Après avoir traversé une mauvaise passe en janvier, la skieuse Marie-Michèle Gagnon a renversé la vapeur pour conclure la saison avec aplomb. Auteure du seul podium de l’équipe canadienne cet hiver, elle veut y remonter plus souvent la saison prochaine.

Avec son dossard no 1, Marie-Michèle Gagnon était le « cobaye » pour le super-G des finales de la Coupe du monde de ski alpin, jeudi à Lenzerheide, en Suisse.

L’annulation de l’épreuve, après celle de la descente de la veille, l’a soulagée. Le brouillard qui enveloppait le haut de la piste Beltrametti n’avait rien de rassurant.

La sécurité d’abord, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’aurait pas souhaité poursuivre cette saison particulière. Pour la première fois depuis quatre ans, elle a retrouvé sa place parmi les 10 meilleures d’une discipline. La constance n’est pas encore au rendez-vous, mais la confiance revient peu à peu.

Après ce qu’elle a vécu le printemps dernier, c’est déjà une victoire. Elle avait convenu avec son entraîneur qu’elle ne pouvait plus s’entraîner avec le groupe de slalom géant si elle voulait vraiment réussir en vitesse.

Or, la nouvelle direction de Canada Alpin lui a signifié sa décision de supprimer le programme de vitesse féminin pour des raisons budgétaires. À 30 ans, l’ex-slalomeuse ne figurait plus dans le plan ambitieux qui vise à positionner le pays parmi les trois meilleurs d’ici les Jeux olympiques de 2026.

Gagnon n’a pas crié à l’injustice. Trois ans après sa conversion au super-G et à la descente, elle ne perçait pas encore le top 30. Une grave blessure à un genou avant même le début de sa première course à Lake Louise, en novembre 2017, l’a retardée d’au moins un an. À ce niveau de compétition, les sentiments n’ont pas leur place.

Ça m’a donné une sorte d’ultimatum. Il fallait que ça marche mieux cette année, que les choses s’alignent. L’argent n’est pas toujours là. Ce n’est pas parce que j’ai gagné une Coupe du monde dans le passé que je serai financée pour la vie. Ça m’a réveillée un peu.

Marie-Michèle Gagnon

Après plus de 230 départs sur le circuit, elle a pris son bâton de pèlerin pour convaincre les membres du conseil d’administration de Canada Alpin, dont le président, Tim Dattels, et Erik Guay, d’injecter un peu plus de leur propre argent pour soutenir une petite structure autour d’elle.

L’entraîneur-chef de l’équipe féminine, Manuel Gamper, s’est débrouillé avec ce qu’on lui offrait. « La situation était critique », affirme l’Italien.

Son premier geste : trouver un coach qui se consacrerait au projet de la Québécoise de 31 ans. « Je sentais que Mitch avait besoin de quelque chose de nouveau. J’avais travaillé avec elle dans les années précédentes. À un certain moment, comme entraîneur, tu réalises que tu l’as amenée jusqu’à un certain point. Je ne sais pas ce que je peux lui donner de plus. J’ai besoin d’une nouvelle voix. »

Ç’a été celle de son compatriote Hansjörg Plankensteiner, lui aussi originaire de la région d’Ultental, dans le Tyrol du Sud. Il a été le mentor du descendeur chevronné Christof Innerhofer. Il avait l’habitude de travailler individuellement avec un athlète.

« Je savais que ce serait le match parfait », explique Gamper.

Embauché sur une base contractuelle, Plankensteiner a pu donner plus de journées que prévu à Gagnon. Son emploi principal de représentant d’une entreprise de cire a été moins prenant. La pandémie lui a permis de faire davantage de télétravail.

Autre ajout critique de dernière minute : le jeune technicien Simon Vicenzi, « super talentueux », qui est monté sur les skis pour les tester, les préparer et évaluer les cires. Il a terminé le travail de Miha Dolinar, technicien principal de Gagnon, passée chez Head après avoir fait toute sa carrière chez Rossignol.

Gamper a également activé ses contacts auprès de Swiss Ski, son ancien employeur. À l’automne, Gagnon a pu participer à un stage à Zermatt, où elle s’est mesurée aux Lara Gut-Behrami et Corinne Suter, future gagnante d’un troisième globe de super-G et future championne du monde en descente, respectivement. La native de Lac-Etchemin a fait très bonne figure.

« On a travaillé sur quelques éléments qui sont très importants, note le coach. À la fin, on a probablement pu atteindre le niveau de qualité des meilleures équipes. »

Des résultats en dents de scie

Après un départ prometteur à Val-d’Isère (trois fois dans le top 20, dont une 10place), Gagnon a vécu un creux en janvier avec trois sorties de piste consécutives. La dernière, à Crans-Montana, a été un tournant. La veille, elle avait pris le cinquième rang de la manche d’entraînement.

