Si vous avez regardé le match du Canadien sur les ondes de RDS mardi dernier, vous l’avez entendu au côté de Pierre Houde. Si vous assistiez au match au Centre Bell, vous l’avez vu tirer des rondelles sur des cibles pendant un entracte.

Si vous êtes sur Twitter, vous avez sans doute ri de sa photo virale avec Youppi!.

Et si vous êtes amateur de lutte, vous l’avez vu le mois dernier, avec son compatriote Kevin Owens, au milieu de l’arène quand le rideau tombait sur le Royal Rumble, un des évènements phares de la WWE.

C’est un Québécois qui est l’athlète de l’heure dans l’univers disjoncté de la lutte professionnelle. Ce lutteur, c’est Sami Zayn, le Lavallois qui est le centre de l’attention de l’une des plus grandes fins de semaine de lutte en ville de l’histoire récente.

La WWE présente deux spectacles en deux soirs, les deux au Centre Bell. Ça commence par Smackdown!, son émission hebdomadaire du vendredi, et ça se poursuit samedi avec l’Elimination Chamber, un de ces spectacles d’importance relevée pendant l’année. L’équivalent, au tennis, des tournois Masters 1000.

On rencontre Zayn vendredi matin dans un hôtel du centre-ville, à l’occasion d’une activité médiatique organisée par la WWE. Même s’il n’arrive pas avec une ceinture sur l’épaule, c’est lui que les caméras suivent lorsqu’il retontit dans la salle de réception.

« J’étais en ville la semaine dernière, puis j’ai dû partir en Caroline du Sud et à Brooklyn pour des évènements. Je suis revenu mardi », détaille Zayn, Rami Sebei de son vrai nom.

Il est en pleine tournée promotionnelle depuis. Grand amateur de hockey, il est encore en extase après sa soirée magique au match du Canadien. « Je ne vais jamais oublier l’expérience d’aller sur la glace et de faire des commentaires avec Pierre Houde. Ça fait 20 ans que je l’écoute à RDS, c’était un honneur ! »

Le lutteur de l’heure

Aux yeux du grand public québécois, Kevin Owens demeure le visage de la lutte de la génération actuelle. C’est lui qui a été champion du monde, c’est lui qui a été invité à Tout le monde en parle et à une flopée d’émissions de variétés.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Sami Zayn lors d’un gala WWE au Centre Videotron en août dernier

Mais il est impossible d’ignorer l’ascension de Zayn depuis quelques années. Les réactions de la foule ne mentent pas. L’Undertaker, qui a été un des visages de la WWE des 30 dernières années, a souligné le travail de Zayn sur différentes plateformes dernièrement.

« Son personnage est devenu un incontournable. Quand des gars comme l’Undertaker en parlent, c’est parce qu’il a le respect de tout le monde dans la business », affirme Pat Laprade, animateur de la Lutte WWE Raw à TVA Sports.

Zayn sera donc en finale du spectacle de samedi, dans un combat de championnat, contre Roman Reigns, détenteur du titre Universel depuis 900 jours. Une finale qui s’inscrit dans son ascension spectaculaire. L’an dernier, quand l’acteur Johnny Knoxville s’est aventuré à la WWE le temps d’un combat, c’est Zayn que l’on a chargé de lutter avec lui, devant quelque 80 000 spectateurs, à WrestleMania 38.

Depuis ce temps, Zayn a été incorporé à un scénario abracadabrant avec la Bloodline, un groupe de lutteurs véritablement membres de la famille de Roman Reigns, et dont Zayn est devenu un membre « honoraire ». Cette histoire s’est terminée par un coup de chaise dans le dos, cause numéro 1 des conflits à la lutte.

Depuis que la pandémie a commencé, c’est la meilleure période de ma carrière. Parce que j’ai fait des choses dont je suis vraiment fier. J’ai eu le championnat Intercontinental. Quand j’ai perdu la ceinture, mon personnage est devenu complotiste, et c’était le fun. Les gens savent que je suis un bon lutteur, mais ils ont vu ma personnalité, ils ont vu que je peux raconter une histoire. C’est là que je suis devenu une plus grosse vedette.

