Seule joueuse à participer au carré d'as des deux premiers tournois du Grand Chelem cette saison, Eugenie Bouchard tentera ce matin d'atteindre la finale de Roland-Garros. En demi-finale, la Québécoise affrontera la Russe Maria Sharapova. Sur papier, avantage Sharapova, mieux classée (8e contre 16e) et plus expérimentée (quatre titres du Grand Chelem, dont Roland-Garros en 2012). Que doit faire Eugenie Bouchard pour battre Maria Sharapova? Analyse en six points.

1. Un bon début de match

Les débuts de match, c'est le talon d'Achille de Bouchard cette année à Roland-Garros. Elle a mal commencé trois de ses cinq matchs: au deuxième tour contre Julia Goerges (107e au monde), où elle a laissé filer la première manche; au troisième tour contre Johanna Larsson (99e); et en quart de finale contre Carla Suárez Navarro (15e). Contre ces trois adversaires, elle a pu revenir dans le match malgré un lent début. Contre Sharapova, une joueuse de calibre supérieur à celui de toutes les adversaires de Bouchard jusqu'ici à Roland-Garros, ce sera nettement plus compliqué. Une stratégie qui aide souvent Bouchard en début de match: avoir quelques longs échanges pour établir la confiance en ses coups de fond de terrain.

2. Faire bouger Sharapova

C'est la faiblesse de l'ancienne numéro un au monde, surtout sur terre battue. Sa grande taille (6 pi 2 po) l'avantage au service, mais elle doit compenser lors de ses déplacements. Bouchard aura avantage à jouer les angles en fond de terrain et à essayer quelques amortis pour déstabiliser Sharapova en fond de terrain.

3. Prendre la balle tôt, mais limiter les fautes directes

C'est la plus grande qualité technique de Bouchard: être capable de prendre la balle dans le rebond en fond de terrain. Peu de joueuses le font aussi bien qu'elle sur le circuit. Prendre la balle dans le rebond permettra de mettre de la pression sur Sharapova et ainsi lui donner moins de temps pour déployer tout son arsenal en fond de terrain. La stratégie d'être plus énergique en fond de terrain augmente souvent le nombre de fautes directes; il faut donc limiter le nombre de fautes directes pour être efficace. Contre Suárez Navarro, l'athlète québécoise avait un différentiel coups gagnants/fautes directes de +8 en trois manches (46 coups gagnants, 38 fautes directes). Contre Angelique Kerber, le différentiel était de +19 en deux manches (30 coups gagnants, 11 fautes directes). Contre Sharapova, il faudra que le différentiel soit quelque part entre les deux pour que Bouchard puisse espérer gagner.

4. 60% de premières balles en jeu

La deuxième statistique en importance à examiner après le différentiel coups gagnants/fautes directes: le pourcentage de premières balles de service en jeu. Dans ses deux matchs plus difficiles (Goerges et Suárez Navarro), Bouchard a placé 54% et 55% de ses premières balles en jeu. Lors de quatre de ses cinq matchs, Sharapova a placé plus de 60% de ses premières balles en jeu. Bouchard et Sharapova servent sensiblement à la même vitesse (moyenne des deux derniers matchs: 160 km/h pour Sharapova, 163 km/h pour Bouchard) sur leur première balle. Sur la deuxième balle de service, Bouchard (moyenne de 134 km/h) concède toutefois 11 km/h à Sharapova.

5. La ténacité

Bouchard n'a pas joué son meilleur match du tournoi mardi en quart de finale contre Suárez Navarro, mais Sharapova non plus: elle a gagné en trois manches contre une autre joueuse de 20 ans, Garbine Muguruza, tombeuse de Serena Williams au deuxième tour. Malgré tout, les deux joueuses ont été tenaces, ce qui leur a valu leur place dans le carré d'as. Bouchard étonne par son aplomb et sa détermination depuis le début de la saison, mais ce sont aussi les deux principales qualités de Sharapova (sauf contre Serena Williams, qui a gagné leurs 15 derniers duels). Autre avantage non négligeable pour Maria Sharapova: son expérience. Ce sera sa 18e demi-finale d'un tournoi du Grand Chelem, contre une deuxième demi-finale pour Bouchard en deux années complètes chez les pros.

6. La fatigue, l'erre d'aller et le niveau de difficulté du tableau

Difficile de départager les deux adversaires sur ce plan. Bouchard a gagné ses 10 derniers matchs sur la terre battue (son premier titre en carrière à Nuremberg et ses 5 premiers matchs à Roland-Garros). Sharapova, 17 de ses 18 matchs sur la terre battue cette saison (elle a gagné les tournois de Stuttgart et de Madrid avant de perdre à Rome). Détail important: Bouchard a joué 10 matchs au cours des 18 derniers jours; Sharapova, 5 matchs en 18 jours. Pour Bouchard, c'est beaucoup de tennis, ce qui représente une fatigue autant physique que mentale.

Lors de ses deux derniers matchs, Bouchard a disputé un match presque parfait (victoire de 6-1 et 6-2 contre Kerber, 9e au monde), puis un match plein de rebondissements (contre Suárez Navarro), où elle perdait 2-5 et 1-4 dans les deux manches qu'elle a remportées. De son côté, Sharapova n'a pas joué son meilleur tennis elle non plus lors des deux derniers matchs. Chaque fois, elle a perdu la première manche. À la deuxième manche, elle tirait de l'arrière 3-4 contre Samantha Stosur, puis 4-5 contre Muguruza.

Pour se rendre en demi-finale, les deux joueuses ont eu un tableau avec un niveau de difficulté similaire (Bouchard: 88e au monde, 107e, 99e, 9e, 15e; Sharapova: 156e, 42e, 75e, 18e et 35e). Sharapova a profité de l'élimination hâtive de Serena Williams (1re); Bouchard, de celle d'Agnieszka Radwanska (3e).