Marie-Michèle Gagnon avait un peu envie de se taper sur la tête après sa descente. Une approche trop directe dans un virage l’avait projetée dans la poudreuse. Le podium venait de lui filer entre les doigts au premier tiers de l’épreuve.

Une heure plus tard, la skieuse de Lac-Etchemin n’avait plus aucun regret. Sixième du super-G aux Championnats du monde de Cortina d’Ampezzo, jeudi, il y a de quoi se réjouir.

Elle égalait ainsi un sommet personnel en sept participations aux Mondiaux. Surtout, elle confirmait son statut de prétendante parmi les meilleures spécialistes de vitesse au monde.

« Je suis super contente, a commenté Gagnon au téléphone. Je suis tellement à une bonne place en ce moment comparé aux dernières années, qui ont été difficiles. Je suis revenue dans l’élite maintenant. Les filles dans le finish doivent attendre que je descende pour savoir si elles montent sur le podium ou pas. C’est super le fun de faire partie de ça et de savoir que je suis dans le coup à toutes les courses. »

La hiérarchie a été respectée à cette épreuve d’ouverture, repoussée de trois jours en raison des caprices de la météo dans les Dolomites.

Lara Gut-Behrami, hyper favorite après ses quatre victoires consécutives en Coupe du monde, s’est logiquement imposée. La Suissesse de 29 ans décroche ainsi un premier titre tant attendu, 12 ans après ses deux médailles d’argent de Val-d’Isère en 2009.

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Lara Gut-Behrami

« Pour la première fois de ma vie, je savais que ma vie ne changerait pas si je gagnais ou pas, a-t-elle déclaré. Je n’ai pas skié pour gagner la médaille d’or, j’ai skié pour montrer ce que je savais faire. Ça a été la grande différence. »

En 2017, chez elle, à Saint-Moritz, elle s’était déchiré un genou alors qu’elle avait remporté le grand globe de cristal l’hiver précédent. Avec ses 30 victoires sur le cirque blanc, elle était la skieuse avec le plus grand nombre de succès sans détenir de titre mondial.

« Finalement, je me suis permis d’avoir une vie à côté du ski. Ma vie n’est plus déterminée par la qualité de mon ski. Je suis heureuse, je me suis trouvé une maison de rêve avec mon mari. J’ai plein de choses à l’extérieur du ski. La victoire n’est plus ce qui me détermine ce que je vaux comme personne. »

Sur la piste Olympia delle Tofane, véritable classique du circuit féminin, Gut-Behrami a devancé de 34 centièmes sa compatriote Corinne Suter, qui la talonne également au classement de la saison.

Médaillée de bronze à une demi-seconde, Mikaela Shiffrin a réussi l’autre coup d’éclat de la journée. L’Américaine de 25 ans n’avait plus disputé d’épreuve de vitesse depuis plus d’un an et sa pause à la suite du décès accidentel de son père.

N’eût été une faute majeure en fin de parcours, elle aurait rivalisé pour l’or. Shiffrin a décroché sa huitième médaille à des Mondiaux, rattrapant sa compatriote à la retraite Lindsey Vonn.

Gagnon a cédé 78 centièmes à Gut-Behrami et s’est approchée à trois dixièmes d’un premier podium à ses septièmes Championnats du monde. Elle a enregistré la vitesse la plus rapide de la journée sur le dernier radar (96,94 km/h). Son erreur lui a coûté cher.

« C’était vraiment tournant pour un super-G, a analysé l’athlète de 31 ans. J’attaquais beaucoup et en arrivant dans cette section-là, je n’ai pas assez donné de direction [à mes skis]. J’ai essayé de sauver les meubles un peu. Mais c’était correct. C’est souvent comme ça en super-G. »

À ses yeux, ce résultat est beaucoup plus significatif que sa sixième place au combiné de Saint-Moritz en 2017. Sa transition vers les épreuves de vitesse, la saison suivante, a été compliquée par une sérieuse blessure à un genou. À son retour, l’ancienne slalomeuse a mis du temps à trouver sa confiance et à apprivoiser les parcours de descente.

Son troisième rang au super-G de Garmisch-Partenkirchen, le 30 janvier, a été une libération, cinq ans après son dernier podium en Coupe du monde.

« C’est vraiment un soulagement d’être de retour dans l’élite et d’être capable de pousser pour un podium à chaque course. Je n’aurais pas pu demander mieux que ça. »

Avec deux entraînements chronométrés prévus vendredi, Gagnon aborde la descente de samedi avec encore plus de confiance.

Valérie Grenier, seule autre Canadienne en lice, n’a pas eu la même veine. Elle s’est relevée au tiers de l’épreuve après avoir raté une porte. « Le parcours devenait vraiment tournant, avec beaucoup de swing. Je n’ai juste pas été capable de rester dans le bon tempo », a expliqué la Franco-Ontarienne.

Elle effectuait son grand retour en vitesse deux ans après sa quadruple fracture à une jambe durant un entraînement de descente aux Mondiaux d’Äre. Cette blessure lui a fait rater toute la dernière saison.

« Je n’étais pas vraiment nerveuse, j’étais plus excitée qu’autre chose. »

Des entraînements récents avec nulle autre que Shiffrin, en Italie, l’avait mise en confiance. Grenier s’était permis de faire parfois jeu égal avec la super vedette, « même si en entraînement, ça ne veut pas tout dire ».

« Je n’avais pas vraiment d’attentes, mais j’avais l’impression que j’étais capable de bien faire, a dit celle qui avait fini quatrième deux ans plus tôt sur la même piste. C’est certain que c’est décevant, juste la façon dont j’ai skié. On dirait que je n’ai pas réussi à bien embarquer sur mon ski et à tourner comme je voulais. Comme si je suis retournée à mes vieilles habitudes. »

La skieuse de 24 ans aura de plus grandes visées la semaine prochaine au combiné et en slalom géant. « Ça fait du bien de briser la glace. Je veux juste essayer de mieux skier à la manche de super-G du combiné. Si le parcours tourne un peu moins, ça pourrait aller mieux pour moi. En slalom, je me débrouille pas mal. »

Seger frôle l’exploit et termine quatrième

Gagnon a interrompu l’entrevue qui se déroulait pendant le super-G masculin : son coéquipier Brodie Seger était sur le point de réaliser un exploit. Parti 28e, le skieur de North Vancouver, qui revient d’une opération à l’épaule subie en décembre, a frôlé le podium par quatre centièmes.

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Brodie Seger

Vingt-septième à Äre deux ans plus tôt, Seger n’avait jamais fait mieux qu’une 13e place en Coupe du monde, à la descente de Beaver Creek en 2019.

« Je suis incroyablement motivé en ce moment, a-t-il lancé dans un communiqué de Canada Alpin. C’est une saison un peu étrange et difficile, car j’ai eu à composer avec ma première véritable blessure alors que je sentais que mon ski allait très bien. J’ai passé à travers ma première opération et ma première rééducation. J’ai travaillé très fort pour revenir en pleine forme pour cette course. »

Les jeunes Jack Crawford (14e), de Toronto, et Jeff Read (18e), de Canmore, ont également réalisé des sommets personnels, des signaux encourageants pour une équipe canadienne sans grandes attentes.

L’Autrichien Vincent Kriechmayr a gagné l’or, devançant de sept dixièmes son ancien compatriote Romed Baumann, qui représente l’Allemagne depuis 2019. Le Français Alexis Pinturault, leader du classement général de la Coupe du monde, a amorcé ses championnats en force en arrachant le bronze, tout juste devant Seger.

La descente masculine est prévue dimanche.