Le tableau féminin était ouvert et il y avait cette année à Roland-Garros plusieurs prétendantes au titre. Mais quand on faisait un tour de table parmi les commentateurs patentés, Justine Henin faisait le plus souvent figure de favorite.

Plus exactement, on hésitait entre la Belge et Serena Williams, redevenue numéro un mondiale. Et on considérait le choc qui s'annonçait en quart de finale entre les deux championnes comme une finale avant la lettre.

Après une retraite de près de deux ans, Henin avait réussi un surprenant retour. Au plus haut niveau, ou presque. Elle avait atteint la finale des Internationaux d'Australie en janvier: elle avait donc toutes ses chances sur la terre battue de Roland-Garros, un tournoi qu'elle avait déjà remporté à quatre reprises (sur les sept titres du Grand Chelem à son actif).

Le huitième de finale, hier, contre l'athlétique Samantha Stosur, 25 ans, apparaissait comme une formalité. C'était oublier le fait que l'Australienne, pas très connue du public et habituée aux honnêtes seconds rôles, est actuellement dans une période faste, avec de brillants parcours dans trois tournois consécutifs sur terre battue - Charleston, Stuttgart et Madrid - et qu'elle est donc aujourd'hui septième joueuse mondiale. Pas complètement par hasard.

Mais Henin avait pour elle, non seulement le talent et l'énergie, mais aussi une solide expérience des grands tournois. Et la veille, elle avait réussi à se débarrasser en trois sets de l'impressionnante Maria Sharapova, autre revenante sur le circuit, classée 13e mondiale, 10 places de mieux qu'elle. Henin venait d'ailleurs de battre l'Australienne en finale à Stuttgart.

L'affaire paraissait donc bouclée à l'avance pour les pronostiqueurs de la porte d'Auteuil. Henin elle-même ne se faisait pas trop de soucis: «Samantha Stosur est une joueuse que je ne prends pas à la légère; elle m'a posé beaucoup de problèmes quand je l'ai battue à Stuttgart, parce qu'elle frappe très fort et qu'elle a un très bon service qu'il n'est pas facile de contrer. Mais j'espère quand même fêter mon anniversaire - mardi 1er juin - à Roland-Garros.» C'est-à-dire après une victoire en huitième, bien sûr. Pour la joueuse provisoirement classée au 23e rang, une étape de plus sur le chemin des plus hauts sommets.

Le premier set a aussitôt confirmé les pronostics. Henin a commencé la partie en s'emparant du service de Stosur. En moins d'une demi-heure, elle a dominé la première manche, 6-2. La Justine des grandes années était de retour: un revers en lame de couteau, un coup droit puissant et d'une parfaite précision, une bonne défense et très peu d'erreurs. Henin, l'un des plus petits gabarits du circuit féminin, avec un revers à une main de surcroît, a toujours compensé son manque naturel de puissance par le mental, la régularité et la perfection stratégique.

Mais justement. De retour après deux ans, l'ex-numéro un mondiale n'a plus pour l'instant - ou a perdu - cette régularité de métronome. On n'avait pas suffisamment noté que, dans le match précédent contre Sharapova, elle avait eu un très gros passage à vide dans le deuxième set, perdu 6-3. Une baisse de régime qu'elle ne connaissait pas au sommet de sa gloire.

Hier midi, sur le court Suzanne-Lenglen, le scénario s'est reproduit à l'identique au deuxième set. Stosur, éternelle négligée qui n'a rien à perdre dans les affrontements avec les étoiles du tennis, n'a pas laissé passer sa chance. Mise en confiance, elle a servi encore mieux et a frappé plus fort. Pour terminer sur un étonnant résultat de 6-1, qui laissait sans voix les commentateurs. Le rapport de forces était définitivement inversé, et Henin n'est pas parvenue à reprendre les affaires en main au troisième set: elle a perdu son service, a réussi à reprendre celui de l'Australienne, mais sans retrouver le contrôle de la partie. Résultat: 6-4.

«Elle a tout simplement joué mieux que moi, a dit Henin aux journalistes. En ce qui me concerne, ça s'est joué dans la tête. Il faudra y réfléchir. Et aussi travailler encore davantage pour revenir au plus haut niveau. Est-ce que le problème se situe au niveau physique? Je ne le crois pas du tout. C'est une question de mental et de régularité.»

Exit donc Justine Henin, à la veille de son 28e anniversaire. Ce qui n'est pas franchement jeune pour tenter un grand retour. Mais tout de même un ou deux ans de moins que les soeurs Williams, actuellement au sommet du classement mondial.