La blessure de Milos Raonic a beaucoup fait jaser, dimanche à Vancouver, même si le principal intéressé aurait préféré qu'on se préoccupe des performances des autres membres de l'équipe canadienne contre les Français.

Il a d'ailleurs attendu la fin de la compétition pour rencontrer les journalistes - «par respect pour mes coéquipiers», a-t-il insisté - et l'a fait un peu contre la volonté de son entourage immédiat.

C'est que Raonic est un peu devenu le «visage» du tennis canadien et qu'il porte tous les espoirs des amateurs, comme on a pu le constater encore dimanche. Et on attend d'un meneur qu'il tienne sa place dans les grandes occasions... ou qu'il réponde de ses décisions s'il ne peut le faire.

Deux questions.

Raonic aurait-il pu jouer dimanche contre Jo-Wilfried Tsonga? Bien sûr.

Aurait-ce été la bonne décision? Probablement pas.

Le Français Gaël Monfils, qui a raté les premiers simples, vendredi, en raison justement d'une douleur au genou, a été très clair en conférence de presse. «Raonic a pris une décision de champion, a-t-il estimé. Cela aurait été bien plus facile pour lui de dire je joue, que de céder sa place comme il l'a fait. Qu'est-ce qu'il aurait gagné en jouant diminué face à Jo? Et qu'aurait-on dit s'il avait aggravé sa blessure et raté des mois de compétition?»

À côté de Monfils, le capitaine Guy Forget a renchéri. «Milos est un futur grand. On sait tous qu'il serait déjà dans le top 10 s'il n'avait pas été blessé l'an dernier. Il aurait pu battre Jo, c'est certain, mais ça n'aurait servi à rien de risquer encore une blessure. La saison est longue, exigeante. Milos va jouer en Coupe Davis pendant des années pour le Canada. Il aura d'autres occasions de bien faire.»

En point de presse impromptu, le président de Tennis Canada, Michael Downey a défendu son joueur. Et c'est vrai, comme il l'a dit, que Raonic a beaucoup fait pour le tennis canadien au cours de la dernière année.

Et au bout du compte, qu'est-ce qui est le plus rentable pour Tennis Canada? Que Raonic accède au top 10 à la fin de l'année ou qu'il eut affronté Tsonga dimanche?

Les leçons de maître Forget (bis)

On a écrit samedi que le capitaine français Guy Forget était l'un des grands personnages de la Coupe Davis, plusieurs fois vainqueur de la compétition et fin analyste de ses difficultés.

Dimanche, en conclusion de la rencontre, Forget a tenté d'expliquer ce que les Canadiens devraient faire pour espérer imiter un jour leurs vainqueurs. «En Coupe Davis, l'équipe est aussi forte que son maillon le plus faible, a-t-il d'abord noté. Le Canada peut miser sur Raonic, certes, Pospisil a un bon potentiel, mais c'est encore peu. Et Nestor ne pourra jouer le double encore quatre ou cinq ans, ou alors ce sera le signe que les Canadiens n'ont pas développé leurs joueurs...

«Quand un joueur comme Dancevic, qui est 100e, 150e (178e en fait...), affronte Jo, il part avec un handicap terrible. À la moindre difficulté, il se met à penser qu'il va en prendre une terrible et ne peut plus rien faire. Au contraire, un joueur du top 20 n'a plus de complexe, même contre un joueur comme Jo.

«Les Canadiens vont donc devoir développer encore plus de joueurs. Ils ont pris les moyens, en embauchant Luigi Borfiga notamment pour leur centre de développement, mais ça prendra encore du temps.

«Et encore là, rien n'est garanti. Gagner la Coupe Davis exige des bons joueurs, mais aussi de la chance - pour jouer chez soi -, de la réussite - pour éviter les blessures. Nous avons le même groupe de joueurs depuis quelques années déjà et nous n'avons toujours pas remporté la compétition...»

Forget aurait aussi pu parler de l'importance de la tradition. Quelques dizaines de journalistes français avaient fait le voyage, malgré l'éloignement et le décalage horaire très défavorable. En fait, ils étaient pratiquement plus nombreux que les Canadiens. Ce n'est pas seulement sur le court que le Canada a des progrès à réaliser pour espérer rivaliser un jour avec la France.