Presque à mi-chemin du cycle olympique, l’équipe canadienne masculine de patinage de vitesse courte piste est en plein bouleversement.

Au printemps, la retraite-surprise à 22 ans de Samuel Girard, médaillé d’or à PyeongChang, a provoqué une onde de choc. Le vétéran Charle Cournoyer est parti en même temps. Quelques mois plus tard, nouvelle surprise, l’entraîneur-chef Éric Bédard s’est fait montrer la porte sans avoir pu terminer la première année de son mandat en remplacement de Derrick Campbell, qui tenait les rênes depuis 2006. Charles Hamelin est toujours là, mais il ne rajeunit pas, à 35 ans.

« C’est une situation exceptionnelle », affirme Sébastien Cros, le successeur de Bédard.

Dans les circonstances, les yeux se tournent vers la relève. William Dandjinou incarne ce vent de changement. À 18 ans, il a participé à ses deux premières Coupes du monde en novembre. À Montréal, il a atteint les quarts de finale au 1000 m (12e).

Le mois suivant, Cros ne l’a pas sélectionné pour les étapes asiatiques, préférant qu’il se concentre sur l’entraînement et ses études en sciences pures et appliquées au collège de Maisonneuve.

Dandjinou reprend le collier cette fin de semaine dans le cadre des tout premiers Championnats des Quatre Continents, qui se dérouleront samedi et dimanche à l’aréna Maurice-Richard. Avec Hamelin et le vif Steven Dubois, il sera l’un des trois Canadiens à s’aligner dans les épreuves individuelles.

Ça me met en confiance que les coachs m’aient choisi. J’ai travaillé fort ces derniers temps. C’est un beau cadeau qu’ils me font de me permettre de courser.

William Dandjinou, rencontré mercredi

Cros l’a préféré à quelques patineurs plus expérimentés dans une volonté de répartir les compétitions parmi les huit candidats admissibles. Les Quatre Continents serviront également d’épreuve préparatoire à la recrue pour les Championnats du monde juniors, programmés à la fin du mois à Bormio.

Plus largement, les dirigeants voulaient enrichir son bagage d’expérience internationale forcément encore mince. « Il y a aussi la confiance qu’il sera parmi nos meilleurs athlètes à long terme », a précisé Cros.

Ascension fulgurante

Issu du club Montréal–Saint-Michel et développé ensuite au Centre régional courte piste de Laval, Dandjinou a gravi les échelons rapidement.

Il n’a passé qu’une seule saison au centre régional d’entraînement de Patinage de vitesse Canada, se taillant une place pour les Mondiaux juniors de Montréal, l’an dernier. À sa première expérience, il a terminé 17e au 500 m et 20e au 1500 m.

Quelques mois plus tard, il a bondi dans l’équipe canadienne, surpassant des collègues plus âgés. Sa septième place aux Championnats nationaux, en septembre, lui a donné accès à ses premières Coupes du monde.

À 1,91 m (6 pi 3 po), Dandjinou a plutôt la taille d’un patineur longue piste. Il n’y voit pas un handicap.

« Mon gros avantage – et ça, j’ai appris à le faire très jeune –, c’est que je patine bas pour ma taille. Être grand, c’est seulement un désavantage si tu n’utilises pas la longueur de tes jambes. Mais vu que je suis quand même assez bas – des fois plus bas que des gens qui sont vraiment plus petits que moi –, ça me permet d’ajouter une grande amplitude de mouvement. »

Trois ou quatre athlètes de gabarit similaire s’illustrent en Coupe du monde, note Sébastien Cros : « Bien qu’il soit grand, il est quand même très agile. Il n’est pas non plus très lourd [77 kg]. Pour nous, c’est surtout ça qui est important. Quand tu es trop lourd, selon les glaces, tu peux avoir des difficultés. »

Polyvalent, fin tacticien, Dandjinou se distingue également par ses qualités mentales, ajoute le coach.

« Je trouve qu’il est bon dans ses analyses de course, même dans sa réflexion, au sens plus large, sur l’entraînement. Il progresse et il comprend petit à petit ce que c’est que de devenir un athlète de haut niveau. Avec les enjeux que ça comprend, la préparation, le fait que ce ne soit pas que sur la glace. C’est avant, après, se fixer des objectifs autres que les résultats. »

Justement, pour les Quatre Continents, la recrue a surtout des ambitions sur les plans technique et tactique. Son expérience de Coupe du monde l’aidera, anticipe l’athlète de Verdun.

« Je ne suis pas particulièrement stressé, j’aborde ça de façon assez sereine », assure Dandjinou, dont le père est originaire de la Côte d’Ivoire.

Je devrai me battre dès les premières courses, mais je suis prêt à ça. On a travaillé là-dessus à l’entraînement. Je n’ai pas froid aux yeux par rapport à ça.

William Dandjinou

Dans trois semaines, il visera « au moins » un podium aux Mondiaux juniors de Bormio. « C’est ambitieux comme objectif parce que le niveau est toujours relevé. »

Dandjinou, qui sera encore junior l’an prochain, voue le plus grand respect à ses adversaires, y compris ses compatriotes Nicolas Perreault, Matej Pederson et Philippe Deaudelin, avec qui il s’attend à de « grandes choses » au relais.

Du sang neuf dont l’équipe masculine aura bien besoin.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Charles Hamelin

Le retour de Hamelin

À sa 17e saison sur la scène internationale, Charles Hamelin peut conquérir un nouveau titre, celui de champion continental. Le vétéran y pense, même s’il abordera cette compétition en plein cœur d’une phase d’entraînement intensif, comme le reste de ses coéquipiers.

« C’est sûr que les gars ne vont pas être vraiment en shape », a prévenu l’entraîneur Sébastien Cros.

Après avoir fait l’impasse sur les Coupes du monde asiatiques, Hamelin veut redémarrer la machine en vue des deux prochaines étapes européennes et des Mondiaux, en mars.

« Mon but, c’est de faire des finales et de ramasser le plus de points possible pour le classement cumulatif », a résumé le quintuple médaillé olympique, dont la préparation estivale a été retardée par une blessure à une cheville.

« Je pense que je serai capable de me rendre jusqu’en finale. À partir de là, ce sera à moi de me battre pour faire de bonnes courses et monter sur le podium. Je ne m’en cacherai pas : ce sera difficile. On arrive de deux grosses semaines d’entraînement, ce sera un plus grand défi. Mais je n’ai pas peur des défis. Je ne suis pas un gars qui baisse les bras même si ça a été difficile à l’entraînement. »