À une certaine époque, un entraîneur québécois a prévenu Yvon Michel : « Jean Pascal, c’est comme du fast-food. Ça va aller très vite, puis il va disparaître parce qu’il ne se sert que de sa vitesse et son instinct. »

À 40 ans, le boxeur originaire de Laval est pourtant toujours actif, contre vents et marées. Jeudi soir prochain, à Laval, il disputera son 44e combat professionnel. Une victoire contre l’Allemand Michael Eifert le propulserait aspirant obligatoire à la ceinture de champion du monde des mi-lourds de l’IBF, actuellement détenue par le Montréalais Artur Beterbiev.

« Ça fait 18 ans et il est encore là dans un combat qui joue un rôle important dans la division des mi-lourds », s’étonnait Yvon Michel, vendredi midi, en attendant l’arrivée du pugiliste pour un entraînement public.

À l’inverse de son rendez-vous téléphonique de lundi avec La Presse, Pascal n’a presque pas eu de retard, un miracle compte tenu de travaux majeurs sur le boulevard Saint-Laurent, à Montréal, juste en face du gym où s’est tenue la séance.

Transportant dans ses valises les trois ceintures de champion mondial qu’il a remportées au cours de sa carrière, il a pénétré dans le café gym avec sa superbe habituelle.

« Mon camp d’entraînement s’est beaucoup mieux déroulé, beaucoup mieux que la première fois », s’est réjoui Pascal, rentré mardi de Miami, où il s’est préparé ces derniers mois sous la supervision d’Orlando Cuellar.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jean Pascal à l'entraînement, vendredi, en vue de son combat du 16 mars contre Michael Eifert

La première fois, j’avais été inactif pendant 33 mois. Les réflexes et la coordination n’étaient pas là. Cette fois-ci, j’ai repris où j’avais laissé avec mon entraîneur. J’ai retrouvé tout de suite ma vitesse. C’était beaucoup plus fluide que lors de mon dernier camp.

Jean Pascal

Yvon Michel est passé faire un tour en Floride le mois dernier pour renouer avec le boxeur, absent de la scène québécoise depuis 2018. Un promoteur est là pour promouvoir le profil de sa vedette, mais le président de Groupe Gym s’est dit « impressionné » par la prestance de l’ex-champion IBF et WBA des mi-lourds.

« Il a réellement changé. Avant, il ne se battait que d’instinct pur, sans réfléchir. D’ailleurs, il finissait souvent ses combats affaibli parce qu’il ne calculait rien. Là, sa technique est meilleure, il est rationnel sur le ring et il réfléchit. Même en combat simulé [jeudi], plus ça avançait, plus il comprenait ce que l’autre faisait et plus il s’adaptait. »

Michel n’a pas reconnu le Jean Pascal qui perdait aux points sur la carte de deux juges avant de passer le K.-O. à l’ex-bagarreur au hockey Steve Bossé, sa dernière sortie au Québec, en 2018.

Un an plus tard, Pascal redevenait champion, mais en se faisant régulièrement toucher par Marcus Browne, arrêté par une coupure à l’œil sur un coup de tête accidentel. « Il perdait tous les rounds où il n’envoyait pas Browne au plancher, a rappelé Michel. Je me disais : c’est juste parce qu’il frappe d’aplomb. »

Quelques mois plus tard, le Québécois a défendu le titre mondial de la WBA contre le Suédois Badou Jack, qui sortait d’une défaite contre Browne.

C’est vraiment contre Fanlong Meng, son duel de retour en 2022 après son test antidopage positif, qu’Yvon Michel a réalisé que Jean Pascal s’était métamorphosé.

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Jean Pascal et Yvon Michel

Ça a piqué ma curiosité. Là, je le vois, je lui parle de boxe et d’entraînement, ce que je n’avais pas fait depuis longtemps avec lui. Je constate comment il s’est transformé, comment il a vieilli, comment il comprend qui il est. C’est important quand tu as 40 ans.

Yvon Michel

S’il doit dorénavant s’offrir quelques heures de repos supplémentaires entre deux entraînements, Jean Pascal (36-6-1, 20 K.-O.) estime que son expérience lui facilite la tâche.

« Je connais mieux mon métier, beaucoup mieux mon corps aussi. Tout est beaucoup plus facile. […] Malgré mes 40 ans, je deviens un boxeur beaucoup plus complet, mais aussi beaucoup plus dangereux. »

L’athlète olympique de 2004 a cité l’exemple de Roy Jones fils qui se fiait « beaucoup à ses instincts et à sa vitesse », d’où son ralentissement soudain.

« J’ai appris de ça. À mon âge, je ne peux plus me fier à mon instinct et à ma vitesse. Je dois m’adapter. Je suis devenu un boxeur beaucoup plus cérébral qu’instinctif. »

En Eifert (11-1, 4 K.-O.), 24 ans, Pascal s’attend à découvrir un « boxeur fringant, sûr de ses moyens qui vient ici pour gagner, épater la galerie et essayer de voler ma place comme aspirant obligatoire au titre IBF ».

« Je suis prêt. Comme je dis souvent à Yvon : been there, done that, ce n’est pas mon premier rodéo. »

Ni la première fois qu’il tentera de déjouer les pronostics.

Toujours en attente de son permis

Absent de la scène québécoise depuis 2018, Jean Pascal doit montrer patte blanche à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), qui l’a convoqué lundi matin pour une audience virtuelle. Le boxeur s’attend à obtenir alors son permis.

« Quand on parle de Jean Pascal, on aime toujours la controverse, essayer de mettre du piquant pour pimenter les choses », a-t-il réagi à une question de Jean-François Chabot, de Radio-Canada.

« Je suis conforme selon les règles. J’ai reçu tous mes tests de santé. Mon bilan est numéro un. Je n’aurai aucun problème à avoir mon permis et je devrais l’avoir probablement lundi prochain. »

À quoi attribue-t-il cette assignation ? « Dans la vie, il faut justifier son salaire… »

Le promoteur Yvon Michel a été rassuré par une discussion préalable avec une avocate de la RACJ : « Jean doit confirmer qu’il va bien se comporter, respecter la réglementation et s’assurer de donner un bon renom » aux sports de combat.

L’arrestation de Jean Pascal pour refus de souffler dans un éthylomètre, le 25 novembre, est l’un des motifs de la convocation de la RACJ. Son test antidopage positif de 2021 est également cité dans l’historique.