Sami Zayn

Sa transformation est d’autant plus impressionnante que, rappelons-le, il a atteint la WWE en luttant sous un masque, dans le rôle d’El Generico, un personnage qui ne s’exprimait jamais au micro puisqu’il parlait seulement espagnol.

« Avant, c’était : “Il est bon, mais.” Maintenant, il n’y a plus de “mais”, analyse Pat Laprade. Il a démontré qu’il est capable de lutter, de jouer la comédie, de mener une histoire du point A au point B juste avec un micro. Ses talents d’acteur sont connus du public, et c’est ça, la lutte. C’est un mélange d’athlétisme, de développer un personnage, de parler au micro en entrevue. »

Boucler la boucle

Les évènements de l’envergure de celui de samedi sont rarement présentés à Montréal. Il s’agira seulement du quatrième de l’histoire de la WWE.

Le premier de ces évènements avait été le Survivor Series de 1997, qui a marqué les esprits. Un jeune Sami Zayn de 13 ans y était, dans un jeune Centre Molson (aujourd’hui Bell), qui avait alors un an.

« Ça boucle la boucle. Le premier évènement de la WWE que j’ai vu, c’était au Centre Bell, c’était Bret Hart contre Shawn Michaels. Je me rappelle le buzz en ville, à l’école. Les gens avaient tellement hâte. Le fait que j’aie un combat de championnat au Centre Bell, c’est spécial. Mais ce n’est pas juste le combat. C’est le buzz, l’atmosphère d’un gros combat, qui rend cette semaine spéciale. »

Il y a 25 ans, l’histoire s’écrivait

Le premier évènement majeur de la WWE à Montréal fait encore jaser, 25 ans plus tard. C’était la Survivor Series 1997, dont la finale opposait deux lutteurs qui bâtissaient alors leur légende, Bret Hart et Shawn Michaels. « Bret était Canadien, donc il avait une certaine faveur du public, beaucoup moins importante que ce qu’il pensait avoir parce que ça reste un anglophone de Calgary, donc ça n’a pas la même connotation pour nous », souligne Pat Laprade. C’est surtout la fin de ce combat qui demeure irréelle. Le scénario prévoyait que Hart, le champion, conserve sa ceinture, mais dans un dénouement qui n’était pas scénarisé, l’arbitre avait profité d’un moment où Hart était en position vulnérable pour décréter la fin du combat et donner le titre à Michaels. Une fois la diffusion terminée, Hart, voyant qu’il s’était fait carrément voler le titre, avait alors brisé les moniteurs aux abords du ring, avant d’asséner à Vince McMahon – propriétaire de la WWE – un coup de poing en plein visage, en coulisses. Cet évènement est connu comme le « Montreal screwjob », l’arnaque de Montréal, si vous préférez. Hart prévoyait déjà quitter la WWE, mais en agissant ainsi, McMahon souhaitait accélérer le départ de son lutteur.

Zayn et l’Arabie saoudite

Le mois dernier, le bruit s’est mis à courir que la WWE était vendue à des intérêts de l’Arabie saoudite. Dès lors, l’avenir de Sami Zayn a fait l’objet de théories de toutes sortes. C’est que Zayn est d’origine syrienne et il n’a pas participé aux évènements que la WWE a tenus en Arabie saoudite ces dernières années, ce que plusieurs perçoivent comme un boycottage de sa part. Zayn avait toutefois participé à une tournée dans ce pays en 2014. Les rumeurs de vente se sont faites moins insistantes depuis. En toute fin d’entrevue, Zayn a tenté de calmer le jeu quant à savoir si une telle transaction, si elle se confirme, signifierait son départ de la WWE. « L’internet, c’est drôle. Ça part d’une présomption, et les histoires grossissent. Beaucoup de gens ont paniqué, et j’apprécie le fait qu’ils s’inquiètent pour moi. Mais peu importe ce qui arrive, tout va aller. »