Si vous faites un tour à L’Île-des-Sœurs, il se peut que vous entendiez parler de Jaime Gonzalez, un nouvel arrivant d’origine chilienne qui enseigne le jiu-jitsu brésilien, art martial dérivé du judo et du jiu-jitsu. Après des années à transmettre son savoir dans les gymnases, les parcs et un local de la Maison d’accueil des nouveaux arrivants, il vient de récolter 30 000 $ en sociofinancement pour ouvrir son propre dojo.

Son objectif est de créer un espace d’au moins 1000 pieds carrés qui lui permettra de déployer son enseignement, d’ajouter des équipements de musculation, des machines cardiovasculaires, une cafétéria et une salle d’attente pour les parents.

Son projet semble avoir conquis les cœurs des résidants insulaires, puisque les donateurs lui ont offert plus de 15 000 $, qui seront doublés par la plateforme de sociofinancement La Ruche. « Il y aura bientôt plus d’options pour faire du sport sur l’île », explique fièrement Jaime Gonzalez en entrevue.

Quand ma famille et moi sommes arrivés ici, je cherchais des endroits pour faire bouger mes filles, mais j’en trouvais peu. Pour les gens sans voiture, c’est difficile d’aller de l’autre côté pour s’entraîner et faire du sport.

Jaime Gonzalez

Devant ce constat, sa femme Cynthia l’a encouragé à lancer des cours de jiu-jitsu brésilien. Basée sur un système d’autodéfense, la discipline est pratiquée à l’aide de techniques physiques et psychologiques qui servent, entre autres, à renforcer la confiance en soi.

« C’est une version plus douce du judo avec des règles différentes, précise M. Gonzalez. Même si c’est un sport de combat, on n’a pas besoin d’être grand et fort pour le pratiquer. Le but, ce n’est pas de faire mal à son adversaire. Si je fais mal à mon ami, avec qui je vais pouvoir me tenir après ? »

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Les cours de Jaime Gonzalez s’adressent aussi bien aux jeunes enfants qu’aux adultes.

Cet esprit bienveillant teinte les propos du spécialiste qui invite tout le monde à tenter l’expérience. « On peut commencer à suivre des cours très jeune, dès 4 ou 5 ans, et continuer jusqu’à 99 ans. Ce n’est pas dangereux de se casser quelque chose. Quand tu t’entraînes, tu dois faire attention à l’autre. »

Il a lui-même fait ses débuts à 28 ans, quand un ami lui a proposé d’essayer un sport différent. « Je n’avais aucune idée de ce que c’était, mais j’ai adoré dès le départ. En jiu-jitsu brésilien, tu peux utiliser tout ton corps et tout ce que tu es. Quand je m’entraîne, j’oublie mon stress et les problèmes de la vie. Depuis que j’ai commencé, en 2009, je n’ai pas arrêté », se remémore Jaime Gonzalez.

Il précise avoir eu besoin d’environ trois mois pour devenir bon. « Au début, c’est un peu difficile, car il y a beaucoup de techniques à apprendre et d’options à considérer selon la position du corps. Ça demande aussi beaucoup de cardio, mais on s’habitue. On n’a pas besoin de muscles pour en faire. L’idée est d’utiliser la force des autres. »

Avec les années, son expertise s’est affûtée, pendant que son désir de quitter son pays d’origine s’est précisé. « Les gens hors du Chili peuvent croire que mon pays offre une belle qualité de vie, mais c’est faux. Je n’ai pas vécu beaucoup de bons moments là-bas. Je manquais d’argent. Quand j’avais un travail, je devais y consacrer énormément de temps pour un petit salaire. »

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Jaime Gonzalez

Sa femme et lui ont décidé de s’établir au Québec, avec leurs trois filles âgées respectivement de 12, 6 et 4 ans. « Mon aînée parle maintenant en français, en plus de l’espagnol. Et elle commence à étudier l’anglais. La qualité de vie ici est bien meilleure qu’au Chili », affirme M. Gonzalez.

Cela dit, sa femme et lui se sentent souvent loin de leurs familles. « Nous sommes tout seuls et nous n’avons pas beaucoup d’aide, souligne-t-il avec regret. Avant, je pouvais laisser mes filles à ma mère ou à ma belle-mère. Maintenant, je dois rester à la maison avec ma petite fille, pendant que ma femme étudie le français. C’est difficile de tout faire. »

Sa nouvelle communauté lui a toutefois démontré un soutien qui le touche droit au cœur. « Depuis le début du projet pour ouvrir le dojo, j’ai reçu beaucoup d’aide, en plus des sous amassés. Je trouve ça incroyable ! »