(Paris) Sacrée championne du monde à seize ans dès sa première participation, vendredi à Stockholm, la jeune Russe Anna Shcherbakova est une des incarnations de la génération « quad » qui déboule sur la scène internationale, à un an des JO-2022.

Déjà en tête après le programme court, Shcherbakova est montée sur la plus haute marche d’un podium 100 % russe, avec un total de 233,17 points, devant la revenante Elizaveta Tuktamysheva (220,46) et Alexandra Trusova (217,20), seize ans elle aussi et — justement — auteure d’une folle remontée à coups de quadruples sauts.

« Ça a vraiment été un combat, raconte la jeune championne du monde, entraînée par la sévère Eteri Tutberidze. Dès le premier élément, ça ne s’est pas passé comme je le voulais, et après, sur chaque élément, je me suis dit : “ Je dois essayer de faire mieux et de ne pas perdre de point ”. »

Sur la glace suédoise vendredi soir, la seule tentative de quadruple saut de Shcherbakova, un Flip d’entrée de programme libre, s’est soldée par une chute.  Celle qui fêtera ses 17 ans dimanche a toutefois tenu bon ensuite. Et, malgré tout, elle est un des visages de cette nouvelle génération de patineuses encore adolescentes qui s’attaquent aux « quads » longtemps restés un terrain non défriché.

L’exemple le plus éclatant en est cependant Trusova.

Trusova ose cinq quads

Décevante douzième après le programme court, à près de quinze points du podium provisoire, c’est avec des « quads » en série qu’elle s’est lancée dans une remontée vertigineuse. La toupie russe en a osé cinq ( !), dont deux en combinaison. Mais elle n’a pu éviter deux chutes et un saut rétrogradé.

La nouvelle élève d’Evgeni Plushenko a néanmoins été récompensée de son audace par le meilleur score du programme libre, avec 152,38 points.

Et ne comptez pas sur elle pour adopter une approche moins risquée à l’avenir. Ne serait-il pas plus raisonnable d’en tenter moins pour patiner plus proprement ? « Je suis venue ici avec cette liste et il n’était pas question d’en enlever ne serait-ce qu’un. Sous aucun prétexte ! », tranche Trusova.

C’est sous son impulsion que la course aux « quads » s’est soudainement animée depuis 2018.

Avant ça, seule la Japonaise Miki Ando, plus de quinze ans plus tôt, avait signé un quadruple saut en compétition internationale (un Salchow, en finale du Grand Prix juniors 2002).

La Française Surya Bonaly, elle, s’y était attaquée la première — en vain — dans les années 1990.

Depuis Trusova et son premier « quad » réussi aux Mondiaux juniors en mars 2018, à treize ans seulement, c’est l’effet boule de neige.

Il y a deux ans, aux Mondiaux de Saitama, au Japon, la Kazakhe Elizabet Tursynbaeva est devenue la première patineuse à poser un quadruple saut en compétition internationale senior (un Salchow).

L’hiver dernier, Trusova, qui en maîtrise quatre différents, et Scherbakova ont elles été les premières à en réussir dans des Championnats d’Europe.

La botte secrète de Tuktamysheva

Et la jeune Japonaise Rika Kihira (18 ans, 7e), même si elle ne s’y est finalement pas attaquée vendredi soir, s’est armée d’un quadruple Salchow en cet hiver préolympique.

Derrière, ça pousse déjà : les juniors russes, Kamila Valieva et Maiia Khromykh en particulier, nées en 2006 et encore trop jeunes pour la cour des grandes, en ont déjà dans leur arsenal. Et elles seront éligibles pour les Jeux de Pékin l’hiver prochain, ce qui promet une lutte acharnée pour les billets olympiques entre « quad girls » russes.

À 24 ans, Tuktamysheva n’a pas ces atouts. Mais la protégée d’Alexei Mishin a sa botte secrète : le triple Axel, la triple rotation la plus complexe, qui exige en fait de réaliser trois tours et demi en l’air, et qu’elles sont rares à maîtriser.

Ses deux réussis vendredi soir lui ont permis de remonter sur le podium mondial six ans après sa seule apparition victorieuse à l’époque. Malgré une chute sur un autre triple saut.

« Après ma chute, je me suis dit que c’était fini. Alors quand j’ai vu mon score, j’ai été submergée par l’émotion », reconnaît Tuktamysheva.

Dans la journée, les Russes Victoria Sinitsina et Nikita Katsalapov, champions d’Europe 2020, ont dominé la danse rythmique devant deux duos américains.

Verdict samedi-après-midi dans le duel au sommet entre Yuzuru Hanyu et Nathan Chen.