Meilleur joueur de terre battue du tennis moderne. Une seule défaite en neuf ans à Roland-Garros. Détenteur du premier rang mondial. Et pourtant, Rafael Nadal n'a jamais semblé aussi vulnérable à l'approche de son tournoi fétiche, avec un seul titre en quatre tournois préparatoires. Plan de match pour vaincre l'homme invincible de Roland-Garros.

Il n'y a rien d'impossible sur un terrain de tennis. Sauf peut-être de vaincre Rafael Nadal à Roland-Garros.

En neuf ans, Nadal n'a perdu qu'un seul match sur la terre battue rouge de Paris. En 2009, diminué physiquement par les blessures, déprimé par la séparation de ses parents, le meilleur joueur du tennis moderne sur terre battue s'est incliné en quart de finale en quatre manches contre Robin Söderling, à l'époque 25e raquette mondiale. L'année suivante, Nadal a repris son titre à la Porte d'Auteuil. Et plus personne n'a réussi l'impossible depuis.

John Isner est l'un des deux seuls joueurs à avoir poussé Rafael Nadal à la limite d'une cinquième manche à Roland-Garros, en 2011. «Vous devez être agressif, ne pas faire de longs échanges avec lui, dit Isner en entrevue à La Presse. En échange, seul [Novak] Djokovic peut rivaliser avec lui. En retour de service, il faut y aller pour ses coups et espérer qu'ils touchent la cible.»

Et pourtant, malgré sa fiche prodigieuse de 59 victoires contre une seule défaite à la Porte d'Auteuil, l'homme invincible de Roland-Garros n'est pas le favori de bien des experts, qui préfèrent le numéro deux mondial Novak Djokovic pour triompher sur la terre battue parisienne cette année. Le Serbe est justement le seul autre joueur à avoir poussé Nadal à la limite d'une cinquième manche à Roland-Garros, remportée 9-7 par l'Espagnol l'an dernier. Mais surtout, Djokovic a gagné leurs quatre derniers duels, dont la finale à Rome sur terre battue la semaine dernière.

«Les cartes sont dans les mains de Djokovic, analyse Patrick Mouratoglou, l'entraîneur de Serena Williams. Si Djokovic joue son match à 100% en y croyant comme il sait le faire, je ne vois pas Nadal gagner. En revanche, Djokovic aura beaucoup de pression parce qu'il n'a jamais gagné Roland-Garros. S'il n'aborde pas le match avec le niveau d'agressivité requis, il ne gagnera pas. Si elle a lieu, [l'issue d']une finale Djokovic-Nadal ne dépendra pas de Nadal.»

«Nadal a beaucoup de mal à jouer Djokovic, dit Louis Borfiga, vice-président du développement de l'élite de Tennis Canada. Djokovic a les clés pour jouer Nadal sur terre battue. Il prend la balle très tôt, donc le lift de Nadal ne le dérange pas trop. Djokovic le met sans cesse sous pression et Nadal n'a pas le temps d'installer son jeu. Et le coup droit croisé de Nadal tombe sur le revers de Djokovic, qui est son meilleur coup. C'est pourquoi Nadal joue beaucoup plus de coups droits en parallèle contre Djokovic.»

Après Djokovic, point de salut?

À leurs deux derniers duels sur terre battue (la demi-finale à Roland-Garros l'an dernier et la finale à Rome cette année), Djokovic a été en mesure d'imposer son rythme en frappant la balle dans le rebond. «La stratégie contre Nadal était claire depuis longtemps, mais elle est très difficile à mettre en oeuvre à cause de la qualité de son lift, dit l'entraîneur français Patrick Mouratoglou. Pour le battre, il faut être agressif, ne pas le laisser respirer. Lorsqu'il a du temps, Nadal est tout simplement injouable.»

S'il est le mieux outillé du circuit, Djokovic n'est pas le seul joueur avec une chance de mettre en oeuvre le plan de match le plus difficile du tennis. «Söderling a réussi à le battre en jouant tout en attaque, dit Louis Borfiga. Un Milos [Roanic] des grands jours aurait une chance à cause de son style offensif et de son coup droit. Kei Nishikori, qui prend la balle très tôt comme Djokovic, pourrait réussir. Mais gagner trois sets contre Nadal, c'est tout un défi.»

«Ernst Gulbis pourrait avoir le jeu pour le battre, dit Patrick Mouratoglou. Les joueurs très grands sont très gênés par son lift. John Isner l'a déjà dérangé. Pourquoi pas Jo-Wilfried Tsonga. Ça aide toutefois d'avoir son revers comme meilleur coup comme Djokovic, ce qui n'est pas le cas de Jo.»

Passage à vide à la Nadal

Pour n'importe quel autre joueur de tennis sur la planète, atteindre la finale des deux derniers tournois avant Roland-Garros - et en gagner un au passage - lui permettrait d'arriver en pleine confiance. Pas pour Rafael Nadal.

Quart de finaliste à Monte-Carlo et à Barcelone, vainqueur à Madrid puis finaliste à Rome, Nadal vient de connaître sa pire saison préparatoire sur terre battue depuis 2004. Il avait alors 17 ans et n'avait gagné aucun de ses trois tournois sur terre battue. De toute façon, une blessure au pied gauche le forcera à l'époque à renoncer à Roland-Garros, un tournoi qu'il gagnera pour la première fois l'année suivante.

L'hypothèse de Patrick Mouratoglou: Nadal a mal digéré sa défaite-surprise en finale de l'Open d'Australie contre Stanislas Wawrinka. «Je pense qu'il a très mal vécu cette défaite, dit l'entraîneur de Serena Williams. Pour une fois qu'il ne jouait pas Novak en finale, il était très confiant, il était convaincu qu'il allait gagner cette finale, dit-il. Puis il s'est blessé durant le match, il a perdu, il est tombé de très haut et ça a fait mal au moral. Il a ensuite perdu contre Dolgopolov à Indian Wells et Djokovic l'a laminé en finale à Miami.

«C'est souvent comme ça au tennis, un mauvais résultat en amène un autre. Il y a une semaine, j'aurais dit que ses chances de gagner Roland-Garros sont très basses, mais il a retrouvé son tennis contre Murray à Rome.»

En même temps, quel meilleur endroit que Roland-Garros pour Rafael Nadal afin relancer une saison décevante? «Maintenant, c'est Roland-Garros qui commence, je suis content d'être de retour dans un endroit qui m'a particulièrement donné, un endroit vraiment spécial pour moi», a-t-il dit vendredi en conférence de presse.

Au cours des deux prochaines semaines, Rafael Nadal ne tentera pas seulement de conserver son titre de numéro un mondial. Sa réputation d'homme invincible à Roland-Garros est aussi en jeu. «Beaucoup de choses doivent aller très bien pour le battre sur terre battue, spécialement à Roland-Garros. Après tout, c'est arrivé seulement une fois», rappelle John Isner.