« C’était évident que je devais faire un pas de recul pour reprendre confiance, se souvient Gagnon. C’est comme si j’essayais de trop pousser. Je faisais des erreurs que je ne commettais jamais à l’entraînement. »

À la deuxième descente de Crans-Montana, elle a foncé « à 70 % » pour terminer 11e. « C’était très bon signe. Ça m’a vraiment donné confiance en mon ski. »

Gamper fait le même constat : « Ç’aurait pu aller d’un côté comme de l’autre. Mitch a renversé la vapeur à partir de là. »

Une semaine plus tard, elle a fini troisième au super-G de Garmisch-Partenkirchen, son premier podium depuis sa victoire au combiné de Soldeu, cinq ans plus tôt.

Sixième du super-G aux Championnats du monde de Cortina, elle a enchaîné avec deux top 10 en descente à la Coupe du monde de Val di Fassa, dont une septième place, un sommet personnel dans la discipline.

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Marie-Michèle Gagnon a terminé 3e au super-G de Garmisch-Partenkirchen, à la fin du mois de janvier.

Je suis contente, j’ai progressé, j’ai eu de beaux résultats. Le podium, c’était cool. C’était comme un rêve de faire un podium en vitesse. Le prochain rêve, c’est de le faire en descente.

Marie-Michèle Gagnon

Ses performances lui ont permis d’améliorer sa position dans la liste de départ de la Coupe du monde, facteur crucial en vue de l’an prochain. Elle est 9e en super-G et 16e en descente, ce qui donne une idée juste de sa place actuelle sur l’échiquier du cirque blanc.

« Je sais que je suis capable d’être dans les trois meilleures, prédit Gagnon. C’est juste que ça me prenait cette progression-là. Je ne peux pas passer de 30e au monde à 3e [d’un seul coup]. »

Gamper croit aussi qu’elle peut viser les podiums : « Même à son âge, elle continuait d’apprendre chaque jour à la fin de l’année. Elle a assez d’expérience. Tout est possible, je dirais. Espérons qu’on pourra skier de nouveau à Lake Louise et commencer la saison sur notre propre terrain. Au minimum, il faudra se préparer de la même façon, sinon mieux. Ce n’est pas comme si on avait trop de personnel ! Une personne pour chaque discipline, en quelque sorte, ça ne se compare pas aux grandes nations. »

L’entraîneur italien se fie à son amitié avec les Suisses, qui ont été d’une aide précieuse en course et à l’entraînement. Ceux-ci ont fourni bandes vidéo et encadrement une bonne partie de l’année. En échange, Gamper leur a donné accès à des sites d’entraînement dans les Dolomites.

« “Collaboration” serait un mot trop fort. C’est plutôt qu’on pouvait compter sur eux. On ne pouvait pas leur rendre tout ce qu’ils nous donnaient. »

À Lenzerheide, Gamper leur a remis des specks et de la bière de sa région, avec un mot de remerciement de Gagnon.

L’entraîneur souhaite être de l’aventure canadienne au moins jusqu’aux Jeux de Pékin. Il doit d’abord s’entendre avec Phil McNichol, directeur de la haute performance de Canada Alpin.

« Je veux toujours gérer l’équipe de la façon dont je pense qu’elle peut mener au succès. Si c’est le cas, je suis toujours là. Sinon, on doit voir. »

Gagnon fait des JO, qui seraient ses troisièmes, sa « priorité ». Pour l’heure, elle avait simplement hâte de rentrer avec son amoureux, le skieur américain Travis Ganong, à la maison de Lake Tahoe, en Californie, après avoir passé huit des neuf derniers mois en Europe.

Si son désir se matérialise, elle rejoindra l’équipe féminine américaine pour un stage sur neige à la fin du mois prochain. Le travail ne fait que commencer.

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Laurence St-Germain

St-Germain, première partante

Laurence St-Germain sera la première à s’élancer pour le dernier slalom de la saison à Lenzerheide, ce samedi matin. L’athlète de Saint-Ferréol-les-Neiges est septième au classement. Dimanche, Valérie Grenier, 24e, prendra part au slalom géant en cette saison de retour après une quadruple fracture à une jambe. « Ça a pris 18 mois avant qu’elle puisse rechausser les skis, a souligné Manuel Gamper. Elle fait les finales ici, à Lenzerheide, ce qui est une réussite. Son rythme en général était très élevé, mais ce n’est pas stable. Après une blessure aussi folle, avec toute la quincaillerie qu’elle a dans la jambe, c’est assez évident qu’une année n’est pas suffisante pour qu’elle soit constante. »