garros.

Photo GONZALO FUENTES, Reuters

Photo DOMINIQUE FAGET, AFP

Djokovic, qui lui aurait repris la place de N.1 mondial en cas de victoire, a subi sa troisième défaite d'affilée sur la terre battue parisienne face à Nadal.