À voir le cran dont elle a fait preuve jeudi sur le court Philippe-Chatrier, Eugenie Bouchard finira bien un jour par disputer la finale d'un tournoi du Grand Chelem. Mais son idole de jeunesse Maria Sharapova a fait en sorte que ce ne sera pas cette année à Roland-Garros.

Au milieu du match, Bouchard, 20 ans, n'était pourtant qu'à deux petits jeux de sa première finale du Grand Chelem en carrière. Sauf qu'elle n'a jamais pu gagner ces huit derniers points, bien souvent les plus difficiles à remporter.

Maria Sharapova a conservé son service avant de briser celui de son adversaire pour provoquer la tenue d'une troisième et ultime manche. Et la détentrice de quatre titres du Grand Chelem, dont Roland-Garros en 2012, n'a plus jamais cédé l'avance à sa jeune rivale, désignée comme sa successeure sur le circuit comme chez leur commanditaire Nike.

Après 2h27 de jeu, Sharapova l'a emporté 4-6, 7-5 et 6-2, sa troisième victoire de suite à Roland-Garros après avoir laissé filer la première manche.

«Je n'ai pas aussi bien joué que plus tôt dans le tournoi, dit Eugenie Bouchard. C'est toujours décevant d'être un peu en dehors de son meilleur jeu. C'est passé à peu de choses près. C'est triste de voir que tout ça s'arrête aujourd'hui, mais cela me motive parce que même si je n'ai pas joué du superbe tennis, j'étais très proche de la battre.»

Capable de bousculer Sharapova en fond de terrain à la première manche, Bouchard, 18e tête de série, a eu plus de difficulté à s'imposer en fond de terrain lors des deux manches suivantes sans limiter ses fautes directes. Lors de ses dernières manches, l'athlète de Montréal a fait 19 fautes directes de plus que de coups gagnants, alors que Sharapova a fait un coup gagnant de plus que son total de fautes directes.

Comme c'est souvent le cas au tennis, la gagnante n'a pas vu exactement le même match que celle qui plie bagage. «Je n'ai pas le sentiment d'avoir joué mon meilleur tennis aujourd'hui, mais je suis fière d'avoir gagné une demi-finale de Grand Chelem où mon adversaire a joué de façon exceptionnelle», dit Sharapova, qui affrontera en finale samedi la Roumaine Simona Halep, 4e tête de série, qui a vaincu jeudi Andrea Petkovic en deux manches de 6-2 et 7-6 (4).

Excellent début de match

Parvenant à mettre Sharapova sur la défensive en frappant la balle très tôt en fond de terrain en début de match - pour la théorie des complexes face à son idole de jeunesse, il faudra repasser -, l'athlète de Montréal a obtenu le premier bris de service du match pour prendre l'avance 2-1. Sharapova a brisé à son tour pour provoquer l'égalité 4-4, mais Bouchard a repris son bris et a remporté la première manche 6-4, non sans sauver une balle de bris avec un revers gagnant en parallèle.

«C'était important de récupérer mon bris à la première manche, mais j'ai été nonchalante de lui laisser reprendre le bris immédiatement», a dit Sharapova après le match.

Éprouvant des ennuis au service à la deuxième manche, les deux joueuses se sont brisées durant trois jeux consécutifs de 1-0 à 3-1 pour Sharapova. Acculée au pied du mur à 3-5, Bouchard a sauvé trois balles de manche, dont deux sur des doubles fautes de Sharapova (qui a terminé le match avec neuf). Elle a tenu le coup jusqu'à 5-6, mais a cédé sur la cinquième balle de manche de Sharapova en envoyant un coup droit croisé à l'extérieur.

Passage à vide

À la manche ultime, Sharapova a mis son expérience et sa combativité à profit, tandis que Bouchard a perdu son service à 1-2 alors qu'elle menait pourtant 40-0. Un passage à vide qui pardonne difficilement contre une joueuse de la trempe de Sharapova en demi-finale de Grand Chelem.

À 2-5, Bouchard s'est fait briser une dernière fois, mais non sans se battre. Comme à la deuxième manche, Maria Sharapova a eu besoin de cinq balles de match pour passer en finale de Roland-Garros.

«J'avais un plan en tête, mais je n'ai pas assez laissé aller mes coups (lors des deux dernières manches), dit Bouchard. Je n'ai pas fini mes points comme je le voulais dans les deux derniers sets. Elle a aussi élevé son niveau de jeu et me mettait de la pression. J'ai eu quelques chances ici et là, mais que je n'ai pas saisies. C'est une expérience et j'en tirerai des enseignements», a dit Bouchard, qui passera du 16e au 12e rang mondial la semaine prochaine.

Avec cette victoire, Sharapova s'assure de rester dans le top 10. «À la troisième manche, j'étais clairement la plus agressive des deux, dit-elle. J'ai commencé à frapper les coups que je voulais, que j'aurais dû frapper plus tôt dans le match.»

Maria Sharapova participera samedi à une troisième finale consécutive à Roland-Garros, le tournoi du Grand Chelem où elle a connu du succès le plus tardivement durant sa carrière puisque son style de jeu et ses déplacements ne sont pas faits sur mesure pour la terre battue.

«Vos déplacements s'améliorent avec l'âge?», lui a suggéré un journaliste en conférence de presse. «Peut-être. Vous croyez? Merci!», a répondu l'athlète de 27 ans en riant.

À tout juste 20 ans, Bouchard aura amplement le temps de peaufiner son jeu de terre battue. Après quelques jours de repos bien mérités - elle vient de jouer 11 matchs en 18 jours à Roland-Garros et à Nuremberg, où elle a gagné son premier titre en carrière -, elle entamera la courte saison de gazon, sa surface préférée. Elle jouera un tournoi aux Pays-Bas dans une semaine afin de se préparer pour Wimbledon, un tournoi qu'elle a gagné chez les juniors en 2012.

Seule joueuse à avoir atteint le carré d'as aux deux premiers tournois du Grand Chelem en 2014, Bouchard n'avait jamais vraiment menacé Na Li en Australie, mais elle est passée très près de créer la surprise face à Sharapova à Paris. «Je me sentais mieux sur le terrain que pendant ma première demi-finale (en Australie), dit-elle. Plus je jouerai de grands matchs comme celui-là, plus je me sentirai à l'aise. Je sens que j'arriverai à gérer ces matchs encore mieux à l'avenir.»

Photo Kenzo Tribouillard, AFP

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