Le Centre Bell a vibré cette fin de semaine, et pour une rare fois, la personne à l’origine de la folie n’était pas un joueur de hockey, ni Jon Bon Jovi.

C’était plutôt Sami Zayn. Vendredi, à Smackdown ! (un spectacle hebdomadaire de la WWE, présenté à Montréal cette semaine), le lutteur lavallois a eu droit à une ovation de plus de cinq minutes.

L’animateur de La Lutte WWE Raw à TVA Sports, Pat Laprade, estime qu’il s’agit de la plus longue ovation de l’histoire du Centre Bell, devant celle réservée à Saku Koivu en 2002.

Samedi, Zayn luttait en finale du spectacle Elimination Chamber contre le champion, Roman Reigns. Un combat unanimement salué, livré devant 17 271 spectateurs qui ont rugi du début à la fin.

En fait, les deux lutteurs ont passé les premières minutes du combat chacun dans leur coin, enterrés par les « Sami, Sami », les « F*** you Roman » et même un « Va ch*** Roman », en français. Les spectateurs ont dicté le rythme. Le moindre coup de poing générait une réaction dans les gradins. La lutte est certes une série de scénarios prédéterminés, mais les meilleurs lutteurs sont ceux qui arrivent à faire oublier aux spectateurs qu’il s’agit d’un spectacle.

« Quand la foule est la vedette d’un évènement, c’est signe qu’on tient quelque chose de spécial. Même en arrière-scène, c’était assourdissant », a commenté Paul « Triple H » Levesque, ancien lutteur devenu directeur de l’équipe créative de la WWE.

Plus tard dans son point de presse, Levesque a livré un vibrant hommage à Zayn.

Il me rappelle Mick Foley, dans sa façon de cliquer avec une foule. Là, il te fait rire. Une minute plus tard, tu as de la sympathie pour lui. C’est dur à exprimer en mots, mais c’est un performeur incroyable.

Paul Levesque

Ce Levesque est influent. « C’est le grand décideur de tous les scénarios de la WWE, explique Laprade. Lorsqu’une personne aussi influente compare Zayn à Mick Foley, c’est tout un compliment et ça augure bien pour l’avenir de Zayn dans la compagnie. »

Foley, qui s’est surtout fait connaître avec ses personnages de Mankind, Cactus Jack et Dude Love, était une des plus grandes vedettes de la fin des années 1990. Comme Zayn, il n’avait pas le look typique d’un champion, avec sa barbe hirsute, son oreille mutilée et sa musculature bien cachée.

Sans ressembler à Foley, Zayn détonne avec son physique comparable à celui de Phillip Danault. Le contraste était frappant à côté de Reigns, un ancien joueur de ligne défensive chez les Eskimos d’Edmonton, couvert de tatouages, bâti comme un dieu grec.

« On a souvent comparé Kevin Owens à Mick Foley, mais c’est la première fois que Zayn est comparé à Foley. Même s’ils n’ont pas le même physique, la comparaison est très bonne, estime Laprade. Zayn n’a pas le physique de ce à quoi la WWE nous a habitués, surtout pour des lutteurs qui font des finales. Ce qui unit les trois, c’est le look atypique, mais aussi une passion pour la lutte. »

Pas de conte de fées

La WWE tient maintenant des points de presse après ses plus importants spectacles, comme celui de samedi.

L’exercice est particulier. Les lutteurs y arrivent sous leur musique d’entrée, et certains « journalistes » applaudissent. Quelques lutteurs demeurent entièrement dans leur rôle. Austin Theory, par exemple, a nargué tous ses interlocuteurs. « Tu as quoi, 10 questions en une ? Tu te sens si spéciale ? », a-t-il lancé à la première qui s’est aventurée au micro.

Échange surréel au suivant. Theory a conclu sa réponse en intimant son interlocuteur de « poser une meilleure question la prochaine fois ».

— Je m’excuse, a répondu celui qui posait ladite question.

— La ferme.

Zayn a toutefois tenté d’en dire le plus possible sans reconnaître ouvertement que l’issue des combats est scénarisée. À la frontière entre Sami Zayn, le lutteur, qui venait de perdre un combat de championnat, et Rami Sabei, la personne, qui venait de vivre un moment d’anthologie devant les siens, devant sa femme en première rangée, Pierre Houde aussi, la famille de son vieil ami Kevin Owens juste derrière.

Encore là, sachant que le but de tout lutteur est de devenir champion, en raison de la reconnaissance qui vient avec un titre, la frontière entre le vrai et l’« arrangé » est floue.

« J’aurais voulu que ça se finisse en conte de fées, pour moi, pour les fans de Montréal, a dit Zayn. Je sais ce que c’est, vous savez ce que c’est, mais il y a une partie de tout ça qui est vraie. Je regardais les spectateurs après le combat, ils avaient tous un air de déception.

« C’est comme si Georges St-Pierre revenait à Montréal et qu’il perdait. Ça finit mal, même si le combat est excellent. Et notre combat était excellent. De façon rationnelle, j’en suis très conscient. Mais en ce moment, je ressens cette déception. Peut-être que demain, je dirai : “Mon dieu, à quoi je pensais, c’était formidable.” Les gens étaient debout pendant cinq minutes, et on ne se touchait même pas ! »