Le maire Régis Labeaume avoue ne plus avoir la flamme des Jeux olympiques. Mais il garde bien vivante celle des Nordiques.

(Québec) Régis Labeaume est formel : pour lui, attirer les Jeux olympiques à Québec n’est plus un objectif. Il a fait une croix sur ce projet avec lequel il avait brièvement flirté en 2016, jusqu’à visiter les gros bonnets du mouvement olympique à Lausanne.

Dans une entrevue avec La Presse, le maire de Québec a accepté de revenir sur ces évènements. Il révèle par ailleurs qu’il travaille encore activement au retour des Nordiques. Il cherche notamment à savoir si le contexte économique entourant la COVID-19 pourrait représenter une occasion pour sa ville (plus de détails ci-dessous).

M. Labeaume ne rêvait pas nécessairement aux Jeux olympiques en 2016. Comme tout le monde, il avait suivi la tentative manquée de Québec en 1995. Puis le téléphone a sonné.

« À moment donné, en 2016, des gens m’ont appelé », se souvient M.  Labeaume, qui reste vague sur l’identité de ceux qui ont pris contact avec lui. « Et ce n’était pas Marcel Aubut, il n’a jamais eu affaire avec ça. On me dit : ‟Je pense que Thomas Bach aimerait te rencontrer.” »

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Thomas Bach, président du Comité international olympique

Le mouvement olympique est alors en pleine remise en question. Les Jeux de Sotchi, en 2014, ont coûté 51 milliards de dollars américains. C’est une somme colossale, qui font de ces Jeux les plus chers de l’histoire.

Puis une kyrielle de villes se retirent de la course pour les Jeux de 2022, dont Oslo, en Norvège, en octobre 2014. Ne reste que Pékin et Almaty (Kazakhstan).

C’est dans ce contexte que M. Labeaume commence à recevoir des appels. « Ils avaient développé une vision plus économe des Jeux olympiques. Ils cherchaient des villes avec déjà des équipements pour leur plan plus modeste. Tout le monde trouvait que Québec était une bonne idée. »

La capitale québécoise avait déjà une bonne réputation, explique le maire. Des évènements comme la Coupe du monde de ski de fond ou les Grands Prix cyclistes, organisés avec Gestev, donnaient de la crédibilité à Québec.

« Sotchi avait été démentiel au niveau des coûts. Il y avait une nouvelle philosophie et on cadrait dans ça », explique le maire.

« Évidemment, le CIO ne peut pas dire qu’il cherche des candidats. Pour le produit, ce n’est pas bon. Mais on nous a fait comprendre qu’on était désirés pour 2026. »

Le blues de Lausanne

Pour poursuivre les discussions, M. Labeaume se rend à Lausanne, à l’invitation du Comité international olympique (CIO).

Le voyage est exploratoire. Mais déjà, le maire a commencé à réfléchir à une possible candidature.

Pour régler le problème de la descente masculine, des conteneurs seraient installés en haut du Massif de Charlevoix. Une piste de bobsleigh serait construite à Lévis sur le bord du fleuve. Le saut à ski se ferait en plein centre-ville. Les fondeurs se livreraient bataille sur les plaines d’Abraham. « C’était malade, notre affaire ! », lance-t-il.

Mais le voyage ne se déroule pas comme le maire l’espérait. En avril 2016, quelques jours avant de prendre l’avion, il apprend que le président de la Fédération internationale de ski et celui de la Fédération internationale de hockey sur glace – qui sont deux Suisses – appuient la candidature de la ville suisse de Sion pour 2026.

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Gian-Franco Kasper, président de la Fédération internationale de ski

« On a un lunch très long avec Thomas Bach et les huiles du CIO. Je lui demande : ‟Comment vous pouvez m’expliquer que les présidents de deux immenses fédérations appuient une candidature ? Comment vous gérez ça en termes d’équité ?” Je n’ai jamais eu de réponse. Il était mal à l’aise. »

M. Labeaume espérait que le CIO intervienne. Qu’il leur dise « de débarquer de la candidature ». « Je ne l’ai pas demandé parce que ça semblait implicite dans les commentaires », dit-il. Mais puisque rien de tel ne se produit, il décide de tout arrêter là.

On ne voulait pas avoir l’air des dindons de la farce. Donc on a décidé d’arrêter.

Régis Labeaume

La candidature de Sion a finalement été retirée à l’issue d’un référendum. Les Jeux olympiques de 2026 auront lieu à Milan et Cortina d’Ampezzo, en Italie.

« Ç’a été un rendez-vous manqué, déplore M. Labeaume. Si on avait été candidats, on aurait vraiment testé la formule la plus sobre. C’était vraiment un beau défi. »

« Je ne veux pas mettre le feu »

Ce court flirt a signifié la fin de l’intérêt du maire pour les Jeux. « Moi, je ne remettrai plus jamais mon nez là-dedans. Moi, personnellement, c’est terminé. »

Mais M. Labeaume rappelle la construction du Centre Vidéotron puis l’ouverture prochaine d’un anneau de glace à Sainte-Foy. « On peut organiser des Championnats du monde de tout ce qui est sur patins. »

C’est vers de tels évènements que le maire veut tourner sa ville. Puis, il y a bien sûr le retour de la Ligue nationale de hockey (LNH).

Ce projet est-il en dormance ? « Non, pas plus tard que la semaine dernière, j’ai eu des discussions avec des directions de clubs de hockey », a révélé M. Labeaume lors de notre entretien, vendredi dernier.

« Mais je ne veux pas mettre le feu, là. J’ai essayé de voir où était rendu le marché. Je ne veux pas mettre le feu, dites-le, je ne veux pas mettre le feu », a-t-il ajouté avec insistance.

J’ai essayé de savoir c’est quoi, l’état de la Ligue nationale avec ce qui se passe actuellement, la situation financière des clubs. J’ai fait quelques téléphones. J’ai échangé avec du monde, je voulais comprendre.

Régis Labeaume

Au début de mai, le grand patron de Québecor déclarait le premier que la crise de la COVID-19 pourrait faciliter le retour d’une équipe de la LNH à Québec. « On peut légitimement penser que les circonstances actuelles peuvent changer le scénario », a affirmé Pierre Karl Péladeau au micro de Radio X.

Est-ce que M. Labeaume a été encouragé par ses appels téléphoniques ? « Ce n’est pas évident, c’est compliqué », s’est limité à répondre le maire.

Les partisans qui se languissent pour un retour des Nordiques pourront difficilement tirer des conclusions de ces quelques révélations. À part peut-être celle-ci : s’il a perdu sa flamme olympique, Régis Labeaume semble encore avoir celle des Nordiques.