Presque entièrement remis d’une infection à la COVID-19, Jean Pascal recommence l’entraînement complet cette semaine en Floride en vue de son duel contre l’Allemand Michael Eifert, reporté au 16 mars à la Place Bell de Laval.

Assurant ne pas prendre son jeune rival allemand à la légère, le boxeur québécois veut s’offrir une prestation « percutante » pour son retour à la maison après une absence de cinq ans.

L’enjeu est majeur, quoiqu’encore hypothétique : le vainqueur deviendra aspirant obligatoire à la ceinture de champion mondial des mi-lourds défendue avec succès par le Montréalais Artur Beterbiev samedi à Londres.

« Gagner ne sera pas suffisant pour nous », a prévenu Pascal, en camisole jaune, du gym où il s’entraîne à Miami, lundi matin. « Il faut impressionner la galerie pour que les gens sachent que oui, j’ai 40 ans, mais je suis encore très dangereux et je peux donner tout un défi au champion obligatoire. »

Se disant « pas encore à 110 %, mais à 100 % » après avoir été « terrassé » deux semaines par la COVID-19 en début d’année, Pascal (36-6-1, 20 K.-O.) assure que sa vaste expérience le prémunit contre la tentation de regarder un peu trop loin et de prendre Eifert (11-1, 4 K.-O.) à la légère.

« J’ai déjà été à sa place, je sais comment il peut se sentir. Je sais qu’il va s’entraîner avec la hargne, avec la faim. Je sais qu’il sera fin prêt pour moi le 16 mars. »

Pour ma part, been there, done that. C’est ce que je sais faire le mieux : surprendre les gens encore une fois.

Jean Pascal

Le promoteur américain Lou DiBella, qui coorganise l’évènement avec le Groupe GYM, a affirmé qu’Eifert avait été « gonflé à bloc » en apprenant que son rival était tombé malade et qu’il avait dû interrompre l’entraînement pour le gala initialement prévu le 9 février.

« Ça a donné de la confiance à ce jeune », a prétendu DiBella, pour qui la prestation de Beterbiev aura le même effet.

« J’en ai parlé avec Benny Blanko [le promoteur d’Eifert]. On dirait que l’âge rattrape un peu Beterbiev. Il n’avait pas l’air aussi invincible qu’il a déjà paru. Cela arrive aux combattants plus âgés. Et si vous êtes un jeune Michael Eifert et que vous regardez ça, le gars qui est maintenant le roi de la division être rattrapé par l’âge et que vous êtes sur le point de vous battre contre un homme de 40 ans, ça peut vous donner un peu de confiance. »

Aux yeux du vétéran promoteur new-yorkais, même à 40 ans, Jean Pascal lui semble « un peu plus frais qu’Artur a paru durant ce combat… »

Relancé à ce sujet, Pascal a joué de prudence sans pour autant perdre de sa superbe.

« À 38 ans, j’étais beaucoup plus vigoureux qu’Artur. Il a quand même fait un très, très bon combat. Même à 40 ans, à mon dernier combat [contre Fanlung Meng], j’avais beaucoup plus d’énergie que lors de mes combats précédents. »

Alors oui, j’ai 40 ans, mais je suis un jeune 40 ans. J’ai un bon ADN et j’en remercie le Seigneur. C’est justement important pour moi de bien me conserver jusqu’à la fin de ma carrière pour pouvoir encore défier les pronostics.

Jean Pascal

Beterbiev lui a-t-il semblé avoir ralenti ? « Ce n’est pas qu’il a ralenti. Je crois seulement que la qualité de l’adversaire était supérieure. C’est sûr que tout le monde peut ressembler à Mike Tyson ou à Roy Jones Jr. quand on a des adversaires de qualité. Plus les adversaires sont difficiles, plus on va ressembler à un adversaire un peu normal. »

PHOTO ANDREW COULDRIDGE, ARCHIVES REUTERS

Artur Beterbiev

« Mais d’après moi, Beterbiev n’a rien de normal. Il a une très bonne force de frappe, mais vous avez vu son visage comme moi. Il était pas mal tuméfié lors des huit rondes. Avec ma vitesse, ma force, mon intelligence et surtout mon expérience, je pourrais surprendre les gens. »

Orlando Cuellar, l’entraîneur de Jean Pascal, pense également que son protégé, classé au sixième rang par le site de référence BoxRec, est « une force qu’il ne faut pas sous-estimer ».

« Je partage les observations de Lou : ce sera toute une bagarre, tout un show, mais Beterbiev ne s’est mesuré à personne comme Jean Pascal. Il a beaucoup de puissance et il est encore affamé. »

Marc Ramsay, l’entraîneur de Beterbiev, n’a pas bronché quand il a entendu cette analyse. « Certains combats se déroulent d’une manière où tu parais bien et d’autres un peu moins bien », a-t-il exposé, lundi, en marge de la conférence de presse du gala mettant en vedette son poulain Erik Bazinian jeudi soir au Casino de Montréal.

« Ce n’était pas un combat parfait, mais du point de vue du ralentissement, ce n’est pas quelque chose qu’on a vu au gymnase. Je pourrais vous donner une liste de noms de partenaires d’entraînement à questionner et ils pourraient en témoigner. »

Le « seul intérêt » du clan Beterbiev à l’heure actuelle est un combat d’unification contre Dmitrii Bivol, détenteur de la ceinture de la WBA.

« Ce n’est pas à cause de Bivol, c’est le fait qu’il a une ceinture, a précisé Ramsay. Ce n’est rien de personnel. On veut la quatrième ceinture et c’est ce qui nous manque. »

Selon les échos entendus par l’entraîneur à Londres, le WBC voudrait opposer l’aspirant obligatoire britannique Callum Smith à Beterbiev, une option à laquelle s’opposera l’équipe du Québécois. Théoriquement, l’aspirant obligatoire de l’IBF (Pascal ou Eifert) devrait être le prochain sur la liste, à moins qu’un combat d’unification n’intervienne entretemps, a précisé DiBella.

Ramsay ne tient rien pour acquis, se désolant que « les associations [fassent] à peu près ce qu’elles veulent ».

DiBella a affirmé qu’un choc Beterbiev contre le gagnant du face-à-face Pascal-Eifert aura lieu cette année.

Honnêtement, pour nous, c’est [Dmitrii] Bivol. Ce n’est pas pour manquer de respect ni à Jean [Pascal], ni à Callum Smith, ni à personne. C’est juste que notre intérêt à nous, comme équipe, c’est d’attaquer la ceinture de Bivol.

Marc Ramsay

Il faudra voir si Top Rank (Beterbiev) et Matchroom (Bivol), les deux géants mondiaux de la promotion pugilistique, trouveront un terrain d’entente.

D’ici là, Jean Pascal et son entraîneur ont réitéré qu’ils se concentraient sur Eifert, un athlète de 25 ans qui n’est pratiquement jamais sorti de son Allemagne natale depuis ses débuts professionnels en 2018.

Yvon Michel a émis le souhait de ramener Pascal au Québec pour le « reste de sa carrière ». « Si on peut créer une mobilisation autour de Jean comme il le mérite… Il mérite d’avoir le soutien [du public] et de terminer sa carrière ici comme champion du monde. »