(Montréal) Mikaël Kingsbury porte habituellement une attention particulière à chacun des détails dans sa préparation en vue d’une saison sur le circuit de la Coupe du monde de ski acrobatique. Cette fois-ci, pour la première fois de son illustre carrière, il s’est préparé en ne sachant trop où ses skis allaient le mener.

« Pour l’instant, j’essaie simplement d’être prêt pour l’année 2020, parce que je crois que nous recevrons plusieurs “curve balls” en cours de route, a-t-il dit à propos de la pandémie de coronavirus. Je suis très motivé. J’ai eu beaucoup de temps pour y penser, et j’ai réfléchi à ce que je voulais accomplir cette saison. »

Le bosseur de Deux-Montagnes a discuté avec La Presse Canadienne récemment, alors qu’il participait à un camp d’entraînement avec l’équipe canadienne de bosses à Zermatt, en Suisse. Il découvrait alors sa nouvelle réalité, en pleine pandémie.

« Il n’y a rien de normal. Nous n’avons pas eu d’entraînement optimal cet été ; surtout pour nous, les Canadiens, ç’a été difficile parce que toutes les montagnes étaient fermées, a dit le médaillé d’or aux Jeux olympiques de PyeongChang. Habituellement, nous faisons de deux à trois camps d’entraînement pendant l’été à Whistler, mais là, c’était impossible. Nous sommes donc l’un des rares pays à ne pas avoir pu skier depuis la présentation de la dernière Coupe du monde (à Krasnoyarsk, en Russie, au début du mois de mars).

« C’est sûr que nous ne sommes pas habitués à prendre des pauses aussi longues. Personnellement, ça ne m’était pas arrivé depuis 10 ans », a-t-il ajouté.

Afin d’éviter des éclosions parmi les membres de l’équipe, Ski acro Canada a formé des « bulles » de quatre athlètes chacune. Kingsbury a été jumelé en condo avec les Québécois Gabriel Dufresne, Elliot Vaillancourt et Laurent Dumais.

« On mange ensemble, on monte ensemble et on fait nos entraînements ensemble, a-t-il énuméré. Nous n’entrons pas en contact avec nos autres coéquipiers, parce que comme ça fait six mois que nous n’avons pas skié, il faut qu’on profite au maximum de chacune des opportunités d’être sur la neige pour être performant sur le circuit de la Coupe du monde. »

« Je veux connaître la meilleure saison de ma carrière »

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Même s’il est le meilleur bosseur au monde depuis près d’une décennie, Kingsbury n’a pas caché que cette longue pause lui avait fait craindre son retour sur la neige. Heureusement pour lui, tout s’est déroulé sans embûche.

« C’était un bon “feeling”, le petit “clac clac” quand tu mets tes skis. Je ne faisais pas de l’anxiété, mais j’avais des petits papillons dans l’estomac, a admis le skieur âgé de 28 ans. Je me demandais comment mon corps allait réagir aux bosses, comment mes muscles allaient répondre aux impacts. Pour moi, donc, l’important c’était de ne pas précipiter les choses. Et ne pas essayer d’être aussi bon que lors de ma dernière course en Coupe du monde.

« Je dois prendre mon temps, une journée à la fois, même si je voyais d’autres skieurs qui étaient plus avancés dans leurs préparatifs pour la saison. Et c’est ce que j’ai fait, jusqu’au moment où j’ai réussi ma descente habituelle en Coupe du monde. Je ne suis pas encore à 100 %, mais je sais que je suis sur la bonne voie », a-t-il poursuivi.

Étrangement, cette longue pause inattendue pourrait même lui être favorable, croit-il. Ce qui est de mauvais augure pour ses adversaires.

« C’est certain que je vais arriver plus reposé pour les premières Coupes du monde. Et j’ai des petites combinaisons de sauts que je veux essayer. Vous savez, j’ai tellement eu de volume d’entraînement au fil de ma carrière que cette année, même si je n’ai pas passé beaucoup de temps sur la neige, je sais que je serai dans une forme optimale. Mon expérience va entrer en compte », a-t-il expliqué.

« Si j’avais vécu ça (la pandémie) plus tôt dans ma carrière, à 20 ans, disons, peut-être que j’aurais éprouvé de la difficulté à composer avec ça. Mais présentement, je veux connaître la meilleure saison de ma carrière, si on peut avoir assez de courses au calendrier, et arriver (aux JO de Pékin) en 2022 et être le meilleur skieur de la planète », a-t-il martelé.

En attendant les JO de Pékin en 2022

Si la pandémie de coronavirus ne vient pas chambarder ses plans pour 2020-21, Kingsbury devrait entamer sa prochaine saison en Coupe du monde les 5 et 6 décembre à Ruka, en Finlande.

Le principal intéressé pourrait alors donner le coup d’envoi à une saison à l’issue de laquelle il pourrait réécrire un autre record en rejoignant la skieuse américaine Lindsey Vonn, avec 20 globes de cristal en carrière.

Le Québécois a mis la main sur 18 d’entre eux jusqu’ici, et il pourrait en acquérir deux autres – le petit en bosses, et le gros en ski acrobatique – s’il poursuit sa domination en Coupe du monde. Ce n’est toutefois pas son objectif principal pour la prochaine campagne.

« C’est sûr que ce serait “cool” de l’égaler, mais l’objectif cette année sera de défendre mes titres en simple et en parallèle aux Championnats du monde (à Zhangjiakou, en Chine) de 2021. J’ai toujours été bon là-bas. C’est une épreuve-test pour les JO de Pékin en 2022, donc ce sera bien d’obtenir des informations afin de me préparer pour l’année suivante. »

Entre-temps, il poursuivra son entraînement la pédale au plancher – comme toujours.

« Il me reste encore du temps avant le début de la saison – nous poursuivrons notre camp en Suède et en Finlande avant de lancer la saison –, donc l’objectif ce sera d’être aussi dominant. Je sais comment rester au “top”, et c’est ce qui me motive ; relever des défis, malgré la pression. C’est comme une drogue pour moi. Prêt ou pas prêt, je vais tout donner dans le portillon de départ », a résumé Kingsbury, qui devait participer en soirée jeudi sur une plateforme virtuelle à la Rencontre au sommet Telus, un évènement organisé par Ski alpin Québec.