Éprouvée comme tout le monde par la pandémie, Valérie Maltais a retrouvé son grand sourire à la Coupe du monde d’Heerenveen, aux Pays-Bas, où elle a gagné une deuxième médaille d’or à la poursuite par équipes, vendredi

Faute de pouvoir assister à la compétition sur place, environ deux millions de Néerlandais ont suivi la Coupe du monde de patinage de vitesse d’Heerenveen à la télévision, vendredi.

Sur la glace du Thialf, le temple du longue piste, Valérie Maltais, Ivanie Blondin et Isabelle Weidemann avaient une lourde commande devant elles. Ou plutôt à leur gauche, de l’autre côté de l’anneau de 400 mètres : les Néerlandaises, froissées de leur défaite au même endroit la semaine dernière face aux Canadiennes, s’alignaient avec un effectif renforcé.

Pour l’occasion, Maltais, Blondin et Weidemann s’apprêtaient à employer une stratégie fraîchement concoctée par leur entraîneur après une nuit d’insomnie. Remmelt Eldering, un Néerlandais, sentait qu’il devait brasser la soupe.

L’explosive Maltais partirait encore première, mais seulement pour un tour, après quoi elle passerait le relais à Blondin. La pression tomberait sur les épaules de la grande Weidemann, qui franchirait les quatre derniers tours en tête, poussée par Maltais et Blondin qui profiteraient de son abri.

L’idée était de réduire le nombre d’échanges de cinq à deux pour économiser les quelques dixièmes perdus durant ces transitions. L’agilité de Maltais et de Blondin, deux ex-spécialistes du courte piste, devait bonifier la propulsion.

Le plan a fonctionné à la perfection. Après avoir cédé une demi-seconde d’entrée de jeu, le trio canadien a trouvé son rythme, reprenant les commandes avec un demi-tour à faire. Weidemann, son diesel bien échauffé, a mené les siennes jusqu’à la victoire, près d’une demi-seconde devant les Néerlandaises, vice-championnes mondiales.

Le temps de 2 min 54,640 s, deux secondes de mieux que la semaine dernière, est un nouveau record au Thialf, une vraie référence. La marque précédente appartenait aux Japonaises, tenantes du titre mondial mais absentes des Coupes du monde dans la bulle néerlandaise.

« C’est hot ! Je suis contente », a réagi Maltais, qui venait tout juste de visionner la prestation à son retour à l’hôtel, vendredi soir. « Il nous manque un peu de vitesse de pointe au début. Les Néerlandaises sont beaucoup plus rapides, mais chacun fait sa course selon le style de ses patineuses. »

Aux dires de la Québécoise, les Néerlandaises n’étaient « pas contentes » de s’être fait coiffer de la sorte. L’expérimentée Ireen Wüst, 11 podiums olympiques, a félicité ses rivales, mais Irene Schouten et Antoinette de Jong sont parties sans leur jeter un regard. Les Norvégiennes ont encore remporté le bronze.

À la cérémonie de remise des prix, les gagnantes se sont elles-mêmes passé l’or au cou, COVID-19 oblige, après quoi la musique des Tragically Hip a retenti.

Pour les médaillées de bronze des derniers Mondiaux, cette deuxième victoire en deux semaines n’est pas banale.

Comme tout le monde, les Canadiennes ont dû composer avec l’incertitude de la pandémie et l’annulation des compétitions depuis près d’un an. Mais elles ont aussi subi la fermeture de l’anneau olympique de Calgary, leur lieu d’entraînement, pour cause de bris mécanique.

Pendant des semaines l’automne dernier, Maltais s’est contentée d’un simulateur de route et de patins à roues alignées sur la surface bétonnée de l’ovale.

« Quand j’avais trois heures et demie de vélo à faire des intervalles, il y a bien des fois où j’ai terminé en pleurant. Mentalement, je me demandais : “On s’en va où ? J’espère qu’il va y avoir une récompense au bout.” Tu ne vois pas de lumière au bout du tunnel. C’est quasiment surréel d’être ici. On se sent en sécurité. »

Au plus fort de la crise en Alberta, au début de décembre, Maltais est revenue s’entraîner à Montréal à l’aréna Maurice-Richard, avec Alex Boisvert-Lacroix, lui aussi présent dans la bulle d’Heerenveen, et David La Rue. Elle n’a appris que le 19 décembre que le Canada enverrait une équipe aux Pays-Bas, où les Championnats du monde par distances se tiendront également dans deux semaines.

Après une quarantaine à son retour à Calgary, l’athlète de 30 ans a rejoint ses coéquipiers sur l’anneau en plein air de Red Deer, où la température ressentie a parfois atteint - 20 °C.

« J’avais fait une fois du longue piste, quand j’étais plus jeune, à l’extérieur, à Québec. Ça a été la fin ! Patiner à l’extérieur, ça ne marche pas pour moi. Je n’aime pas avoir froid. Je lève mon chapeau aux patineurs et aux athlètes des autres disciplines qui s’entraînent à l’extérieur. »

Samedi, Maltais s’alignera pour la première fois dans le groupe A au 1500 m, avant de conclure sa journée au départ de groupe, où elle voudra améliorer sa 11place de la semaine dernière. Dimanche, elle aimerait percer le top 10 au 3000 m après son 11e rang au premier essai.

Sinon, la native de La Baie, au Saguenay, continue de suivre l’évolution des nouvelles de la COVID-19 au Canada. Elle tentait de jauger l’impact des nouvelles restrictions imposées par Ottawa pour les voyageurs qui reviennent de l’étranger. « Ici, je me sens comme dans un autre monde. » Aussi bien en profiter au maximum.