Le champion russo-québécois Artur Beterbiev sera la tête d’affiche d’un grand gala le 19 août à Québec. Battre Callum Smith n’est pas son unique défi : les organisateurs espèrent que la soirée permettra de « relancer la boxe au Québec ».

(Québec) « On juge la qualité d’une conférence de presse à la qualité du café », a lancé à la blague le chroniqueur Réjean Tremblay en se servant une tasse, jeudi matin au Centre Vidéotron.

Le café était bon. La conférence de presse aussi.

Une semaine après la victoire des Remparts devant 18 000 spectateurs, la glace avait disparu dans l’amphithéâtre. Au milieu de l’aréna trônait une immense banderole avec le buste d’Artur Beterbiev (19-0, 19 K.-O.), ce Russe qui s’entraîne au Québec et qui est considéré comme l’un des meilleurs boxeurs livre pour livre au monde.

C’est ici le 19 août prochain que ce triple champion du monde des mi-lourds va mettre ses ceintures WBC, WBO et IBF en jeu contre le Britannique Callum Smith (29-1, 21 K.-O.), son aspirant obligatoire. Smith a subi son unique défaite, par décision, aux mains de Canelo Álvarez.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Artur Beterbiev se battra pour la première fois depuis sa victoire par K.-O. contre Anthony Yarde en janvier dernier.

Les organisateurs de la soirée misent sur une sous-carte bien fournie pour attirer les foules et redonner un peu d’air à un sport qui semble manquer de souffle dernièrement au Québec.

« Pour ceux qui doutent que la boxe québécoise est en santé, ceux qui doutent qu’on peut faire ce type d’évènement chez nous… on est la preuve qu’on est capables », s’est réjoui le président d’Eye of the Tiger Management (EOTM), l’infatigable Camille Estephan.

C’est la vraie relance de la boxe québécoise !

Camille Estephan, président d’Eye of the Tiger Management

Relancer la boxe québécoise représente toute une mission. Mais déjà Estephan a remporté son pari en attirant cet important combat au Québec.

« N’importe quelle ville comme Las Vegas ou New York aurait aimé avoir cet évènement », s’est réjoui Martin Tremblay, chef de l’exploitation du Groupe Sports et divertissement de Québecor.

Le promoteur de Beterbiev, l’américain Top Rank, a remporté l’encan pour présenter le combat devant le promoteur de l’aspirant, Matchroom. Ce dernier aurait voulu présenter la soirée en Angleterre.

Estephan a donc réussi à convaincre Top Rank de miser sur Québec pour ce gala qui sera diffusé par ESPN. « Je pense que la profondeur de notre écurie a été l’élément majeur. Ils savent que la sous-carte sera de qualité », explique Estephan.

Objectif 5000 spectateurs

Le pari d’Estephan est simple : susciter l’engouement du public, attirer les amateurs et mettre en valeur plusieurs boxeurs québécois comme Christian Mbilli (24-0, 20 K.-O.) ou Simon Kean (23-1, 22 K.-O.), qui tous deux se battront le 19 août.

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Les boxeurs Mehmet Nadir Unal, Leila Beaudoin, Christian Mbilli, Wilkens Mathieu, Clovis Drolet et Simon Kean

Mais Estephan ne se berce pas d’illusions. Il vise 5000 spectateurs. « On pourrait annoncer qu’on est complet si on atteint ce chiffre », dit-il.

Rappelons que Jean Pascal et Bernard Hopkins avaient attiré plus de 16 000 amateurs au vieux Colisée en décembre 2010. Ils étaient 9500 à s’être déplacés au Centre Vidéotron pour voir Lucian Bute contre James DeGale en novembre 2015, et 7800 en février 2017 pour Lucian Bute contre Eleider Álvarez.

Cet objectif somme toute modeste pour un combat qui s’annonce excellent en dit long sur quoi exactement ? Sur l’état de la boxe au Québec ? Ou sur la popularité ici d’un boxeur qui, à 38 ans, n’a jamais réussi à atteindre le statut de Pascal ou de Bute ?

Il faut dire que la qualité du français de Beterbiev est inversement proportionnelle à son talent de boxeur. Et tout le monde s’entend pour dire que Beterbiev est un boxeur extrêmement talentueux.

« C’est de loin le plus grand boxeur qu’on a eu ici », lance l’ancien pugiliste et directeur général d’EOTM, Antonin Décarie. « C’est un champion du monde unifié, avec une fiche parfaite et une série de knock-out. La planète boxe a peur de lui. »

Selon lui, Beterbiev vieillit, il commence à montrer des failles. Le combat du 19 août ne devrait pas se régler en un ou deux rounds. « Ça va être un combat difficile, il devra puiser dans ses réserves. »

Les organisateurs annoncent aussi des boxeurs de la capitale : Clovis Drolet (13-1, 9 K.-O.), Leila Beaudoin (9-1, 1 K.-O.) et Wilkens Mathieu (2-0, 1 K.-O.).

« Les gens qui ont toujours des excuses pour ne pas venir aux combats, là vous n’avez pas d’excuse », a lancé Wilkens Mathieu. « C’est un des meilleurs galas qu’on a eus au Québec. C’est le gala qui va faire revivre la boxe au Québec. »

Vaste programme, serait tenté de répondre Charles de Gaulle. À écouter les promoteurs et les boxeurs jeudi au Centre Vidéotron, on aurait presque pensé que c’est la boxe québécoise elle-même qui allait défendre son titre sur le ring.

N’empêche, ceux qui ont prédit au fil du temps la mort du pugilat au Québec ont tous eu tort. Il n’est pas impossible que les oiseaux de malheur aient tort encore une fois.