Cela l'a frappée d'un coup quand elle a réalisé que même les membres de sa famille ne semblaient plus la considérer que comme une joueuse de tennis. Parvenue au sommet du tennis féminin canadien, Rebecca Marino n'aimait pas la jeune femme qu'elle était devenue et elle a craqué.

En février, descendue au 115e rang mondial après avoir été 38e quelques mois plus tôt, elle a avisé Tennis Canada qu'elle prenait une pause du tennis. «Ce fut une décision difficile à prendre, a-t-elle reconnu lundi en conférence téléphonique. J'avais travaillé des années pour arriver où j'étais, mais mon corps me disait d'arrêter un peu. Et il y a autre chose que le tennis dans la vie...»

Rebecca est rentrée chez elle à Vancouver. Elle a retrouvé sa famille, ses amis, son chien et ses chats. Et elle a rangé ses raquettes. «J'ai cessé le tennis pendant quatre mois. Cela m'a permis de partir en vacances avec ma famille - (elle n'avait jamais visité Whistler...) -, d'aller prendre un café avec des amis quand j'en avais envie.»

Marino a même envisagé de se trouver un boulot, de retourner aux études, incertaine quant à la poursuite de sa carrière.

Puis le goût du tennis est revenu.

«Ça me démangeait et j'ai eu envie de retourner sur le court, pour voir comment je me sentirais. J'ai pu reprendre l'entraînement lentement au Centre de tennis de l'UBC avec J.J. (Mahoney, l'entraîneur de ses débuts), Alex Korch et Lisa Northrup (spécialiste du conditionnement physique). Une petite équipe de gens de confiance s'est mise en place autour de moi, mais c'est encore temporaire.»

Après avoir travaillé avec les entraîneurs nationaux Sylvain Larose et Christian Kordasz au Centre national d'entraînement du stade Uniprix au cours des dernières années, Rebecca a décidé de prendre son temps avant de déterminer son nouvel encadrement. Elle sait toutefois déjà qu'elle demeurera en Colombie-Britannique.

Retour à la case départ

L'un des aspects les plus difficiles du retour à la compétition de Marino consiste à devoir repartir au bas de l'échelle. Désormais 767e du classement mondial, elle doit disputer les tournois de deuxième catégorie, souvent dans des petites villes et dans des conditions rudimentaires.

Et même là, elle doit passer par les qualifications, comme elle l'a fait la semaine dernière à Rock Hill en Caroline du Sud, où elle a remporté un total de huit matchs en autant de jours pour mériter son premier titre depuis le Challenger de Saguenay en 2010.

«Je savais que je devrais passer par là. Les stades et les foules sont plus petits, mais les courts sont les mêmes. Et puis, ma famille et mes amies m'encouragent beaucoup grâce à Skype et aux courriels.»

Marino a aussi retrouvé l'esprit de compétition qui règne sur le circuit professionnel. «Il y a quelques semaines, au tournoi de Troy en Alabama, j'ai inscrit mon nom à l'horaire de l'entraînement en laissant un blanc pour qu'une autre joueuse y inscrive son nom. Personne ne l'a fait! J'aurais dû en parler aux filles que je connais, mais c'est une leçon que je n'oublierai pas.»

Autre conséquence: les voyages interminables. Lundi, Rebecca a dû se lever très tôt et effectuer plusieurs vols pour relier Rock Hill à Saguenay, où elle dispute cette semaine le Challenger. Et l'un de ses sacs a évidemment été égaré...

«Heureusement, ce n'était pas celui qui contenait mes raquettes! , a-t-elle dit à la blague en soirée au téléphone. En fait, je suis très, très heureuse d'avoir renoué avec la victoire. Même si je suis épuisée physiquement, je me sens très, très bien mentalement. Et c'est excitant de revenir jouer au Canada.»

Puissante, mais timide

La joueuse de 21 ans retrouve lentement ses repères. «Mon coup droit a commencé à cliquer la semaine dernière et j'ai pu sortir de gros services lors des situations corsées, ce qui est important pour moi.»

Reconnue pour sa puissance - elle avait livré un duel de services à Venus Williams, en 2010, à l'Omnium des États-Unis - la jeune femme dissimule une grande timidité derrière ses 6'1''. Mais elle s'est promis d'être plus extrovertie et ceux qui la suivent sur Twitter apprécient son humour un brin cynique.

Les règles du circuit féminin permettront à Rebecca de se prévaloir d'un classement «protégé» au début de la saison prochaine, équivalant au 115e rang qu'elle occupait quand elle a pris sa pause. Cela pourrait lui permettre d'entrer directement dans le tableau principal des Internationaux d'Australie en janvier.

«Ce sera serré, on verra bien, a-t-elle noté. De toute façon, je ne veux pas me mettre trop de pression sur les épaules. J'ai hâte à la saison prochaine, mais je vais prendre les choses comme elles viendront.»

Et cette fois, elle ne laissera ni son chien ni ses chats l'oublier.